Dans le domaine des sciences, les femmes ne sont pas suffisamment nombreuses aux postes de direction

En Belgique, seules 35 % des femmes occupent des postes à responsabilité, alors que les femmes représentent 47 % de la population active. Ces inégalités affectent le fonctionnement de la société. La sous-représentation des femmes dans le domaine des sciences et de la technologie doit être soulevée.

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Un texte d’Akodad Hajar, étudiante en pharmacie et d’Akodad Sanae, chercheuse en neurosciences à l’ULB.

L’inégalité entre les sexes dans le domaine du travail est depuis longtemps un sujet de préoccupation, les femmes étant souvent confrontées à des obstacles à la promotion et à la reconnaissance de leur carrière. Malgré les progrès réalisés ces dernières années, les études continuent de montrer que les femmes sont sous-représentées dans de nombreux domaines, notamment le domaine scientifique, et qu’elles sont souvent victimes de discrimination et de préjugés sur le lieu de travail.

Plafond de verre

L’un des problèmes majeurs est le manque de représentation des femmes aux postes de direction dans les sciences. Selon un rapport du National Science Board publié en 2020, les femmes ne représentent que 28 % des professeurs de sciences et d’ingénierie à temps plein dans les universités et collèges des États-Unis. En Europe ce chiffre varie considérablement d’un pays à l’autre, mais les femmes y sont globalement sous-représentées aussi. Selon une étude de l’Union Européenne de 2017, seulement 30 % des chercheurs en Europe sont des femmes. Dans le domaine médical, qui est perçu comme un secteur professionnel élitiste, une transition démographique “en faveur” des femmes se produit globalement. Cependant, ces tendances progressistes mondiales ne doivent pas masquer le fait que les médecins masculins dominent toujours massivement les rôles de direction. Malgré l’augmentation du nombre de femmes travaillant dans le système de santé, les praticiennes se heurtent toujours au fameux “plafond de verre” en ce qui concerne l’accès aux postes de direction de haut niveau. Des résultats similaires sont observés en pharmacie et en dentisterie.

Les femmes scientifiques sont moins nombreuses et moins bien payées

Expression d’origine américaine, le plafond de verre, en anglais “glass ceiling”, est employé pour parler de tous les obstacles auxquels font face les femmes cherchant à occuper de hauts postes au sein de leur milieu professionnel. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un phénomène invisible mais qui pourtant existe bien et empêche certaines catégories de la société de traverser ce qui semble somme toute pénétrable. Ce concept né vers la fin des années 70, permet de conceptualise l’idée que malgré les avancées liées au taux de femmes diplômées, le pouvoir et l’arbitrage revient encore trop souvent à leurs homologues masculins.

Enseignement

Pourtant au cours des 25 dernières années, des progrès considérables ont été réalisés en matière d’accès à l’enseignement pour les filles et de façon notoire, on observe une augmentation féminine dans l’enseignement primaire et secondaire. Aujourd’hui, les femmes représentent 35 % des étudiants de l’enseignement supérieur en sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (Stem) dans le monde, et plus de la moitié des diplômés en STEM dans certains pays arabes et d’Amérique latine sont des femmes. Toutefois, dans d’autres régions du monde, ce chiffre est encore trop souvent inférieur à 20 %.

Ces chiffres, bien qu’encourageant, montrent que la situation inégalitaire concerne de nombreux pays et ce indépendamment de leur niveau de développement.

Sur le marché de l’emploi, ces inégalités ont des répercussions évidentes puisque la population mondiale est presqu’à moitié féminine. Par conséquent, les femmes étant sous-représentées dans de nombreux domaines professionnels, cela peut avoir des conséquences néfastes sur l’économie et la société dans son ensemble puisque les femmes ont souvent des compétences, des talents et des expériences différentes des hommes, et leur absence dans les postes de décision peut entraîner une perte de perspectives et d’innovations.

Selon le Forum économique mondial, il faudra encore 257 ans pour combler l’écart de rémunération entre les sexes et 217 ans pour combler l’écart de leadership entre les sexes.

Exacerbation des inégalités en temps de pandémie

Selon un rapport de l’Académie australienne des sciences publié en 2021, la pandémie de Covid-19 a aggravé la situation des femmes dans les domaines des sciences. Les responsabilités domestiques et familiales, l’augmentation de la charge de travail, la rigidité des conditions de travail et les problèmes causés par la disparition des frontières entre le travail et la maison, ont affecté les femmes dans le domaine des sciences en exacerbant les inégalités préexistantes dans ce milieu. Seules 72 % des femmes qui ont participé à l’enquête de l’académie ont déclaré qu’elles comptaient rester dans la recherche scientifique à court terme. Et pour cause, dans ce rapport il est établi que la pandémie de Covid-19 a entravé la productivité du travail, augmenté les modalités de travail précaires et réduit l’accès aux installations de recherche et aux lieux de travail en raison des dispositions de verrouillage. De manière inquiétante, ces nouvelles conditions ont eu un impact significatif sur le bien-être individuel, avec 50 % des répondants à l’enquête faisant état d’impacts négatifs sur la santé mentale par rapport au travail ou à la vie familiale.

D’autre part, il y a des indications que les femmes ont été sous-représentées dans les équipes de recherche sur le Covid-19 et dans les publications scientifiques sur le sujet. Les femmes ont également été sous-représentées dans les comités de gestion de la crise et dans les décisions relatives à la réponse à la pandémie, ce qui a entraîné des politiques qui ne tiennent pas suffisamment compte de leurs besoins et de leur situation.

Stéréotypes et discrimination

L’explication principale de ces inégalités demeure l’exposition des femmes à de nombreux stéréotypes et préjugés, au sein de la famille, de l’école et de la société dans son ensemble, qui éloignent progressivement les jeunes filles de certaines perspectives professionnelles. Il est nécessaire de comprendre que les mentalités, forgées par ces stéréotypes, contribuent en première intention à ces disparités. Ils sont synonymes d’obstacle et limitent considérablement l’évolution de la situation. Chaque stéréotype participe fondamentalement à la sous-représentation systémique des femmes dans le domaine des sciences, aussi bien au niveau scolaire qu’au niveau professionnel. Il s’agit là d’un facteur psychologique essentiel.

On peut citer par exemple, les stéréotypes au sein des écoles et des familles selon lesquels les garçons sont meilleurs en sciences et en mathématiques ou ont plus de chances de réussir dans les emplois liés aux Stem. Mais aussi les perceptions selon lesquelles les carrières dans les Stem, fortement dominées par les hommes, ne conviennent pas aux femmes et ceci pour des raisons familiales ou encore physiques. Il est important de noter que ces stéréotypes sont sans fondement, les études montrent que les filles et les garçons ont les mêmes capacités en matière de Stem, mais les filles ont tendance à être moins encouragées et à recevoir moins de soutien pour poursuivre des études et des carrières dans ces domaines.

Ces stéréotypes, laissant souvent place à des abus de langage en tout genre, ont de graves conséquences tant leurs répercussions sont tangibles dans nos sociétés.

L’une des études les plus convaincantes concernant l’effet des stéréotypes sur la sélection des femmes dans des domaines dominés par les hommes a examiné le changement de la composition démographique des orchestres avec l’avènement de l’audition en aveugle (Goldin et Rouse, 2000). Une audition à l’aveugle se produit lorsque les musiciens auditionnent derrière un écran laissant uniquement la performance elle-même à l’appréciation du comité de sélection. Goldin et Rouse ont examiné les registres et les listes d’auditions d’orchestres avant et après la mise en œuvre d’auditions à l’aveugle dans 11 orchestres de grandes villes américaines. Avant l’incorporation des auditions à l’aveugle, les orchestres étaient majoritairement masculins ; les femmes représentaient 10 % ou moins des nouvelles recrues. Le passage aux auditions à l’aveugle a augmenté de 50 % la probabilité que les femmes passent les premiers tours. Ces résultats prouvent que les stéréotypes sexistes expliquent mieux l’inégalité entre les sexes dans les contextes de travail dominés par les hommes, comme les Stem, que les caractéristiques et les traits individuels des femmes.

C’est pourquoi la sensibilisation au problème, la déconstruction systémique de ces mentalités, la diffusion de modèles de réussite sur les principaux supports utilisés par les jeunes et la lutte contre la désinformation constituent un premier arsenal pour lutter fondamentalement contre les inégalités de genre dans le monde scientifique.

Des pistes d’action

Pour résoudre le problème de la sous-représentation des femmes dans les carrières Stem, il est nécessaire de rompre le nœud gordien en agissant de manière structurelle. Une des manières d’y parvenir est d’encourager l’intérêt des femmes pour les carrières Stem dès leur plus jeune âge, en sensibilisant les élèves de maternelle, de collège et d’université. Cela implique la participation active de tous les acteurs de l’éducation, des enseignants aux responsables de l’établissement. Il est également important de créer un climat positif pour les femmes dans les programmes de formation STEM pour les rendre plus accueillants et inclusifs. Il faut également favoriser l’égalité des chances dans les recrutements et les promotions dans les entreprises et les organisations, ainsi que mettre en place des programmes de mentorat pour les femmes en STEM pour les aider à progresser dans leur carrière.

Il est temps de briser les barrières qui empêchent les femmes de réaliser leur plein potentiel dans les domaines des sciences et de construire un avenir plus équitable pour tous.

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