Les “boomers” cumulent-ils tous les défauts de la terre ?

Non, et arrêtons la ségrégation entre les générations. Chacune a ses grandeurs et ses malheurs. Faisons société ensemble.

Senior, aîné, homme utilisant une application mobile sur smartphone
Un bon choix d'applications peut rendre de fiers services au fil de la journée d'un senior. ©Adobe Stock

Une chronique de Francis Van de Woestyne, journaliste.

Ce matin-là, je dégustais mon café avec délice. J’ai failli recracher ma deuxième gorgée lorsque j’ai entendu un reportage sur les “zoomers”. Parce que, vous le savez sans doute, désormais, il faut distinguer les générations. Les humains sont divisés en cinq catégories : les boomers (nés entre 1946 et 1964), la génération X (née entre 1965 et 1979) la génération Y (entre 1980 et 1994) la génération Z (entre 1995 et 2010) et la génération Alpha (née après 2010). Remarquons d’emblée que même si elles se font plus rares, les personnes nées entre 1900 et 1924 (la génération des traditionalistes bâtisseurs ou la génération dite grandiose) sont oubliées, de même que la génération silencieuse (ceux et celles nés entre 1925 et 1946). Il y a bien sûr des différences physiques entre les générations. On peut se définir par rapport à la couleur de ses cheveux pour ceux qui en ont encore, par rapport à la profondeur des rides. Mais il est un fait : nous sommes tous et toutes dans le même bateau ou plutôt le même radeau. Même s’il prend l’eau de toutes parts. Mais cette tendance “séparatiste” pousse de plus en plus à dresser le bilan, sinon le procès, des générations. Ainsi, les jeunes critiquent leurs parents qui émettent des réserves à l’égard de leurs aînés, lesquels estiment souvent que “c’était mieux avant”. Dans cette entreprise de séparation massive, les boomers (nés entre 1946 et 1964) semblent cumuler tous les défauts de la Terre. Ils ne sont évidemment pas exempts de tout reproche : priorité au béton, à la voiture, à la vitesse, à l’avoir plus qu’à l’être. Mais chaque génération n’a-t-elle pas ses grandeurs et ses malheurs ? Les boomers n’ont-ils pas créé l’Europe, la sécurité sociale, assuré 70 ans de paix ?

Un exploit ? Non, un problème

Ce matin-là, donc, un reportage sur les zoomers (nés entre 1995 et 2009) m’a quand même fait dresser les cheveux gris sur la tête. Le thème : les concerts de solidarité “Live Aid” organisés simultanément à Londres et à Philadelphie en 1985 par Bob Geldof et Midge Ure dans le but de lever des fonds pour soulager la famine éthiopienne en cours, de même que pour financer la recherche et la lutte contre le sida. Les plus grands noms du rock de l’époque s’étaient mobilisés : le groupe légendaire Led Zeppelin s’était reformé pour l’occasion et les spectateurs réunis à Londres assistèrent à la performance d’anthologie de Queen et de Freddie Mercury. Y participèrent aussi U2, David Bowie, Dire Straits, The Who, Paul McCartney, Elton John, Wham !, Phil Collins, Sting, Madonna, Status Quo, Tina Turner, Mick Jagger, Eric Clapton, Neil Young, Santana, etc.

Résultat, outre de magnifiques performances musicales, 127 millions de dollars envoyés en urgence pour acheter du matériel, des médicaments, offrir à boire à manger et de quoi se loger aux millions de personnes affamées, déplacées. Un exploit ? Un problème, répondent certains zoomers ! Pourquoi ? Parce que l’aide n’a pas permis une réflexion en profondeur sur les causes du mal ni sur les régimes politiques à l’œuvre dans ces pays, trop occupés qu’ils étaient – et sont encore souvent – à leur maintien au pouvoir plutôt qu’au bien-être de leur population…

L’universalisme perd du terrain

Mais l’aide d’urgence, quel que soit le régime en place, n’est-elle pas le propre, la grandeur des ONG qui interviennent avec un admirable courage lorsqu’une catastrophe survient ? Et si, à l’époque, les organisateurs de ces concerts d’exception avaient osé dénoncer les régimes en place, sans doute auraient-ils été accusés de néocolonialisme… Pourquoi toujours se braquer sur les clichés, les étiquettes, les identités ? Une société a besoin de tous, de toutes les sensibilités, les âges, les couleurs, les genres pour avancer, pour offrir à chacun les mêmes chances de s’épanouir dans un monde qui n’exacerbe que trop les différences. La lutte contre le réchauffement climatique est l’affaire de toutes les générations. Les femmes ET les hommes doivent se battre pour l’égalité des sexes. Pourtant, on le constate tous les jours : l’universalisme perd du terrain. La confrontation d’idées se réduit, le doute s’amenuise. Il est intéressant de constater que les jeunes nés depuis 2010 font partie de la génération Alpha, à qui l’on ne prête pas (encore ?) d’affirmations à l’emporte-pièce. C’est plutôt réjouissant : avec les “Alphas”, il sera peut-être possible de réinventer un nouveau monde avec, qui sait, plus de solidarité, d’altérité, d’humanité. La ségrégation, quelle qu’elle soit, aboutit à la dislocation des liaisons/liens entre les “êtres”. On devrait d’ailleurs dire entre les “vivants”. Car les animaux et les plantes auront peut-être aussi, un jour, leurs droits et leur mot à dire.

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