Il y a quelque chose de pourri au Royaume de Belgique
Professeur à temps plein depuis 2021 dans notre collège, David Mbombo, résidant depuis 9 ans en Belgique, vient de se voir refuser son autorisation de travail pour devenir un étranger en situation irrégulière. Nous nous insurgeons contre cette situation absurde où un État se débarrasse d’un travailleur méritant contribuant à sa richesse.
Publié le 14-03-2023 à 12h08 - Mis à jour le 14-03-2023 à 16h23
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Benoît Martin (directeur adjoint), au nom des directions du Collège Cardinal Mercier (Braine-l’Alleud)
Voici, en une phrase, la situation ubuesque à laquelle nous sommes confrontés : nous avons été contraints, ce jeudi 9 mars 2023, de rompre le contrat d’un professeur de religion donnant entière satisfaction.
Nous employons en toute bonne foi David Mbombo comme professeur de religion à temps plein depuis la rentrée scolaire de septembre 2021. Monsieur Mbombo est un citoyen congolais résidant depuis 9 ans en Belgique et titulaire d’un diplôme délivré par une université belge. Il représente en outre une espèce devenue rare dans l’enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles : un professeur de religion titulaire du titre requis ! Faut-il rappeler que le métier de professeur de religion figure dans la liste des métiers en pénurie ? Pourtant, depuis ce 9 mars 2023, il n’a plus de travail, plus de revenus : il est passé d’un temps plein dans l’enseignement au statut précaire (c’est un euphémisme) d’étranger en situation irrégulière !
Comment en est-on arrivé là ?
La suite d’événements serait trop longue et fastidieuse à détailler pour le lecteur… qui aurait l’impression de lire un récit de science-fiction administrative ! En effet, le cheminement est tortueux, voire abracadabrantesque et digne de figurer au panthéon des imbroglios administratifs. Pour résumer, suite à divers problèmes administratifs – citons, pêle-mêle, des courriers non reçus, des dysfonctionnements d’un portail numérique de la Région wallonne, des avis contradictoires reçus par des fonctionnaires de la Région wallonne ou encore des lois conflictuelles –, la demande d’autorisation de travail de Monsieur Mbombo a finalement été refusée par la Région wallonne le 29 décembre 2022, soit 4 mois après la signature de son contrat pour l’année scolaire 2022-2023.
Nous avons introduit un recours dès le début janvier 2023 mais, dans son accusé de réception daté du 7 février 2023, la Région wallonne signale que ce recours n’est pas suspensif et que nous ne pouvons donc plus employer Monsieur Mbombo !
À cause du découpage des compétences dans notre État fédéral
Nous avons naturellement pris nos renseignements quant aux risques encourus pour le Collège si nous continuons à employer Monsieur Mbombo malgré ce refus d’autorisation de travail : outre des amendes, nous serions sous la menace du remboursement de son salaire depuis le 29 août 2022. Nous n’avons par conséquent pas eu d’autre choix que de rompre le contrat ce 9 mars, de commun accord avec Monsieur Mbombo, et la mort dans l’âme. Nous sommes apparemment devenus des négriers alors que nous employons un professeur sous contrat et payé par la Fédération Wallonie-Bruxelles depuis le 29 août 2022 ! Vous lisez bien, Monsieur Mbombo a en effet été payé par la Fédération sans aucune interruption : il est donc aussi victime du découpage des compétences dans notre État fédéral, découpage conduisant à une communication défaillante entre l’autorité fédérale (Office des étrangers – SPF Intérieur), la Région wallonne (Emploi) et la Fédération Wallonie-Bruxelles (Enseignement).
Monsieur Mbombo s’est ainsi vu refuser une autorisation de travail alors qu’il travaille chez nous depuis septembre 2021, il a perdu son emploi (son unique source de revenu, faut-il le préciser ?) et se trouve désormais en situation irrégulière : un ordre de quitter le territoire lui pend au nez…
Vous avez dit “bon sens” ?
Il y a bien quelque chose de pourri au Royaume de Belgique : notre État préfère renvoyer au Congo un homme qui travaille depuis son arrivée dans notre pays, qui paie ses impôts et cotise ! Si nous pouvons comprendre qu’un État renvoie des femmes et des hommes rentrés illégalement sur notre territoire – nous n’avons pas à juger ici de notre politique migratoire –, nous nous insurgeons contre une situation absurde où un État préfère se débarrasser d’un travailleur contribuant à sa richesse.