Le niveau du débat politique a-t-il diminué ces dernières années ?

La politique est un art noble. Il faut du courage pour s’y lancer. Comme dans toutes les professions, il y a des pros, des amateurs et des arnaqueurs.

BRUSSELS, BELGIUM - MARCH 16 : Plenary session of the federal parliament.  Alexander De Croo (Open Vld), Prime Minister pictured talking on MARCH 16, 2023 in Brussels, Belgium, 16/03/2023 ( Photo by Philip Reynaers / Photonews
Alexander De Croo (Open VLD). ©PRE

Une chronique de Francis Van de Woestyne, journaliste.

Dans mon quartier, des voisins ont créé un groupe Whatsapp très utile grâce auquel les habitants s’échangent des informations précieuses : “Quelqu’un peut-il me prêter un taille-haie, une brouette, j’ai perdu mon chat, j’ai été cambriolé cette nuit, on m’a volé mon vélo,…” Les messages de solidarité et de détresse défilent. Les informations les plus pressantes concernent… la recherche de techniciens. “Help, ma chaudière vient de tomber en panne, un chauffagiste à me recommander ?” Les réponses varient. Les uns expliquent : “ne prends surtout pas le mien, hors de prix, inefficace, un escroc…”. Un autre : “je recommande vivement la société machin, rapide, aimable”. Dans toutes les professions, il y a des pros, des amateurs, des arnaqueurs. On peut appliquer la “règle” aux médecins, aux avocats, aux professeurs, aux architectes, aux marchands de vélos. Et bien sûr aux journalistes. Et aux hommes et femmes politiques.

Irréprochable

Ces derniers temps, les élus de tout bord essuient des torrents de critiques. Parfois justifiés. Parfois exagérés. La politique est un art noble. Le pire y côtoie le meilleur ; des hommes, des femmes d’État cherchent à tirer leur commune, leur ville, leur région, le pays vers le haut. D’autres offrent une image détestable de leur “métier” : ils se servent avant de servir. Mais il suffit d’une pomme pourrie pour que le panier dégage un remugle. Car quand on se lance dans une carrière politique, il est normal que les citoyens attendent de leurs élus des conduites irréprochables. D’où vient ce rejet grandissant à l’égard du monde politique ? Quelques réflexions à ce sujet.

Tout dérapage doit être dénoncé. Sont-ils plus nombreux qu’avant ? Pas nécessairement. Le niveau de transparence est beaucoup plus élevé que dans les années 60-70-80. Et le niveau de tolérance est lui, beaucoup plus bas. Et c’est très bien ainsi. La moindre “petite” affaire connaît une diffusion rapide et parfois démesurée. L’indignation est source de progrès pour la démocratie. L’indignation permanente peut être source de blocage. Méfions-nous donc de la scandalite aiguë.

Cela ne signifie pas qu’il faille manquer de vigilance. Des fautes impardonnables ont été commises. Dans certaines assemblées, la politique de copinage, des recasages, des petits arrangements entre amis semble être devenue la règle et donnent le sentiment au citoyen belge que ceux qui nous gouvernent sont de plus en plus déconnectés de la réalité, centrés sur leur nombril. La Belgique politique a des coliques. Le spectacle offert est affligeant. Dans 14 mois, lors des élections de 2024, ceux qui occupent aujourd’hui le pouvoir se demanderont : mais pourquoi donc les extrémistes ont-ils gagné ?

Un art difficile

Cela dit, la politique est un art devenu difficile : il faut du courage pour se consacrer à la gestion de la nation. Pourquoi ? L’objectif ici, n’est pas de faire le procès des réseaux sociaux mais d’analyser leur impact sur la vie politique. Ils imposent aux élus et ministres de se faire remarquer, de faire “le buzz”, d’avoir une idée intelligente chaque jour, de bien la formuler en quelques signes, de la mettre en scène de manière ludique. Or ces réseaux sociaux privent le débat de toute nuance. S’y frotter, c’est risquer de se faire harponner. Les délaisser, c’est donner le sentiment que l’on fuit le débat. D’où le sentiment que le niveau du débat politique a diminué au fil des ans. Pourquoi ? Parce que ce ne sont plus nécessairement les meilleurs de la classe qui se lancent en politique. Des parents sont toujours fiers d’annoncer que leurs enfants font des études de médecine, d’ingénieur, ont créé leur start up, sont inscrits au barreau, ont ouvert un restaurant, deviennent ébénistes, chocolatiers. Mais toute carrière politique est a priori suspecte. On pourrait pasticher Jacques Séguéla, le génial publiciste français : “Ne dites pas à ma mère que je suis en politique, elle me croit pianiste dans un bordel…” Beaucoup de jeunes considèrent que se mettre au service de l’État n’est pas gratifiant. Et dans le privé, à compétence égale, ils sont infiniment mieux payés, plus respectés et surtout infiniment plus libres.

Concluons par un espoir. Car la lutte pour l’environnement, pour la justice sociale, pour l’altérité, l’équilibre des sexes, a donné à la jeunesse une envie de politique. Elle ne passe pas nécessairement par les partis, mais par un désir d’engagement, par une saine volonté saine de changer le “système”, de construire un monde plus apaisé, serein, juste. Cette envie de politique, noble, généreuse, tournée vers les autres, ne devrait pas d’ailleurs se limiter à la jeunesse : il n’y a pas d’âge pour se lancer en politique.

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