Dans nos laboratoires, des animaux sont rendus dépendants aux drogues ou à l'alcool, d'autres rendus aveugles. Cela ne peut plus durer
L’augmentation du nombre d’animaux mis à mort et les grandes souffrances infligées enfreignent la législation sur l’expérimentation animale.
Publié le 22-03-2023 à 15h16
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Une opinion du Vétérinaire André Ménache et de Solange T’Kint pour la SEA (Suppression des Expériences sur l’Animal vivant)
“La guerre c’est la paix ; la liberté c’est l’esclavage ; l’ignorance c’est la force”, disait George Orwell, dans son roman dystopique “1984” .
De même, l’augmentation du nombre d’animaux utilisés dans les labos belges est conforme au principe de réduction du nombre d’animaux utilisés dans les labos prévu par le droit européen, dit la Commission européenne.
Les statistiques de 2021 relatives à l’utilisation des animaux d’expérience en Belgique ont été publiées fin 2022.
477 675 animaux ont été mis à mort dans les laboratoires belges en 2021 alors qu’en 2020, leur nombre s’élevait à 437 275.
Des lapins, des hamsters, des chiens, des chevaux, des poules, des dindes, des cochons, des vaches, des poissons… ont subi des expériences.
On remarque une nette augmentation de certaines espèces sacrifiées. C’est notamment le cas des chevaux et ânes, des hamsters, des oiseaux, des poules domestiques :
- 4 744 hamsters mis à mort en 2021 contre 2 985 hamsters en 2020 ;
- 54 511 poules ont été mises à mort en 2021, 45 115 en 2020 ;
- Des dindes qui ont été utilisées pour la première fois, 2 473 ont été mises à mort dans les laboratoires belges en 2021.
- La catégorie “chevaux, ânes et croisements” est également en augmentation puisque leur nombre est passé de 199 à 347.
- L’augmentation du nombre de poissons utilisés est spectaculaire : 53 035 en 2021 contre 2 985 en 2020.
Indépendamment du nombre, ce sont également les souffrances infligées aux animaux qui interpellent puisque le nombre de ceux qui ont enduré des expériences de gravité sévère s’élève à 50 858 (2021) contre 47 040 en 2020.
Des souris et des rats rendus dépendants aux drogues
On peut se poser la question de l’utilité des expériences menées dans les laboratoires belges ainsi que de la légalité de certaines d’entre elles.
Des souris et des rats rendus dépendants aux drogues sont tenus d’effectuer des parcours qui permettraient de “constater que la dépendance aux drogues affecte les capacités d’apprentissage”, des souris, gavées à l’alcool, sont plongées dans des récipients remplis d’eau pour des tests de nage forcée jusqu’à épuisement “afin de les rendre dépressives” (1), des caries sont provoquées chez des souris (2), d’autres sont rendues aveugles (3), des rats et des souris sont exposés aux fumées de tabac alors que les tests concernant le tabac sont interdits en Belgique depuis 2008 (4), des souris sont soumises à des chocs électriques. (5)
Les tests pour le tabac toujours pratiqués en Belgique en 2022, puisqu’il en est fait mention dans les résumés non techniques (RNT 943701), montrent que la loi belge n’est tout simplement pas respectée. (6)
De façon plus générale, l’augmentation du nombre d’animaux sacrifiés dans les laboratoires belges en 2021 va à l’encontre du principe de réduction inscrit dans la directive 2010/63/UE qui prévoit expressément que “les États membres veillent à ce que le nombre d’animaux utilisés dans un projet soit réduit au minimum”.
Les expérimentateurs seraient-ils au-dessus des lois ?
C’est ce que laisse penser le classement sans suite de la plainte déposée par S.E.A. (Suppression des Expériences sur l’Animal) (7) devant la Commission européenne, cette dernière considérant que “le nombre total et les tendances des animaux utilisés ne sont pas suffisants pour conclure à l’existence éventuelle d’une infraction”.
Suivant cette argumentation, l’augmentation du nombre d’animaux utilisés dans les labos serait conforme au principe de réduction de l’utilisation du nombre d’animaux. Le message est clair, l’Union européenne n’a pas à cœur une quelconque réduction de l’utilisation du nombre d’animaux dans les labos dont elle se targue.
Les expérimentateurs sur animaux affirment que toute expérience scientifique impliquant des animaux réalisée dans une université belge […] est conforme au droit belge et européen. (8)
L’expertise scientifique est d’emblée jugée crédible et fait autorité dans notre société, on pourrait même parler de “messianisme scientifique”. Dans cette optique, il faudrait accorder directement du crédit au discours des expérimentateurs sur animaux.
Or, des tests interdits par la loi belge sont pratiqués sans vergogne, les recommandations de la directive 2010/63 restent lettre morte.
Par le biais des commissions d’éthique, les expérimentateurs s’arrogent eux-mêmes le droit d’expérimenter sur le vivant, au-dessus des lois.
Imposer des contrôles indépendants afin de mettre fin au huis clos qui existe actuellement dans les laboratoires d’expérimentation afin que la législation soit respectée est un objectif de S.E.A.
Remettre en question l’expérimentation animale, ce serait renoncer à des méthodes cruelles et dépassées pour entrer dans la modernité.
Références
1 4 232 souris (RNT 2020/126 – durée de l’étude, 5 ans)
2 509 souris (RNT 2022 – 620167)
3 320 souris rendues aveugles (RNT 2022 – 436532)
4 2 354 souris exposées aux fumées de tabac et de la cigarette IQOS. (RNT 2022 – 943701) 2008 interdiction belge des tests sur animaux pour le tabac (M.B. 15/12/2008) Art. 1er quinquies. Les expériences sur animaux en vue du développement de produits du tabac sont interdites (A.R. 28/10/2008)
5 900 souris et 100 rats (RNT 2022 – 545811)
6 Art. 1er quinquies. Les expériences sur animaux en vue du développement de produits du tabac sont interdites (A.R. 28/10/2008)
7 Commission européenne, décision du 9 mars 2023, signée par M. Nicola Notaro.