Place De Brouckère, Splendeur et Misères
J’ai reculé sur la vaste esplanade piétonne de la place De Brouckère, battue par un vent glacé, pour saluer la façade du grand et mythique Hôtel Métropole bientôt vide et évidé.
Publié le 30-03-2023 à 13h04 - Mis à jour le 31-03-2023 à 15h55
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Un texte de Muriel Claude, écrivain
Ma chère amie,
Je ne t’ai plus écrit depuis décembre et ses “Plaisirs d’hiver”.
Cette dernière semaine de mars est traversée de giboulées et de pluies froides.
Je t’envoie pourtant ce petit billet printanier d’une ville que tu as tant aimée.
“L’historique Hôtel Métropole met son mobilier et sa vaisselle aux enchères. L’occasion rêvée de refaire sa décoration ou changer son ameublement. On vous dit tout. ” (Le Soir, Rubrique Design)
C’est en regardant par les fenêtres et les portes closes de l’Hôtel Métropole, plongé dans l’obscurité, que j’ai découvert l’annonce de la vente aux enchères du jeudi 30 mars 23.
« Cette vente est un moyen de s’approprier une partie de son histoire et sa splendeur. ” (id.)
En ligne, le catalogue détaillé, tel un catalogue IKEA aux nombreuses rubriques, toutes plus alléchantes les unes que les autres :
“Lot n°46 : En provenance du café Métropole. Meuble de bar en trois parties en bois naturel mouluré à décor de caissons.
Lot n°88 : En provenance de la suite Annie Cordy (5ème étage) de l’Hôtel Métropole. Table coiffeuse en bois clair et placage de bois clair ouvrant par un tiroir en ceinture. Attribué à Fernand Chambon (1876-1944) &Thonet.
Lot n°96 : En provenance de la suite Annie Cordy (5ème étage) de l’Hôtel Métropole. Ensemble de cinq paires de poignées de portes modernistes attribuées à Adrien Blomme (1878-1940). ”
La liste est longue, comprenant également des services d’assiettes en Limoges, des couverts, des vases, des luminaires, le vestiaire des stewards d’accueil.
Tout un monde.
J’ai reculé sur la vaste esplanade piétonne de la place De Brouckère, battue par un vent glacé, pour saluer la façade du grand et mythique Hôtel Métropole bientôt vide et évidé.
Puis je me suis retournée pour regarder les façades aveugles, soutenues par des étançons, qui forment l’autre côté de la place, le chantier arrêté… un peu plus loin, au coin de la rue de Laeken, ce porche isolé dans un champ de gravats, au fronton sculpté représentant une scène de famille, un père tendant les bras à un enfant, une femme. Une porte ouvrant sur un espace comme éventré par un bombardement.
Dans le hall de la Banque BNP/Paribas Fortis où se trouvent encore les seuls distributeurs de billets du quartier, un homme est allongé sur le sol, les pantalons déchirés, couché sur des restes de nourriture, quantité de déchets abandonnés aux pieds de celles et ceux qui retirent de l’argent en évitant de le regarder. Il les harangue : “Les hommes sont des fourmis. Ils s’agitent pour l’argent et la nourriture. ”
Le long du piétonnier poussent des jonquilles, elles pointent leurs museaux jaunes entre les papiers gras.
J’ai pensé à toi, tu en faisais de petits bouquets serrés chaque printemps.
Elles sont là.
Fraîches.
Je t’embrasse à l’heure d’été.
Muriel Claude