"Un Belge est un Français heureux"
De tous les peuples, les Finlandais sont les plus heureux. Souvent râleurs, les Français devraient s’inspirer des peuples du Nord… ou des Belges.
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Publié le 01-04-2023 à 20h35 - Mis à jour le 01-04-2023 à 20h36
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Une chronique de Francis Van de Woestyne, journaliste
Qu’est-ce que le bonheur ? Une vie parfaite, sans malheur n’existe pas. Nous connaissons toutes et tous des moments de joie, fugaces ou prolongés, souvent liés à des événements familiaux, amicaux, sentimentaux ou professionnels. Des instants que viennent briser, insidieusement ou brutalement, des drames d’une incommensurable et indicible cruauté. Avec cette question, à laquelle personne n’a de réponse : pourquoi ?
Le bonheur existe-t-il vraiment ? La notion de joie semble être plus subtile, plus légère, plus fugitive, plus musicale. Il y a aussi la douceur. Ce n’est pas rien la douceur. C’est même immense. Cela peut être audacieux voire révolutionnaire. Douleur et bonheur : pourquoi ces deux mots se ressemblent-ils tellement ? Il y a ce que l’on est, ce que l’on ressent au plus profond de notre être et l’image que l’on donne de soi. Faut-il exposer nos joies, taire nos peines, dire notre anxiété, notre culpabilité, nos tristesses ou donner le change ? Les réponses sont personnelles. Autre interrogation : le bonheur collectif est-il la somme des joies individuelles ?
Tourner les difficultés en opportunités
Malgré la difficulté de définir ces notions et de les généraliser, l’Organisation des Nations Unies (Onu) tente chaque année en mars, de mesurer le “bonheur” des peuples. Peut-être un jour cette notion remplacera-t-elle celle du Produit Intérieur Brut qui évalue certes des performances économiques mais ne dit rien de l’état mental, social, sentimental des citoyens. Le classement de l’Onu révèle que le bonheur semble être proportionnel à la latitude : plus on va vers le nord, plus la satisfaction de vivre grandit. La Finlande, le Danemark, l’Islande, les Pays-Bas, la Suède, la Norvège sont les pays où le bonheur semble être le plus sensible. Notons toutefois qu’Israël se glisse dans ce classement la quatrième place. Pourquoi les Finlandais se sentent-ils plus heureux ? Ils attribuent leur état au “sisu”. Le sisu est une pastille à la réglisse que les Finlandais se collent sous la langue. Mais c’est surtout un terme finnois venu du fond des âges, utilisé dans de multiples situations, pour évoquer un principe, un mode de vie. C’est un état d’esprit, une force de l’âme. “Sisu” décrit l’aptitude à tourner les difficultés en opportunités. Les Finlandais tirent aussi leur paix intérieure de leur ancrage avec la nature : les bois y couvrent 77 % de la superficie du pays. Ils sont très “physiques”, prennent des bains toute l’année dans l’eau glacée et se complaisent dans les saunas.
Révolutionnaire
Au sud, il est un pays magnifique, à l’histoire glorieuse, qui a offert au monde les plus grands auteurs, écrivains, philosophes, acteurs, actrices, une gastronomie de légende, des vins inoubliables, un pays composé de villes qui ont une âme, des plages somptueuses, des montagnes majestueuses, des vallons où flâner, des campagnes où marcher, des villages où prendre l’apéro, où s’enivrer. Un pays qui offre une sécurité sociale généreuse, une politique du “quoi qu’il en coûte” sans limite : la France. Un pays de râleurs ? Ne généralisons pas. Mais la rabbine française, Delphine Horvilleur racontait récemment aux Grands conférences catholiques ce moment entre amis : il fallait miner un pays. L’un d’eux a fait grise mine et a imité un manifestant. En une fraction de seconde, les gens ont deviné : la France.
Avec ses atouts géographiques, sociaux, culturels, la France devrait être dans le haut du classement de l’Onu : elle a reculé d’un rang à la 21e place. La Belgique, elle, a gagné deux places (du 19e au 17e rang). Pour nombre de Français, la vie semble être un long purgatoire à traverser afin d’atteindre le nirvana, l’oisiveté. Même en dehors la réforme des retraites (de 62 à 64 ans) qui semble être pour les autres pays européens un petit pas dans la bonne direction, (les pays nordiques s’acheminent vers une retraite à 70 ans…) nos voisins et amis français sont rétifs à accepter la moindre évolution. Emmanuel Macron et ses ministres ont sans doute commis des erreurs. Il est vrai que le dialogue social n’y est pas aussi naturel que chez nous. Mais pourquoi ce pays devrait-il échapper à la logique des âges ? Pourquoi la France est-elle en voie de “lepenmelenchonisation” : le “y’a qu’à” semble être leur seule doctrine. “Y’à qu’à rien faire”, les générations suivantes paieront. Les médias devraient aussi s’interroger : seuls les contestataires donnent de la voix. Pourquoi les défenseurs de cette réforme sont-ils silencieux ou absents des débats ?
L’herbe est toujours plus verte chez les voisins. Si l’exemple finlandais semble trop lointain pour les Français, ils pourraient peut-être s’inspirer de la sagesse des Belges. Ils ne pratiquent pas le “sisu”, mais ils affichent souvent un calme qui tranche avec l’esprit révolutionnaire permanent de nos voisins du Sud. L’excellent acteur François Berléand, qui aime venir jouer dans notre pays, disait récemment : “Un Belge, c’est un Français heureux”.