2024, annus horribilis?

La Belgique n'a pas choisi la date des prochaines élections. Ce sera sans doute: le 9 juin 2024. Nous voterons pour les Régions, le fédéral et l'Europe. Résultat : l'enjeu européen risque de passer au second rang. Et les négociations aux différents niveaux de pouvoir en Belgique pourraient s'éterniser. Tous comptes faits, il serait préférable de dissocier les élections régionales et fédérales.

REMOUCHAMPS. AMBIANCE AU BUREAU DE VOTE DU CENTRE RECREATIF DE REMOUCHAMPS. PHOTOS D URNES POUR LES ELCTIONS.  Photo Michel Tonneau
La Belgique n'a pas choisi la date des prochaines élections. Ce sera sans doute: le 9 juin 2024. Nous voterons pour les Régions, le fédéral et l'Europe. Résultat : l'enjeu européen risque de passer au second rang. Et les négociations aux différents niveaux de pouvoir en Belgique pourraient s'éterniser. Tous comptes faits, il serait préférable de dissocier les élections régionales et fédérales. ©MICHEL TONNEAU

Par Francis Van de Woestyne

Aller voter ? Quelle corvée ! Cette litanie se répand comme si choisir librement les représentants de la Nation était une insupportable servitude. Les arguments des abstentionnistes ? Le vote ne sert à rien et, dans notre système, ce ne sont pas toujours les gagnants qui se retrouvent au pouvoir. Heureusement, serait-on tenté d’écrire. Si les sondages disent vrai, il faudrait, en 2024, associer le PTB au Vlaams Belang pour gouverner la Belgique…

Notre démocratie représentative est imparfaite pour plusieurs raisons : parce qu’en Belgique, le système proportionnel impose des gouvernements de coalition qui empêchent les partis d’appliquer l’ensemble de leur programme. Les choix politiques sont brumeux, chaque parti se bat pour ses trophées, nos accords alambiqués sont incompréhensibles pour le commun des mortels.

Paralysie annoncée

Pour empêcher que les extrêmes n’emportent la mise, ce qui rendrait le pays (encore un peu plus…) ingouvernable, il faut donc aller voter. Les citoyens devraient être satisfaits de remplir ce devoir. Oui, un devoir : la Belgique maintient et c’est heureux, cette obligation de vote. Être citoyen, c’est obtenir des droits mais aussi exercer des devoirs. La Flandre a rendu le vote non obligatoire pour les prochaines élections communales. Quelle en sera la conséquence politique ? Il y a tant de pays où les élections n’ont pas lieu, où le scrutin est truqué, où la liberté de vote, inscrite dans la Constitution, n’est que de façade. Pour ne pas trop contrarier le citoyen dans ses activités dominicales, les partis politiques se sont entendus pour regrouper tous les scrutins. En 2024, le 9 juin, les électeurs iront donc élire les représentants des Régions et Communautés, de la Chambre et du Sénat et du Parlement européen. Cette concomitance est malheureuse à plusieurs égards. D’abord, étant donné que nos élections régionales et nationales doivent avoir lieu le même jour que celles du Parlement européen, nous avons donc laissé aux autorités européennes le choix de la date notre scrutin. La Belgique est sans doute le seul pays au monde où c’est un pouvoir supranational qui détermine la date du scrutin national, probablement le 9 juin 2024. Les étudiants apprécieront. Les jeunes qui seront âgés de 16 ans accomplis au moment de l’élection auront la possibilité de s’inscrire comme électeur pour l’élection du Parlement européen. Pas sûr que cette offre rencontrera beaucoup de succès. Ensuite, le passé l’a montré, la simultanéité de tous ces scrutins efface complètement l’enjeu européen, pourtant essentiel. Les débats concernant l’avenir de l’Union ne passionnent guère car les enjeux régionaux et nationaux dominent. Le scrutin sur lequel les électeurs seront sans doute le plus concentrés concerne une autre élection qui aura lieu en octobre 2024, pour renouveler les conseillers communaux et, en Wallonie, choisir les bourgmestres.

"Permettre aux jeunes de voter dès 16 ans leur offrira une place dans le processus décisionnel"

Lasagne indigeste

Étant donné que ce sont les présidents de partis qui négocieront les coalitions quasiment à tous les échelons, il y a fort à parier que l’année 2024 sera “perdue” : blocages à tous les échelons en vue. Les négociations dans les régions, communautés et au fédéral seront forcément dépendantes les unes des autres : “je te prends au fédéral si tu m’associes au régional”. Et vice et versa. Il n’est pas exclu que les majorités dans les grandes villes et les provinces se dessinent aussi en fonction des chovix qui auront été posés aux autres nieaux de pouvoir.

À quoi ce grand bazar, ce troc politique va-t-il amener ? Il a fallu 541 jours en 2010 pour former un gouvernement. Plus de 600 en 2017 pour constituer un exécutif, et encore l’a-t-il sous la pression des événements sanitaires. Il eut été plus sage de décaler toutes ces élections afin que chaque niveau de pouvoir puisse gouverner. En toute indépendance mais en gardant à l’esprit cette indispensable notion de loyauté fédérale. Les partisans du regroupement des scrutins rétorqueront que le système actuel limite la tendance confédérale. Pas sûr. Alors, 2024, annus horribilis ? Décaler les scrutins amènerait peut-être une certaine clarté dont le pays a tant besoin. Les lasagnes bien préparées sont savoureuses. Institutionnelles, elles sont indigestes.

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