Il faut d’urgence plus de transparence et de contrôle à nos frontières
Le tribunal civil a condamné l’État belge pour la détention de Junior Wasso et Ouiam Ziti. Bien que munis de visas en règle, les étudiants ont été détenus dès leur arrivée à l’aéroport.
Publié le 28-04-2023 à 10h27
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Une carte blanche d’Emmanuelle Vinois, coordinatrice de Coalition nationale “Move”, Pour en finir avec la détention des personnes migrantes
Automne 2021. L’étudiant congolais Junior Wasso (20) et l’étudiante marocaine Ouiam Ziti (23) disposent d’un visa en règle et de tous les papiers nécessaires, ils sont pourtant arrêtés par la police des frontières et transférés au centre de détention Caricole. Junior et Ouiam y sont détenues 17 et 11 jours. Aujourd’hui encore, ils souffrent de cet enfermement. Souvent, c’est le terme de “centres fermés” qui revient, mais ne vous y méprenez pas : il s’agit de prisons.
Combien de Juniors et de Ouiams ?
Les affaires prouvent une chose : la politique à nos frontières est soumise à l’arbitraire et ne fait l’objet d’aucune forme de contrôle digne de ce nom. C’est aussi la conclusion du tribunal.
Pourtant, ces cas ne sont malheureusement pas des exceptions. En 2021, par exemple, Omar Mboup, professeur sénégalais, et Ragini Upadhyay Grela, artiste népalaise, ont été placés en détention.
Il ne s’agit là que des cas qui ont fait l’objet d’une certaine publicité. Il est difficile de savoir combien de personnes sont arrêtées à l’aéroport, combien sont immédiatement refoulées et surtout, sur base de quels motifs. Nous ne savons pas exactement combien de Juniors et de Ouiams il y a, mais nous sommes certains que leurs histoires ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Pas de juge ni d’avocat
Il est choquant que dans de telles situations, ce ne soit pas un juge mais l’administration qui décide. Comment expliquer que dans un pays démocratique, aucun juge n’intervienne préalablement à une décision aussi radicale ?
Les personnes enfermées n’ont commis aucun délit. Elles sont détenues dans des centres parce qu’elles n’ont pas “les bons papiers”. Ou dans le cas de Junior et Ouiam : parce qu’on les soupçonne (!) de ne pas avoir les bons papiers.
La triste réalité est que ces personnes ont moins de droits qu’un criminel. Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir commis une infraction, elle se voit immédiatement attribuer un avocat. Les personnes arrêtées pour des raisons administratives n’ont pas ce droit.
Détention des demandeurs d’asile
Dans nos aéroports, l’on rencontre également des personnes, avec ou sans papiers, qui arrivent pour demander la protection internationale. Ce que très peu de personnes savent, c’est que ces demandeurs d’asile sont aussi systématiquement détenus.
Alors que ces personnes ont droit à un accueil, elles sont conduites dans un centre de détention administrative. Menottées. Escortées. Les demandeurs d’asile sont à la recherche d’une vie sûre, mais dès leur arrivée, ils sont immédiatement placés en détention.
La Belgique a été rappelée à l’ordre à plusieurs reprises par le Comité des Nations Unies contre la Torture (CAT). Par ailleurs, la Belgique est un des derniers pays d’Europe à être dépourvu d’un mécanisme national de prévention de la torture imposé par une Convention de l’ONU (l’OPCAT).
La condamnation du gouvernement belge prouve que quelque chose ne tourne pas rond dans les contrôles frontaliers belges et dans notre politique d’éloignement. Un contrôle démocratique et indépendant est une première étape indispensable pour que nos aéroports ne soient plus des zones de non-droit pour les personnes migrantes, qu’elles aient un visa ou non.