Il est temps d'étudier des alternatives au Métro 3

Une par une, au fil des années, les justifications pour le projet de métro 3 sont tombées à l’eau. À lire la presse ces derniers jours ou à écouter certains élus au Parlement, les éléments du dossier semblent très peu maîtrisés, ce qui constitue sans doute l’une des raisons pour laquelle ce projet continue tant d’être plébiscité. Face à l’explosion exorbitante des coûts, il est pourtant plus temps que jamais d’étudier des alternatives.

Chantier du metro 3 deja debute croisement de la Rue du Progres et de la place de Solvay environ
©Bernard Demoulin

Une carte blanche de Thyl Van Gyzegem, au nom de la Plateforme Avanti !

Depuis des années, des chercheurs, des associations et des habitants alertent les pouvoirs publics sur l’absence de plan de financement de ce projet de métro et sur le risque que celui-ci fait peser sur la santé financière de la Région. Des arguments balayés d’un revers de la main. C’est aujourd’hui Beliris, organisme chargé de mettre en œuvre le projet, qui envisage d’arrêter les frais en raison de l’augmentation exponentielle des coûts. D’autant que les taux d’emprunt imposé à la Belgique et donc à Bruxelles vont continuer à augmenter.

Approuvé en 2009 pour 900 millions d’euros, le budget de la ligne 3 dépasse désormais les 3,5 milliards d’euros, une somme que tout le monde sait condamnée à encore augmenter si les chantiers sont lancés un jour. Une somme considérable qui hypothèque la future capacité de la région bruxelloise à financer d’autres projets indispensables (construction de logement abordable, rénovation du bâti bruxellois, développement d’autres projets de mobilité…) et qui doit être mise en regard des coûts d’un abandon total du projet d’extension nord : 150 millions d’euros, une somme certes importante, mais qui ne compte que pour 5 % du budget total.

Rajoutons à cela le coût humain, social et économique de chantiers extrêmement destructeurs pour les quartiers traversés dont la saga du Palais du Midi donne un avant-goût amer de ce qui attend les commerçants et les habitants de la Place Liedts, de la chaussée d’Helmet, du Square Riga ou de la Place de la Paix.

Quels sont dès lors les objectifs recevables qui justifient encore la confirmation par le gouvernement régional de l’intérêt de ce projet ?

L’argument selon lequel le métro 3 constitue l’alternative à la voiture dont Bruxelles a besoin pour justifier ses politiques de réduction de l’usage de l’automobile a depuis longtemps été battu en brèche par les études régionales, celles-ci ayant démontré il y a déjà plus de dix ans que la ligne 3 ne permettrait que de réduire de 0,61 % le trafic routier circulant à Bruxelles à l’heure de pointe du matin (étude BMN, 2012).

Directement lié à la réduction de l’automobile, le bénéfice environnemental du projet sera quant à lui quasi nul pour ne pas dire négatif. En effet, l’excavation de millions de mètres cubes de terres (l’équivalent de la butte du lion de Waterloo rien que pour la station Toots Thielemans) et la bétonnisation de 4,5 kilomètres de tunnel et de sept nouvelles stations ne pourront être compensées que par une réduction très importante du trafic routier. Et ce, d’autant plus, que celui-ci est voué à diminuer au fil du temps comme le montre la dernière enquête de Bruxelles Mobilité.

Vient ensuite la nécessité de développer un transport plus capacitaire pour absorber les hausses démographiques dans les communes d’Evere et de Schaerbeek, ce qui ne se vérifie plus aujourd’hui.

Non seulement la densité de population actuelle de ces communes et l’étendue restreinte de la région bruxelloise rendent caduque toute comparaison, régulièrement entendue, avec Madrid, Paris ou Londres, mais la densité ne devrait pas significativement augmenter puisque le Bureau Fédéral du Plan prévoit une stagnation de la population jusqu’en 2050, et même une diminution de la population par après.

Reste l’argument de la saturation de certaines lignes de tram actuelles aux heures de pointe, le seul qui soit encore mis en avant par la STIB pour justifier sa nouvelle ligne de métro. Mais le problème est double. D’une part, parce que l’opérateur n’a pas publié de données récentes pour appuyer cette affirmation. D’autre part, car le développement du télétravail structurel et le changement des habitudes de consommation ont et continueront de bousculer la demande en transport public.

Les derniers chiffres de fréquentation de la SNCB en région bruxelloise en attestent : la fréquentation des navetteurs aux heures de pointe tend à baisser tandis que les déplacements non liés au travail augmentent et sont plus diffus dans le temps. Toutes les études liées à la fréquentation attendue du futur métro ont été réalisées avant la crise du Covid et ne tiennent donc pas compte de ces évolutions. Le bon sens serait a minima d’actualiser les modèles avant toute prise de décision sur la poursuite du projet.

Haut niveau de service à bas coût

Au regard de tous ces éléments mis bout à bout, la nécessité d’étudier en profondeur une alternative au projet s’impose. Une mise en œuvre exclusive du tronçon Albert-Nord, outre qu’elle posera un problème d’exploitation, car elle ne sera pas reliée directement à un dépôt de rames, constituerait la pire solution pour les usagers en termes de correspondances tram-métro, tant au nord qu’au sud de la Région.

Le 27 mars dernier, la Plateforme “Avanti ! ” présentait son plan Prémétro + consistant à exploiter 3 longues lignes de tram (contre seulement 2 aujourd’hui) dans le tunnel prémétro existant Nord-Midi-Albert, offrant ainsi des liaisons directes entre de nombreux quartiers bruxellois tout en augmentant la capacité sur ces axes.

Le Prémétro + utilise et valorise tous les travaux déjà réalisés dans le cadre du projet de métro 3 et fonctionne sans ouvrage supplémentaire : terminus du 51 à Albert en voie d’achèvement, utilisation de la station Lemonnier et ensuite de la station Toots Thielemans lorsqu’elle sera terminée, trémie existante du tram 3 à Albert. Seuls sept à huit véhicules supplémentaires sont nécessaires à l’exploitation, ce qui constitue un coût d’investissement marginal au regard du projet de métro 3.

Concrètement, il propose d’utiliser :

  • Le tram 55 actuel (Bordet-Rogier) prolongé jusqu’à la station Albert où il utilise le terminus prévu pour le métro 3.
  • Le tram 3 (tronçon Nord-Churchill) prolongé par la moyenne ceinture où il reprend le service du tram 7 vers le nord, mettant fin au danger du terminus Churchill.
  • Le tram 4 (Stalle-Nord) prolongé par le tronçon nord du tram 3 (Nord-Esplanade) comme cela a existé il y a quelques années.

L’offre comporte une capacité et donc un confort suffisant, un service régulier et fiable et un maximum de trajets sans correspondance, soit le contraire de l’option aujourd’hui sur la table qui propose de supprimer des stations de métro pour le rendre plus finançable.

Devant l’incertitude qui pèse sur la réalisation de la ligne 3, nous demandons au gouvernement de mettre en pause tous les chantiers qui rendraient irréversible le métro 3 en créant de nouvelles correspondances (comme le terminus pour les trams 3 et 7 à la station Albert), d’étudier sérieusement les alternatives existantes comme le projet de Prémétro + via une étude indépendante, d’évaluer la sortie de crise au niveau du Palais du Midi, non pas en raison des intérêts de la STIB, mais bien ceux des habitants et commerçants du quartier.

→ Le projet d’alternative Prémétro + de la Plateforme “Avanti ! ” est consultable dans son intégralité sur www.premetroplus.be

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