La Wallonie n’a pas besoin de l’Europe, de la Flandre et de De Croo pour une loi sur la restauration de la nature

Le vrai débat n’est pas de savoir si la restauration de la nature est une bonne affaire ou non. Personne ne conteste la valeur de la restauration de la nature. La vraie question est de savoir s’il faut imposer une loi européenne uniforme sur la restauration de la nature à 27 États membres différents avec des régions très diverses.

NAMUR, BELGIUM - APRIL 28 : Elio Di Rupo (PS), Minister-President of Walloon Regional Government & Willy Borsus (MR), Vice-President and Minister of the Economy, Foreign Trade, Research and Digital Innovation, Agriculture and Regional Planning of Walloon Regional Government & Christie Morreale (PS), Vice-President and Minister of Employment, Training, Health, Social Action and Equal Opportunities of Walloon Regional Government & Philippe Henry (ECOLO), Vice-President and Minister of Climate, Energy, Infrastructures and Mobility of Walloon Regional Government pictured during the PC of the Walloon Government who will present its adjusted budget for 2023, the investments that will be mobilised to rebuild the areas affected by the floods of July 2021 as well as its project to reform the car tax on 28, 2023 in Namur, Belgium, 28/04/2023 ( Photo by Didier Lebrun / Photonews
Le gouvernement wallon, rassemblé autour d'Elio Di Rupo, à Namur. ©DLE

Une carte blanche de Quinten Jacobs, Juriste en droit constitutionnel et assistant pratique à la KULeuven.

Depuis des mois, le gouvernement flamand exprime sa profonde inquiétude quant à la loi européenne sur la restauration de la nature et à son impact sur l’industrie et l’économie dans une région densément peuplée comme la Flandre. Depuis mardi dernier, le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a également soutenu cette position, à la grande frustration des Verts, mais aussi de la quasi-totalité des partis francophones. Toutefois, les régions ne sont pas obligées de se frustrer les uns les autres, mais peuvent suivre leur propre voie.

La réaction la plus frappante à la démarche de De Croo est venue du ministre bruxellois de l’environnement Alain Maron (Ecolo). Belgiciste notoire, Maron a délicatement noté sur Twitter que “la position de la Belgique au sein du Conseil européen sur ces projets n’est pas de la compétence exclusive du gouvernement fédéral”. Inconsciemment, Maron touche ainsi à l’essentiel : ce sont les régions qui sont responsables de l’environnement, pas le gouvernement fédéral. Par conséquent, pour arriver à une position belge sur la loi sur la restauration de la nature, ce sont d’abord les régions qui doivent trouver un consensus à ce sujet.

Dans la pratique, cela s’avère très difficile dans de nombreux dossiers relatifs au climat, à l’environnement et à l’énergie. Ce n’est pas illogique, car les compétences ont souvent été scindées précisément parce que les néerlandophones et les francophones n’arrivaient plus à se mettre d’accord. Parce qu’ils sont maintenant contraints dans un contexte européen de s’accorder sur la position belge dans ces dossiers, les différences politiques entre les néerlandophones et les francophones refont surface dans toute leur acuité et la Belgique, en l’absence de consensus entre les régions, doit souvent s’abstenir, ce qui est parfois source d’embarras diplomatique.

Toutefois, l’absence de consensus entre les régions ne doit pas nécessairement conduire au blocage ou à l’inertie. Au contraire, notre répartition des compétences garantit que les régions qui le souhaitent peuvent prendre des mesures de leur propre chef, sans dépendre des autres régions. Cela vaut également pour la loi sur la protection de la nature. Rien n’empêche la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale d’adopter elles-mêmes un décret sur la restauration de la nature, sans devoir attendre une loi européenne sur la restauration de la nature et sans devoir se préoccuper de la position flamande. Elles pourraient même copier la loi européenne sur la restauration de la nature, telle qu’elle nous est présentée, et la renforcer où c’est nécessaire pour verdir ses villes et restaurer au maximum les écosystèmes. Pour ce faire, ils n’ont besoin ni de l’Union européenne, ni du gouvernement flamand, ni du Premier ministre De Croo. Ils jouissent d’une autonomie totale.

Cette méthode de travail présente un certain nombre d’avantages indéniables. Tout d’abord, aucune région n’est obligée d’introduire quelque chose pour lequel il n’y a pas de soutien démocratique. Chaque région peut tracer sa propre voie comme elle l’entend, sans imposer quoi que ce soit aux autres régions. En outre, une telle approche permet de faire du sur-mesure. La Flandre n’est pas la Wallonie et la Wallonie n’est pas Bruxelles. En adoptant son propre décret sur la restauration de la nature, chaque région peut élaborer une voie de restauration de la nature sur mesure qui tient compte des différences géographiques, démographiques et économiques régionales et locales et qui équilibre les intérêts économiques, sociaux et écologiques.

Troisièmement, une région peut servir de laboratoire politique : si l’impact du décret sur la restauration de la nature sur l’industrie s’avère moins grave que prévu, il pourrait convaincre d’autres régions d’adopter eux-mêmes un décret similaire. L’inverse est également vrai : si le décret s’avère avoir des effets néfastes inattendus, ceux-ci ne sont pas immédiatement étendus à près de 450 millions de personnes dans l’Union européenne, mais l’effet est limité à la région qui a adopté le décret et qui peut facilement ajuster ses règles elle-même.

En résumé, le vrai débat n’est pas de savoir si la restauration de la nature est une bonne affaire ou non. Personne ne conteste la valeur de la restauration de la nature. La vraie question est de savoir s’il faut imposer une loi européenne uniforme sur la restauration de la nature à 27 États membres différents avec des régions très diverses, contre la volonté des populations des zones qui seront les plus touchées. En effet, l’alternative semble beaucoup plus attrayante : chaque (sous-) état peut choisir jusqu’où il veut aller. Les (sous-) États qui sont favorables à des règles de restauration de la nature de grande portée à court terme ne doivent pas attendre que les (sous-) États veuillent bloquer ou assouplir ces règles, et les (sous-) États qui craignent des règles de restauration de la nature trop strictes ne se verront pas imposer des règles dont ils ne veulent pas. La restauration de la nature en Flandre, à Bruxelles et en Wallonie ne peut qu’en bénéficier.

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