Dans le secteur du tourisme, il est temps de revoir ce millefeuille de taxes communales vieillottes, incompréhensibles et discriminantes
Pour autant que certains considèrent et puissent justifier la pertinence de devoir surtaxer le secteur du tourisme, la moindre des choses serait d’établir un impôt identique et équitable pour toutes les entreprises.
- Publié le 08-06-2023 à 14h10
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Une opinion de Marc de Villenfagne, administrateur délégué de la citadelle de Dinant SA
Parmi les taxes communales spécifiques au secteur du Tourisme, il existe depuis le XIXe siècle une taxe dite “sur les spectacles et divertissements” qui frappent directement les chiffres d’affaires de billetterie des entreprises touristiques.
Quand les autorités régionales sont interpellées sur le sujet, elles vous répondent invariablement “ceci n’est pas de notre ressort, c’est une prérogative du pouvoir communal”.
On ne s’étonnera donc pas des grandes disparités existantes dans la fiscalité communale en matière de Tourisme. Le pouvoir communal est libre de placer le curseur des taxes là où il l’entend.
À titre d’exemple, la commune de Dour qui accueille le festival éponyme ne taxe ni le spectacle ni le divertissement alors qu’on est au cœur du sujet.
À Dinant, une entreprise touristique privée, non subventionnée comme la citadelle de Dinant, est frappée d’une taxe communale annuelle de 6 % (après déduction de la TVA mais avant impôt des sociétés).
Dans les années 2000, suite à une réglementation communale mal ficelée qui fut contestée et gagnée par l’entreprise devant la Justice, elle bénéficia d’un remboursement important augmenté des intérêts judiciaires. Ces sommes furent immédiatement réinvesties dans l’étanchéisation des toitures (+/- 2000 m2) permettant par la suite un réaménagement considérable des espaces intérieurs.
Grâce à cela, parmi les nombreux châteaux et forteresses de Wallonie, la citadelle de Dinant a accueilli 300 000 visiteurs en 2022, devenant le site historique le plus visité du sud du pays.
Comme quoi une politique, volontaire ou non, conduisant à un soulagement fiscal peut s’avérer plus porteuse à terme pour l’activité phare d’une ville.
Un souci d’équité
Il est logique qu’une entreprise, exerçant son activité sur le domaine public, paie une taxe pour l’occupation de l’espace communal, tout comme un locataire paie un loyer à son bailleur pour l’occupation d’un bien immobilier quel qu’il soit. À titre d’exemple, on peut citer un établissement HORECA qui paie une redevance pour avoir reçu l’autorisation d’installer une terrasse sur le domaine communal et pour y exercer toute ou partie de son exploitation.
En revanche, qu’est-ce qui peut justifier qu’une commune impose une taxation supplémentaire à une entreprise touristique exerçant ses activités sur sa propriété par le seul fait qu’elle appartient au secteur du Tourisme.
On notera aussi que dans la même commune, les autres entreprises n’appartenant pas à ce secteur sont uniquement redevables des taxes ordinaires.
Le Tourisme, un secteur nuisible ?
Observons que c’est uniquement l’entreprise pratiquant un tourisme réceptif que l’on surtaxe de la sorte, parce que celle qui, à l’instar d’un tour-operator, envoie des centaines, voire des milliers de nationaux vers des destinations proches ou lointaines, celle-là n’est en rien concernée, elle tombe dans le canevas de toute entreprise normale.
Et pourtant, la première agit comme un “exportateur à domicile” faisant rentrer des devises, l’autre fait sortir un pouvoir d’achat du pays.
Comprenne qui pourra !
Une pratique injuste de l’impôt
La province de Namur, qui bénéficie d’une forte concentration de PME/TPE touristiques en Région wallonne, voit des disparités incompréhensibles en matière de taxes communales sur le Tourisme.
Pour autant que certains considèrent – et puissent justifier – la pertinence de devoir surtaxer ce secteur, alors, la moindre des choses serait d’établir un impôt identique et équitable pour toutes les entreprises ; celui-ci serait prélevé par la région et versé dans un pot commun pour être redistribué sur des bases objectives à toutes les communes reconnues comme liées au tourisme.
Du reste, et à preuve du contraire, s’il y a un ministère régional du Tourisme, c’est bien parce que ce secteur est reconnu comme étant économiquement porteur.
Depuis l’instauration de la taxe communale sur les spectacles, il y a largement plus d’un siècle, et dont l’objectif au départ était de prélever un impôt sur les activités des forains non pourvus d’un domicile fixe, le monde a tourné, les paramètres ont changé ; il est temps de revoir ce millefeuille de taxes vieillottes, incompréhensibles et discriminantes.
S’il ne peut intervenir directement dans la fiscalité communale, le pouvoir régional garde une faculté d’instigation, de recommandation et d’harmonisation qu’il ferait bien d’exercer en cette matière.