De qui Paul Magnette a-t-il peur ?
Que révèle son refus obstiné de débattre avec les autres présidents de parti : paresse, suffisance ou simple stratégie préélectorale ?
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- Publié le 09-09-2023 à 09h17
- Mis à jour le 13-09-2023 à 22h27
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Une chronique de Francis Van de Woestyne
D’aucuns s’étonnent du climat préélectoral qui agite les esprits alors que le prochain scrutin (fédéral, régional, européen) aura lieu le 9 juin 2024. Mais la campagne électorale a commencé… le soir des dernières élections. Tous les présidents de partis le savent. Pour convaincre les citoyens, il n’est jamais trop tôt : il faut aller chercher l’électeur avec les dents, disait Jacques Chirac, spécialiste des accolades et des serrages de main. Il n’empêche : le climat politique belge actuel n’augure rien de bien vu la hauteur des débats auxquels les électeurs ont droit. Relevons deux faits marquants.
Attentat pâtissier
Le premier est l’entartage du président du MR, Georges-Louis Bouchez. Capable de transformer cette séquence en avantage, tant son goût pour les coups médiatiques est inné, l’homme n’en a pas moins été heurté. Il est faux de prétendre que ce genre d’agression est anecdotique. Jean-Michel Javaux, ancien co-président d’Ecolo, homme réservé, avait, lorsque la même mésaventure lui était arrivée, à Verviers en avril 2011, expliqué combien ce geste était violent et déstabilisant, physiquement et humainement. Bien sûr, l’auteur de cet entartage pourrait se réjouir : cet incident a fait le tour des réseaux sociaux, toujours plus prompts à diffuser ce genre de bassesses plutôt qu’à glorifier la nuance, les idées, le débat serein. Cet attentat pâtissier démontre surtout le peu de jugeote, la volonté de frapper plutôt que d’échanger sur des projets. Les citoyens belges méritent mieux que ce cirque agressif et déplorable. Evitons de nous étendre sur le "pipigate" (rebatisé watergate par les éditorialistes flamands): là nous sommes pas aux ras des pâquerettes mais dans les catacombes de la politique.
Le deuxième élément marquant de cette campagne qui n’en finit pas de commencer est le refus obstiné de débattre avec ses pairs du président du Parti socialiste, Paul Magnette. Il a déjà plusieurs refus à son actif tant dans la presse écrite qu’audiovisuelle. Son argument ne tient pas la route : le panel auquel on l’invite ne comprend pas assez de femmes, se plaint-il. Bien sûr, la parité doit s’imposer partout en politique. Mais le “genre” masculin de Paul Magnette ne permet pas de remédier au manque d’équilibre qu’il prétend combattre. Faudrait-il qu’à l’avenir, les militants choisissent leur président ou présidente en fonction du sexe des autres chefs ou cheffes de parti ?
Les électeurs préfèrent toujours l’original
La stratégie d’évitement de Paul Magnette met plutôt en exergue une sorte de dédain. L’homme excelle pourtant dans les débats. Mais il est plus facile de convaincre une assemblée acquise à sa cause plutôt que de devoir se justifier sur certains dossiers gênants. On sait aussi qu’il redoute deux hommes parmi ses congénères : le premier est Georges Louis Bouchez, encore lui… L’animosité est palpable, presque physique entre eux. L’hostilité est réciproque. Si Paul Magnette craint qu’un débat avec GLB chute dans les marécages de la politique politicienne, qu’il s’y engage pour relever le niveau ! Le deuxième homme qui dérange Paul Magnette est Raoul Hedebouw, le président du PTB dont, au fil des sondages, il sent le souffle dans la nuque. Il y a quelques jours, Paul Magnette a encore affirmé que son parti était le seul capable de défendre les travailleurs. Sauf que ces travailleurs, toujours selon les enquêtes d’opinion, sont de plus en plus nombreux à penser le contraire. Champion du populisme et du raser gratis, Raoul Hedebouw a la formule facile, le coup de gueule racoleur. Cela marche. Il ne s’agit pas, ici, de venir à la rescousse du leader maximo du PTB : ses idoles, Hugo Chavez, président du Vénézuela et son successeur, Nicolás Maduro, ont fait fuir quelque 5 millions d’habitants chassés par la violence, l’insécurité, les menaces ainsi que par les pénuries de nourriture, de médicaments et de services essentiels.
Ces deux épouvantails – Bouchez et Hedebouw – font que Paul Magnette, par paresse, par stratégie, par suffisance, prive les lecteurs, auditeurs, téléspectateurs d’un échange d’idées, d’une confrontation de visions, d’une analyse de bilan, qui serait bien intéressante. Faut-il rappeler que le PS partage le pouvoir sans discontinuer depuis 1988 (à l’exception d’une parenthèse de juillet 2017 à septembre 2019)? Il est donc responsable de ce qui va et de tout ce qui ne va pas.
Que faire pour redresser, réindustrialiser la Wallonie ? Du porte à porte pour réclamer un impôt sur la fortune, a lancé Paul Magnette, comme 300 autres personnalités dans le monde. Une idée… que le PTB “promeut” depuis longtemps avec sa taxe sur les millionnaires. Erreur (du Boulevard) de l’Empereur : les électeurs préfèrent toujours l’original à la copie. Oui, la taxation sur le travail est dans beaucoup de pays comme dans le nôtre, excessive. Mais de nombreux experts estiment qu'une taxe carbone "mondiale" (sur les émissions de dioxyde de carbone) serait plus pertinente et bien plus efficace.
Que retenir ? Trois éléments. 1. Rien ne remplacera le débat nuancé constructif en campagne électorale. Il faut des échanges d’idées, non des attaques ad hominem. 2. Gardons cependant à l’esprit qu’une élection se gagne sur des projets et non des bilans : méfions-nous donc de ceux qui annoncent qu’ils vous combleront de cadeaux qu’ils ne pourront pas offrir. C’est bien connu : les promesses n’engagent que ceux qui y croient… 3. Le passé montre à suffisance que les propos de campagne – je ne gouvernerai jamais avec tel parti, je m’opposerai toujours à ceci ou cela – durent généralement ce que durent les roses : l’espace d’un matin…