L’illusion d’une agriculture wallonne vertueuse
Il est illusoire d’espérer prise de conscience et action environnementales si l’opinion est bercée d’illusions. Illustration avec le lobby agricole wallon.
- Publié le 17-09-2023 à 13h59
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Une chronique d’Etienne de Callataÿ (etienne.decallatay@orcadia.eu)
La désinformation n’est pas que le fait de Donald Trump ou de Vladimir Poutine, elle est aussi présente chez nous, et est parfois le fait d’organisations dont on attendrait davantage d’honnêteté intellectuelle, quelles que puissent être les intentions qui les animent. “Paris vaut bien une messe”, mais pas un mensonge !
Fin juillet, en marge de la Foire de Libramont, un reportage de l’émission On n’est pas des pigeons (RTBF) a déplu à la Fédération Wallonne de l’Agriculture (FWA). Son courroux, exprimé dans une lettre ouverte de son secrétaire général, portait notamment sur l’affirmation qu’un produit importé, en l’occurrence une tomate, peut, même en tenant compte du transport, avoir un meilleur bilan carbone que son équivalent belge. C’est pourtant une évidence. Le transport sur une longue distance est certainement mauvais pour l’environnement, mais si les conditions naturelles chez nous sont nettement moins propices à cette culture, c’est encore un moindre mal de faire venir un produit de loin que de le produire localement. Ainsi, une étude a montré que la rose du Kenya, même en tenant compte du transport aérien, avait une empreinte 6 fois moindre que la rose hollandaise.
Au-delà, et de manière politiquement beaucoup plus significative, c’est une autre assertion qui doit être invalidée. La FWA assène que “le modèle agricole wallon, une agriculture de fermes familiales et généralement de petites exploitations, est un des plus vertueux d’Europe”. Bonjour la double image d’Epinal. D’abord, parler de modèle nie la diversité entre agriculteurs. Ensuite, on oppose la Flandre avec ses élevages industriels et la Wallonie et ses vertes prairies. Nous avons demandé à la FWA, sans succès à ce jour, la source scientifique pouvant soutenir un tel propos. Bien sûr, en termes d’azote, l’agriculture wallonne est moins mal lotie que la flamande ou la hollandaise, mais elle n’est ni vertueuse, ni un modèle. En fait, en la matière, la Wallonie est un des pires élèves en Europe.
L'illusion et le déni
Certes, la Wallonie ne se classe pas mal pour ce qui est du pourcentage de la superficie consacrée au bio, mais cela ne fait ni vertu, ni modèle. L’indice de densité de bétail est en Wallonie 75 % plus élevé que la moyenne européenne, et, si on se limite au bétail pâturant, donc hors cochons et poulets, c’est plus du double de la moyenne européenne, et au-dessus de régions réputées intensives. L’agriculture wallonne émet plus de 3 fois plus d’équivalent CO2 par hectare que la moyenne européenne, principalement du fait de l’usage d’engrais chimiques et du méthane émis par les bovins.
En fait, la plus grande différence avec les voisins du nord est qu’aujourd’hui, même si le succès du Boerenpartij, le parti des fermiers, montre que ce n’est pas unanime, la majorité des Hollandais et des Flamands savent qu’ils doivent très rapidement faire évoluer leur agriculture, là où en Wallonie, certains dans le monde agricole et politique sont dans l’illusion et dans une posture de combat contre un “agri-bashing” imaginaire. Ils voient du dénigrement alors qu’ils sont, eux, dans le déni, au point que l’on doit parler de mauvaise FWA.