La “dévitalisation” des Nations Unies

Sa réforme a été pilotée par un bureau de consultance privée. Les pratiques et stratégies du secteur privé ont pris le pas sur le multilatéralisme. Il faut reconstruire la société des Nations Unies,

<p>Ishmael Kalsakau, Premier ministre du Vanuatu , s'exprime devant l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 29 mars 2023</p>
Les violations du droit international et des droits des peuples fragilisent les institutions multilatérales et l’ensemble des services publics. ©AFP

Une carte blanche de Pierre Galand, ancien Sénateur

Comment les divers organismes des Nations Unies ont-ils été affaiblis au point de les rendre inopérants ?

L’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture) a été longtemps privé d’une partie de ses moyens financiers sous la présidence de Donald Trump aux États-Unis.

La CNUCED (Conférence de Nations Unies sur le commerce et le développement) a été réduite à un simple secrétariat.

Le GATT (General agreement on tariffs and trade) a été remplacé par l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce).

L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a été en partie privatisé par Bill Gates.

L’Assemblée générale des Nations Unies a vu ses prérogatives limitées.

L’UNWRA (United Nations Relief and Work Agency for palestine refugees in the near east) appelle à l’aide car elle ne peut plus secourir des millions de Palestiniens qui dépendent entièrement d’elle.

Fi des valeurs du multilatéralisme

On ne peut que constater le recours de plus en plus fréquent à l’usage de sous-traitants pour mener à bien des programmes et activités de l’ONU et de ses principales institutions. Cela s’appelle le “partenariat stratégique” avec les acteurs non étatiques, donc du secteur privé, à savoir des entreprises, des multinationales, de grandes ONG.

C’est le bureau de consultance, le groupe Merry Lynch, qui fut chargé de piloter la réforme des Nations Unies, l’inféodant aux pratiques et stratégies du secteur privé sans égard pour les valeurs du multilatéralisme – remplacé par les objectifs et stratégies de secteur privé et du libéralisme.

Aujourd’hui, le contrôle sur des richesses minérales, forestières, halieutiques, leur pillage et l’accumulation des richesses se font sans le moindre respect pour les peuples indigènes (exemple les creuseurs cherchant le coltan au Congo). Les violations du droit international et des droits des peuples fragilisent les institutions multilatérales et l’ensemble des services publics.

En parallèle avec une grave crise démocratique

Un changement de paradigme et de géopolitique est en train de se produire alors même que le monde occidental est confronté à une grave crise démocratique avec l’arrivée au pouvoir – par les urnes – de forces fascisantes, intolérantes, racistes, hégémoniques.

De nouvelles alliances antihégémoniques, économiques, financières, monétaires, sociales, culturelles se tissent à présent, notamment au sein des BRICS.

Elles sont fragiles et réunies par une défiance totale vis-à-vis de ceux qui entendent aujourd’hui maintenir leur vision néocoloniale de la planète et leur suprématie vacillante sur le monde.

Les États-Unis et l’Union européenne se rassurent par de nouvelles dépenses inconsidérées d’armements et de préparatifs de guerre, s’enferment dans l’Otan, se réfugient derrière leurs murs, fossés, barbelés à leurs frontières. Cela est signe de grande faiblesse et d’incertitude. Ils devraient acter leur faillite car seule une minorité d’ultra-riches les conduit au désastre écologique et social ; leur prétention à diriger le monde nous mène au chaos et seul un retour à de grandes réformes inspirées par les grands résistants qui éradiquèrent le nazisme et le fascisme à l’origine de la Seconde Guerre mondiale pourrait nous sauver.

Biens communs à toute l’humanité

Il nous faut revisiter et compléter la charte des Nations Unies qui repose sur deux fondamentaux : la paix d’une part, le développement et la démocratie d’autre part. Aucune nation n’a la propriété ni le monopole des biens communs à toute l’humanité. Il doit s’agir d’un patrimoine commun qui doit être partagé en servant à construire et reconstruire avec patience et respect de l’autre la société des Nations Unies, celle de la coopération dans le respect mutuel, celle du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et des ressources indispensables pour y parvenir.

Cela nécessite évidemment de s’éloigner durablement de la prédation, du gâchis intolérable des ressources de la nature, d’abandonner le “laisser faire économique” et de passer rapidement à la cogestion au service du bien-être et de la dignité de toutes et tous pour assurer notre communauté de destin.

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