L'Etat belge se trompe radicalement de cible: je risque d'être muselée pour avoir osé dénoncer l'effondrement organisé de l'humanité

Notre ministre de la Justice veut sanctionner les “fauteurs de troubles” en leur interdisant de manifester pendant plusieurs années, En criminalisant l’activisme climatique, notre État se trompe radicalement de cible.

L'Etat belge se trompe radicalement de cible: je risque d'être muselée pour avoir osé dénoncer l'effondrement organisé de l'humanité

Une chronique “J’assume” d’Adélaïde Charlier, “Jeune pour le climat et les droits humains”

Mon “strava des manifestations” indique une distance de 500 km de marches, 25 sittings face aux institutions fédérales ou européennes, devant des sièges d’exploitants d’énergies fossiles, 321 interventions lors d’événements, … Ce “climathon”, mené par désir de vie et recherche d’un avenir moins risqué pour toutes et tous, pourrait, par le vote d’une nouvelle loi, me bâillonner pour oser dénoncer l’effondrement organisé de l’humanité.

La double peine demandée par M. Van Quickenborne

Notre ministre de la Justice, M. Van Quickenborne a déposé un projet de loi qui passerait en plénière du Parlement en début d’automne. Le projet introduit une nouvelle sanction dans le Code pénal pour tous les “fauteurs de troubles”, celle d’une interdiction de manifester pendant plusieurs années. Sanctionner les actes de violence est nécessaire pour pacifier le vivre ensemble et la justice a déjà des outils pour les pénaliser. Je ne questionne pas cela, mais plutôt la raison de la doubler d’une nouvelle peine et les risques liés à son application ?

Les lanceurs de farine sur les murs d’une compagnie pétrolière aussi ?

Officiellement, la loi a pour objectif d’empêcher la récidive d’éventuels “casseurs” et leur interdire de participer à des rassemblements revendicatifs. Mais le champ d’application de la loi est tellement large que n’importe quel activiste pacifique pourrait se retrouver sous le coup de cette sanction. La peine d’interdiction de manifester s’appliquerait à des menaces d’attentats tout autant qu’à des lanceurs de farine sur les murs d’une compagnie pétrolière. Il suffira d’une plainte d’une entreprise ou d’un procureur du Roi tatillon. Les actions pacifiques ne sont donc pas protégées par cette loi.

Par ailleurs, rien ne prouve que cette loi soit une “prévention” efficace. En France, un texte similaire a été renforcé en 2019. Tout d’abord, cela n’a pas permis de minimiser la présence des “casseurs”, ensuite les pratiques policières et judiciaires sont appliquées largement envers des personnes contre lesquelles on n’a pu retenir aucune infraction.

Une pénalisation du mouvement social

À l’heure où la communauté scientifique s’époumone à répéter les dangers des extractions fossiles pour l'équilibre vital des humains, ce projet de loi met aussi dans son collimateur les citoyens qui dénoncent les instincts mortifères de ceux qui poursuivent ces extractions. Voici qu’on touche, en vrai, à la question de la liberté. Tous ceux qui la chérissent et prétendent en faire la valeur cardinale d’une société démocratique (ou un point fort de leur programme électoral) devraient clarifier leur réponse. Quelle liberté est laissée aux citoyens d’exprimer, en rassemblements pacifiques, des revendications si ces derniers risquent une interdiction de manifester ? Exclure préventivement un citoyen d’une manifestation parce qu’il pourrait être source de trouble à l’ordre public renverse la logique de la liberté en logique d’interdiction préventive. Ce projet de loi ressemble à une pénalisation du mouvement social.

Face à l’effondrement écologique et à l’inaction de nos autorités

Manifester pacifiquement doit rester un droit. Cela ne menace en rien la démocratie. Au contraire, museler la parole de ceux qui pointent ses dysfonctionnements est la réponse d’un État qui ne peut assurer un espace démocratique de protection de la liberté d’expression, d’association et de manifestation. Face à l’effondrement écologique et à l’inaction de nos autorités, manifester et désobéir affirme notre humanité. En criminalisant l’activisme climatique au nom du maintien de l’ordre alors que ce dernier protège la destruction organisée de notre biosphère, notre État se trompe radicalement de cible.

Ainsi, ce 4 octobre, 14 activistes de Greenpeace comparaîtront devant le tribunal de Bruges, accusés d’intrusion illégale dans un port ; ils s’y étaient introduits pacifiquement pour dénoncer de nouvelles infrastructures gazières de Fluxys. J’irai soutenir ces activistes parce qu’ils maintiennent l’ordre du vivant !

Manifester est un droit dont je fais mon devoir.

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