Nous, jeunes papas, demandons l’allongement du congé de paternité
A 15 semaines dont une partie obligatoire. Nous voulons être présents pour notre famille et le congé actuel reste bien trop court. En Espagne, les papas ont droit, comme les mamans, à 16 semaines indemnisées à 100 % du salaire dont 6 obligatoires. Pourquoi pas nous ?
- Publié le 19-09-2023 à 10h03
:focal(1302x903:1312x893)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RPULE7LDHND7ZAYOUOA7YQA54U.jpg)
François-Xavier Lievens, Alexandre Duriau, Ethan Walravens, Jean-Joseph Remacle et d’autres jeunes papas (voir ci-dessous)
Jeunes papas (1), nous découvrons chacun les immenses joies et les défis de la parentalité. L’arrivée d’un bébé nous a bombardés d’un amour infini pour un tout petit être de quelques kilos à peine. Ses gazouillements et premiers sourires nous ravissent et nous font relativiser tout le reste. Mais tous les parents savent aussi l’énergie que cela requiert. Nuits incomplètes, pleurs difficiles à apaiser ou allaitement compliqué n’en sont que le témoin. Le bonheur inestimable d’être parent s’accompagne d’un engagement sans limite. Que ne ferions-nous pas pour notre enfant ? Depuis une trentaine d’années, la parentalité n’est heureusement plus uniquement une affaire de femmes. Et nous, jeunes papas, sommes très heureux de pouvoir nous occuper de nos bébés. La loi a progressivement suivi cette tendance de société : alors que nos grands-pères n’assistaient pas leurs épouses à l’accouchement, les pères ont droit aujourd’hui à un “congé” de paternité de quatre semaines (contre quinze pour les mères). La situation a beau être meilleure qu’auparavant, elle ne nous satisfait pas. Nous voulons être présents pour notre famille et ce congé reste bien trop court.
Assumer notre rôle de père et de mari/compagnon
Accueillir un bébé exige du temps et de l’énergie. C’est une attention de tous les instants. Et on n’est pas trop de deux pour s’en occuper. Heureusement, pour la plupart des familles, les quatre premières semaines se passent à deux, voire davantage si des proches vous aident. Mais passé ce délai, la maman se retrouve le plus souvent toute seule avec l’enfant. Et pourtant ce dernier continue de nécessiter beaucoup de travail. Les bébés dorment rarement bien tout seuls durant les premières semaines et exigent une attention quasi constante. Quel temps reste-t-il aux mamans pour simplement se laver ou se préparer à manger, ou même idéalement, pour prendre du temps pour soi ? Sans compter que les tâches domestiques leur retombent souvent dessus : courses, ménage, cuisine, etc. Et que se passe-t-il si le nourrisson a des besoins intenses et doit être bercé en permanence ? Ou s’il y a déjà d’autres jeunes enfants dans le foyer ? Ou si le bébé tombe malade parce qu’il fait son immunité ? Toutes ces situations rajoutent du travail parental, et pèsent physiquement et psychologiquement sur la maman, qui se remet à peine de l’épreuve la plus fatigante de son existence. Qu’on ne s’étonne pas que 15 à 20 % des jeunes mères traversent une dépression post-partum (2). La charge est bien trop lourde pour être portée par une seule personne. Cette situation n’est pourtant pas inéluctable. Nous, jeunes papas, avons envie de nous occuper de nos enfants, d’assumer notre rôle de père et de mari/compagnon.
Ne pas dormir sur le divan
La reprise professionnelle aussi tôt implique aussi des sacrifices. Pour être d’attaque au travail le matin, vous avez besoin d’une nuit reposante. Sauf que votre nourrisson apprend à dormir, et que les nuits des premiers mois sont souvent chaotiques. Même les bébés “qui dorment bien” se réveillent toutes les deux heures pour téter. Le père est donc face à un dilemme cornélien. Soit il soutient sa femme, ce qui implique qu’il est exténué au travail, et cela peut porter préjudice à son employeur et à lui-même. Soit il s’arrange pour ne pas être réveillé, voire même il dort dans une autre pièce. La brièveté du congé de paternité impose ainsi au père de laisser la mère s’occuper seule de l’enfant – ce qu’elle fait déjà le reste de la journée. Nous, jeunes papas, avons envie de dormir avec les deux amours de notre vie, plutôt que de crécher sur le divan.
Apprivoiser ce nouveau-né pour créer une vraie relation
En dehors du travail, les pères peuvent participer à la vie de famille en soirée et les week-ends. Mais ces périodes plus courtes ne permettent pas de connaître aussi bien le nourrisson que les longues journées qu’il passe avec sa mère. Les pères se retrouvent avec un déficit de compréhension et de proximité avec l’enfant. Ce qui remet encore une charge sur les épaules des mamans. Elles seules ont ainsi l’occasion d’apprendre que tel gazouillis ou telle grimace signifie que votre bébé veut faire un rot, a une colique, ou est mal installé. Et c’est sans compter que certains nourrissons ont des périodes d’activité en milieu de journée et pas le soir. Les pères peuvent parfois rater les meilleurs moments où s’expriment les premiers échanges de regards, de sourires, etc. Cette situation a souvent des effets de long terme : les mères qui connaissent mieux leurs enfants s’en occupent davantage et ne reprennent le travail qu’à mi-temps, les pères qui n’ont pas eu l’occasion d’apprendre continueront leur activité professionnelle à temps plein. Nous, jeunes papas, ressentons trop d’amour pour nos fils et filles pour nous contenter de maigres instants. Nous voulons prendre le temps de rencontrer et apprivoiser ce nouveau-né pour créer une vraie relation.
Congé parental mal indemnisé
Pour les parents désireux de prendre du temps avec leurs enfants, la seule possibilité offerte aux salariés est le congé parental. Mais celui-ci est très mal indemnisé. Si un papa veut s’arrêter à temps plein pour s’occuper de son enfant, il recevra 879,15 € nets par mois. Il faut beaucoup d’épargne pour se le permettre. C’est donc réservé aux personnes aisées.
Nous vivons dans un pays où il est devenu très difficile de vivre sans que les deux parents travaillent à temps plein. Beaucoup de jeunes passent donc leur enfance entre 8h et 18h dans des crèches, des écoles et des garderies. Est-ce vraiment la société que nous voulons ? On valorise tous la conscience professionnelle, mais qu’en est-il de la conscience familiale ? Comment acceptons-nous de voir si peu nos enfants ?
Rendre ce congé obligatoire
Précisons que nous ne jugeons aucune forme de vie. Beaucoup de gens ne veulent pas être parents, et le modèle papa-maman-bébé n’est plus représentatif de toutes les familles. C’est parfait, chacun s’épanouit à sa manière. Mais toutes les personnes qui ont des enfants doivent pouvoir consacrer du temps à cet aspect essentiel de leur vie. Par ailleurs, trop de pères ne prennent pas leur congé aujourd’hui en raison des pressions exercées par leur employeur. La meilleure manière d’empêcher cela est de rendre l’arrêt obligatoire, au moins en partie.
Pour protéger le temps passé avec nos enfants, il y a plusieurs possibilités. Réduire le temps de travail ? Mieux rémunérer le congé parental ? Augmenter les jours fériés ou les vacances ? Des réflexions existent en tous sens. Nous, jeunes papas, demandons l’allongement du congé de paternité à 15 semaines dont une partie obligatoire. En Espagne, depuis 2021, les papas ont droit, comme les mamans, à 16 semaines indemnisées à 100 % du salaire dont 6 obligatoires. Pourquoi pas nous ?
Cosignataires : Matthieu Lebrun, Jean-Baptiste d’Oultremont, Kathleen Notte, Sébastien Pauwels, Quentin Lamine, Quentin Gérôme, Lancelot t’Kint de Roodenbeke, Charles Guillaume de Wouters, Jonathan Peuch, Diego Morel, Barthelemy Destree, Jonathan Lanssens, Alexis Goethals, Edouard Stephenne, Maxime Peeters, Thibault Lambert, Brieuc della Faille, John William, Vincent Schellekens, Olivier Mölls, Simon-Pierre de Montpellier, Olivier Jégou, David Dauphin, Yann Pelikan, Mathias Benedi, Arnaud De Temmerman, Steven Delhaye, Quentin Fabri, Aymeric Lagasse de Locht, Andrea Lo Presti Costantino, Thomas Vanderstraeten, Johanan Tang, Quentin Dubois, Sylvain Lambot, Florian Hannesse, Quentin de Martelaere, Corentin Rousseau, Giuliano Di Stefano, Julien Thonet, Zoé Favart, Gauthier Mertens, Ferran Tomás Romero, Vincenzo Tambuzzo, Simon Malotaux, X. De Bievre, Mathieu Fain, Roch Van der Stegen, Jonathan Scottini et Pedro Freire
(1) Cette carte blanche concerne aussi toutes les co-mamans. Elles ont tout autant le droit d’être présentes pour l’arrivée d’un bébé.
(2) Le Monde, “La dépression postnatale touche de 15 % à 20 % des mères”, 23 juin 2009, www.lemonde.fr.