Depuis des années, et particulièrement depuis les violents attentats qui ont frappé Bruxelles en 2016, nous tentons d’alerter sur le rôle qu’a pu jouer l’Arabie saoudite dans la diffusion de l’idéologie wahhabite à tendance salafiste dans les mosquées du monde en général, d’Europe en particulier.
Pour un islam de Belgique
En Belgique, le développement tous azimuts d’un islam du Golfe, bien déconnecté de la sociologie et de la réalité de la communauté musulmane belge d’origine marocaine, a en partie étouffé la présence de l’islam malékite, celui du juste milieu, du dialogue et de la coexistence pacifique, bien plus adapté aux Maghrébins puisque lié à leurs racines et à leur culture que celui de la péninsule arabique. Et c’est là que le bât blesse. Car il complique l’émergence d’un véritable islam de Belgique adapté à ses pratiquants.
Le saint Coran préconise et encourage la rencontre et la connaissance mutuelle des êtres humains, à travers le verset suivant : "Ô hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des peuples et des nations, pour que vous vous entre-connaissiez…" (49 : 13). La Grande Mosquée de Bruxelles qui, depuis les années 1970, est accaparée par Riyad, ne permet malheureusement pas de suivre ces pieux préceptes. Voilà que l’actualité récente la remet au premier plan de possibles troubles à venir, une fois encore, par l’ingérence pavlovienne de l’Arabie saoudite dans les affaires des musulmans belges afin d’ influencer leur propre vision de l’islam.
Salah Echallaoui
En 2017, la commission d’enquête sur les attentats terroristes avait recommandé à l’État belge de rompre la convention qui lie la Belgique à l’Arabie saoudite pour l’exploitation de la Grande Mosquée du Cinquantenaire. C’est chose faite. Le gouvernement a annoncé la rupture, moyennant un préavis d’un an, au mois de mars. L’Exécutif des musulmans en reprendra la gestion en compagnie d’une communauté musulmane locale. C’est chose quasi faite.

Des opposants obscurs
L’EMB a également créé une ligne antiradicalisme pour répondre aux questions que les gens se posent sur l’islam. Mais aussi pour déconstruire les discours radicaux et leurs argumentaires, avec le soutien du Conseil des théologiens. L’EMB s’est vu attribuer des postes supplémentaires de conseillers islamiques pour apporter une assistance religieuse auprès des détenus au sein des établissements pénitentiaires. L’EMB travaille également sur les dossiers de nouvelles reconnaissances de mosquées, ce qui favorisera leur ancrage dans le paysage institutionnel belge.

L’Arabie saoudite ferait donc tout pour essayer de garder la mainmise sur cette mosquée du Cinquantenaire que le roi Baudouin avait "cédée" au roi Fayçal en 1967. Elle ne veut absolument pas perdre… ce "cheval de Troie". Il est donc plus que temps de veiller à ce que quelqu’un comme Salah Echallaoui puisse porter son projet jusqu’au bout et continuer à faire le nécessaire pour que les citoyens belges de confession musulmane portent en eux une force vive qui leur permette de cohabiter en harmonie avec les différentes composantes de la société et de rejeter toute forme de repli et d’extrémisme, ou de rejet de l’autre. Et cette fois-ci, le gouvernement ne semble pas s’être trompé de cheval.
(1) : Sébastien Boussois est également auteur de "Pays du Golfe, les dessous d’une crise mondiale".
Chapô et intertitres sont de la rédaction.