Les toutes-boîtes bientôt virés des boîtes
Et si toutes les toutes-boîtes étaient désormais interdits sauf si un autocollant stipule "Je veux de la pub"? D'une autorisation générale sauf exception, on passerait à une interdiction de principe. Objectif: lutter contre le gaspi. Di Antonio planchent. Des pros s'inquiètent. Entretiens croisés.
Publié le 30-09-2015 à 18h11
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Et si toutes les toutes-boîtes étaient désormais interdits sauf si un autocollant stipule "Je veux de la pub"? D'une autorisation générale sauf exception, on passerait à une interdiction de principe. Objectif: lutter contre le gaspi. Di Antonio planchent. Des pros s'inquiètent. Entretiens croisés.
OUI - La réponse de Carlo Di Antonio, ministre de l'Environnement en Wallonie
Tous ceux qui ne sont pas demandés. Nous allons mettre en place un système où les gens ne reçoivent plus ces courriers non sollicités sauf à l’exprimer clairement sur leur boîte aux lettres avec un autocollant de type "oui aux toutes-boîtes". Pour arrêter ce gaspillage de papier. Et pour une question de propreté publique. On interdira aussi les emballages plastiques autour des prospectus non sollicités.
Pourquoi avez-vous en ligne de mire les toutes-boîtes ?
Il y a d’abord un problème de propreté publique quand les toutes-boîtes débordent des boîtes aux lettres de maisons ou d’immeubles vides ou dont les habitants sont en vacances ou absents. Tout s’amoncelle sur les trottoirs. Je relève ensuite le gaspillage de matières premières, du papier essentiellement. De nombreuses personnes ne sont pas demandeuses et se contentent de transférer tous ces papiers de leur boîte aux lettres à leur poubelle. En marge, on soulignera aussi la pollution générée pour imprimer ces dépliants inutilisés.
Quelle masse représente ces toutes-boîtes ?
Au-delà du mètre cube par boîte aux lettres.
Quel système souhaitez-vous mettre en place pour attaquer ces problèmes ?
L’idée est de copier le même mécanisme qui existe actuellement mais en sens inverse. Le principe est d’apposer un autocollant de type "oui aux toutes-boîtes" (encore à définir dans la forme) sur votre boîte aux lettres. On devra donc afficher son adhésion pour recevoir des prospectus non sollicités. Dorénavant, seuls les gens qui expriment clairement cette volonté en seront les destinataires. Et si vous ne le souhaitez pas, vous ne devrez plus rien mettre sur votre boîtes aux lettres. Quand une maison est vide, personne ainsi ne devra exprimer la volonté de ne pas en recevoir.
Y aura-t-il des pénalités en cas de non-respect ?
Oui. Celui qui n’a pas exprimé sa volonté d’en recevoir et qui en reçoit pourra faire valoir l’infraction. D’abord auprès du distributeur et de l’éditeur responsable. A d’autres instances ensuite.
Cette interdiction sauf exception existe-t-elle ailleurs ?
Plusieurs régions, dont la Flandre, l’appliquent déjà.
Avez-vous déjà évalué l’impact financier ou en emplois d’une telle mesure pour des acteurs économiques comme les annonceurs, distributeurs, la pub ou les imprimeries ?
Pour un annonceur ou une imprimerie, à quoi sert-il de mettre un toute-boîtes dans la boîte aux lettres de quelqu’un qui ne le lira jamais ? L’annonceur va s’y retrouver en ayant moins d’impressions et de distribution à organiser et en touchant uniquement les gens intéressés. L’impact publicitaire sera supérieur. Si on distribue 100 000 toutes-boîtes sur la ville de Mons, la moitié ne sera pas lue. En tant qu’annonceur, je préfère en distribuer 50 000 à des personnes qui les liront. Le taux de pénétration sera augmenté et le secteur, plus efficace, en sera dynamisé. Je crois que cette mesure ne leur sera pas défavorable, au contraire.
Un autre volet concerne l’interdiction des emballages plastiques autour des folders.
Effectivement. Soit on est abonné à une revue qui arrive sous film plastique et là, je n’ai pas de soucis. Parce que si je demande de recevoir chez moi un document, je vais l’ouvrir et séparer le support papier du plastique. Par contre, lorsqu’on reçoit quantité de toutes-boîtes, papier et emballés dans du plastique, insérés les uns dans les autres, le premier réflexe est de jeter globalement le tout. Même s’ils sont intéressés et effectuent un rapide tri, les gens ne font pas l’effort, pour le rebut, de séparer plastique et papier. Vous n’imaginez pas les problèmes ensuite pour la récupération du papier.
Que représentent ces films plastiques ?
La pratique est en plein développement. Apparemment c’est une manière plus économique, plus mode et plus visible pour les annonceurs d’emballer dans du plastique, et non plus des enveloppes, leur revue.
Quand ces mesures seront-elles opérationnelles ?
Les débats parlementaires sur le décret devraient se tenir au 1er trimestre 2016. Les phases de mise en application viendraient ensuite. Je reçois le secteur des toutes-boîtes dans les jours prochains. C’est avec eux qu’on avisera un timing de mise en œuvre pour qu’ils puissent s’organiser. Du temps sera aussi nécessaire pour coordonner correctement la promotion de l’autocollant auprès des gens qui souhaitent recevoir les toutes-boîtes. Le but étant de ne priver personne.
NON - La réponse de Baudouin De Hepcée
Si ce changement avait un impact sur le volume de courrier distribué par nos facteurs en Wallonie, cela signifierait de facto des conséquences importantes sur le nombre d’emplois (des emplois non délocalisables et pour des personnes peu qualifiées). Je me demande aussi si ce nouveau système ne porterait pas atteinte à la liberté d’expression, notamment pour la presse gratuite.
Au lieu de mettre un autocollant pour refuser les publicités, les gens mettraient un autocollant pour les accepter. La distribution ne serait plus autorisée, du coup, que là où les gens en font expressément la demande. Que pensez-vous d’une telle mesure qui inverserait la tendance par rapport à ce qui se fait aujourd’hui en Wallonie ?
Nous pensons que le système actuel en vigueur (autocollant "stop pub" disponible via la Région Wallonne) fonctionne bien et cela à la grande satisfaction de nos clients. Actuellement une grande majorité de nos clients (80 à 85 %) souhaitent recevoir les publicités. Par ailleurs, nous nous posons la question de savoir si le nouveau système proposé ne porte pas atteinte à la liberté d’informer, notamment pour la presse gratuite.
Pouvez-vous chiffrer le manque à gagner qu’un tel changement représenterait (en euros) ?
Il est très difficile d’estimer l’impact réel d’un tel changement mais nous pouvons dire que beaucoup de gens pourraient être très insatisfaits de ne plus recevoir les publicités attendues afin de planifier leurs courses hebdomadaires. Il ne faut pas oublier que ce canal de communication, qui est le plus démocratique de tous les médias, serait mis en péril par ce nouveau système.
Que représente la distribution de toutes-boîtes dans l’activité de bpost ?
Nous ne communiquons pas les chiffres détaillés à ce sujet, mais cela représente une activité importante.
Un tel changement irait-il jusqu’à mettre des emplois en danger ?
Il est évident que si ce changement avait un impact sur le volume de courrier distribué par nos facteurs en Wallonie, cela signifierait de facto un impact important sur le nombre d’emplois, qui sont également des emplois non délocalisables et pour des personnes peu qualifiées. Outre les emplois chez bpost, d’autres distributeurs seraient impactés, sans parler des secteurs de la presse gratuite et des imprimeries.
Etes-vous néanmoins sensible à l’argument écologique ?
Bpost dispose d’une stratégie de CSR (Corporate Social Responsibility) développée, soutenue et reconnue. Nous avons par exemple mis en œuvre des programmes de réduction des émissions de CO2 (-35 % par rapport à 2007), de consommation d’énergie (-22 % par rapport à 2005) et des déchets (-14 % par rapport à 2009). En outre, bpost est n°1 dans le classement IPC (International Post Corporation) des opérateurs postaux qui supportent une politique de développement durable. Enfin, pour ce qui concerne plus particulièrement les envois non adressés, il faut savoir que nous limitons le nombre et le poids des envois distribués par jour et nous ne les remballons jamais sous blister.
En quoi le toutes-boîtes constitue-t-il encore une demande du consommateur ? N’est-il pas voué à disparaître tandis que se développent les canaux de communication virtuels ?
La communication par l’envoi non adressé est et reste un moyen de communication important et efficace pour nos clients. Il s’agit du moyen de communication le plus démocratique qui soit. Tout qui le désire y a accès gratuitement. Il n’y a pas de meilleur moyen pour les acteurs locaux de se faire connaître : petits commerçants, artisans qui débutent, entrepreneurs. Les consommateurs prennent également le temps de lire les folders et de préparer leurs achats sur cette base : 85 % des gens relèvent leur boîte aux lettres tous les jours et ce chiffre est stable. Le temps passé à lire les folders est de 15 min/semaine. Rendre plus difficile l’accès aux folders est un risque pour le développement économique et spécialement pour les petites entreprises qui n’ont pas d’autre moyen aussi efficace.
En Suisse, la poste a encouragé les facteurs à essayer de faire changer les gens d’avis. Pourriez-vous envisager une telle action ?
Nous plaidons pour que le client ait le choix, le choix de la facture papier ou non, le choix de recevoir des envois non adressés ou non. Mais, à nouveau, nous pensons que le système actuel satisfait pleinement les besoins de nos clients.