Des primes pour encourager l'achat de voitures électriques?
Quelques jours avant l'ouverture du Salon de l'Auto, le gouvernement flamand a décidé d'accorder une prime à tout particulier qui achètera une voiture électrique. A Bruxelles, une telle mesure semble inutile tant que le parc de bornes de recharge n'est pas garanti. Opinions croisées.
Publié le 15-01-2016 à 15h12
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Quelques jours avant l'ouverture du Salon de l'Auto, le gouvernement flamand a décidé d'accorder une prime à tout particulier qui achètera une voiture électrique. A Bruxelles, une telle mesure semble inutile tant que le parc de bornes de recharge n'est pas garanti.
OUI - Michel Willems, expert en fiscalité, directeur de Mobilitas, société de consultance dans le secteur automobile
Je constate que si l’utilisateur peut opter pour une voiture électrique, une voiture hybride ou une voiture "classique", il choisira celle qui lui offrira le plus d’avantages et le moins d’inconvénients. C’est donc aux gouvernements de multiplier les incitants en faveur de la voiture électrique pour faire pencher la balance en sa faveur. Autrement, le marché ne risque pas de décoller.
Comment jugez-vous la décision du gouvernement flamand d’accorder une prime allant jusqu’à 5 000 euros à l’achat d’une voiture électrique ?
Il fallait le faire, mais c’est loin d’être suffisant. Surtout si l’on table sur l’achat de 60 000 véhicules électriques d’ici 2020, comme l’a annoncé la ministre flamande des Finances, Annemie Turtelboom. Il faut savoir que cette prime est uniquement valable pour les véhicules achetés et inscrits au nom d’un particulier domicilié en région flamande, les entreprises ne peuvent donc pas en profiter. Sans compter les différences fiscales en Wallonie et à Bruxelles. Fin 2014, le gouvernement wallon a décidé de supprimer l’éco-bonus de 2 500 euros qui était destiné aux véhicules électriques. Et le gouvernement bruxellois, lui, n’a jamais rien fait. Or il faudrait que les gouvernements, et ce de manière concertée, multiplient les incitants au niveau de l’achat et de l’utilisation de la voiture électrique, sans quoi on ne connaîtra pas de poussée du marché.
Pourquoi est-ce si difficile d’inciter les gens à l’achat de voitures électriques ?
Il y a de nombreux éléments dissuasifs. Tout d’abord le prix : entre 10 000 et 15 000 euros de plus qu’une voiture "classique", voire 20 000 euros pour les modèles haut de gamme. Ensuite, il y a ce qu’on appelle en anglais le "range anxiety" : la peur de tomber en panne au milieu de la route, avec le risque de provoquer un accident. Enfin, il y a un manque criant de bornes disponibles pour recharger son véhicule. Pour toutes ces raisons, la voiture électrique ne séduit qu’une frange extrêmement limitée du public : les entreprises qui ont une flotte de voitures très importante et les personnes qui se soucient de l’écologie et disposent d’un garage pour recharger leur véhicule. Et encore, beaucoup de ces entreprises et de ces particuliers déchantent après leur achat.
Existe-t-il des exemples à l’étranger de politiques cohérentes et efficaces concernant les voitures électriques ?
Londres et Berlin sont les villes les plus propices à la circulation des voitures électriques. Elles ont beaucoup investi dans les infrastructures et ont installé de nombreuses bornes de chargement. En plus, à Londres, les voitures électriques bénéficient du privilège de pouvoir rouler sur les bandes normalement réservées au bus pour éviter les embouteillages - encore un incitant possible pour la voiture électrique. Mais on ne compte malgré tout qu’un à trois pour cent de véhicules électriques dans la capitale anglaise… Enfin, l’exemple de la France est encore différent : l’électricité est peu chère en raison du nombre de centrales atomiques nationales et il y a des primes à l’achat d’une voiture électrique qui vont jusqu’à 10 000 euros. C’est un subside déguisé de la part du gouvernement qui veut encourager les constructeurs de voitures français à développer des modèles 100 % électriques.
Evidemment. S’il n’y a pas de clients potentiels, les constructeurs automobiles ne se pressent pas pour développer les véhicules électriques.
C’est d’ailleurs confirmé par des caméras cachées tournées dans de grandes entreprises allemandes.
NON - Pascal Smet, ministre bruxellois de la Mobilité
Il faut faire les choses dans l’ordre. Le nombre de bornes de recharge est clairement insuffisant à Bruxelles. C’est ça, la priorité. Mais pas question de faire n’importe quoi. D’abord, on lance une étude pour savoir ce qu’il faut faire. Après, sans doute à la fin de l’année, on définira un cahier de charges pour confier le chantier à un partenaire privé. Et ensuite seulement, on parlera de mesures fiscales.
Le gouvernement flamand vient d’annoncer que, pour encourager les gens à faire ce choix, il a décidé d’accorder une prime qui peut atteindre 5 000 euros à l’achat d’une voiture électrique. Et à Bruxelles ?
Il faut faire les choses dans l’ordre. Il faut reconnaître que Bruxelles est en retard. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles les gens n’achètent pas de voiture électrique. Les deux principales sont le prix et le manque de bornes de recharge sur la voirie publique. Environ 75 bornes à Bruxelles, c’est clairement insuffisant. C’est pourquoi, avec la ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Energie, Céline Fremault, nous avons décidé de commander une enquête pour savoir de combien de bornes nous avons exactement besoin, de quel type, et où on doit les implanter. Sur base des résultats de cette étude, nous lancerons un cahier de charges afin, probablement, de donner une concession à un opérateur privé pour installer assez de bornes dans toute la région (des bornes standardisées de recharge électrique qui pourront être utilisées par plusieurs types de prises). J’ai moi-même une voiture électrique (hybride). Elle est dans la rue et j’habite un appartement. Aujourd’hui, si je veux la recharger, c’est compliqué. Avant tout, il faut résoudre cela.
Avez-vous une idée du temps qu’il faudra pour que tout soit installé ?
Il faut prendre le temps de faire les choses correctement sur base d’une stratégie réfléchie. On ne va pas polluer l’espace public et planter des bornes partout n’importe comment. Donc, nous attendons les résultats de l’étude. Ensuite, à la fin de l’année j’espère, sera rédigé le cahier de charges. Disons qu’on peut prévoir que tout sera en place avant la fin de la législature.
Pas question de prévoir une prime à l’achat, comme en Flandre ?
Les voitures électriques sont très rares à Bruxelles. Et ce sera le cas tant qu’on ne résoudra pas, d’abord, le problème des bornes. Ensuite, on étudiera la question du prix. On pourrait réfléchir à rendre la fiscalité voiture plus verte (exonérer de taxe de circulation, par exemple). Je précise qu’on n’en parle pas encore actuellement mais qu’on pourrait le faire. Quant à une prime à l’achat, pour le moment, ce n’est pas la priorité.
Vu que ces voitures, quel que soit l’endroit où habitent leurs propriétaires, rouleront un peu partout, ne serait-il pas intéressant, d’essayer d’harmoniser tout cela entre les trois régions ?
C’est vrai mais c’est la conséquence de la régionalisation. Cela étant, nous avons quand même des contacts bilatéraux et il y a tout de même une volonté d’aller dans le même sens. J’ai suggéré à la ministre fédérale, Jacqueline Galant, d’organiser cela. Elle a dit qu’elle le ferait. Cela n’a pas été le cas jusqu’à présent. C’est dommage…
Au fait, des problèmes budgétaires ne sont en rien à l’origine du peu d’avancement dans ce dossier ? Ou une réticence à financer, à Bruxelles, des installations qui ne seront pas utilisées que par les Bruxellois ?
Pas du tout non.