Devenir mère à 50 ans?
A 53 ans, l'actionnaire majoritaire de l'Olympique de Marseille annonce sa grossesse. Margarita Louis-Dreyfus attend des jumelles. Chez nous, il y a cinq fois plus de grossesses tardives qu'il y a quinze ans. Les Pays-Bas réfléchissent à adapter leurs lois pour tenir compte du phénomène. Opinions croisées.
Publié le 20-01-2016 à 20h07 - Mis à jour le 21-01-2016 à 13h48
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A 53 ans, l'actionnaire majoritaire de l'Olympique de Marseille annonce sa grossesse. Margarita Louis-Dreyfus attend des jumelles. Chez nous, il y a cinq fois plus de grossesses tardives qu'il y a quinze ans. Les Pays-Bas réfléchissent à adapter leurs lois pour tenir compte du phénomène.
OUI - Docteur Dominique Stoop, expert en fertilité de l'UZ Brussel
Sans négliger les risques liés à une grossesse tardive, d’autres facteurs que l’âge sont à prendre en considération, à commencer par la santé générale de la mère. Si elle est bonne, pourquoi ne pas aider une femme de 50 ans à avoir un enfant ? A cet âge-là, elle aura souvent une plus grande stabilité sociale et financière pour l’élever.
Etre mère à 50 ans. En quoi est-ce acceptable du point de vue médical ?
Les risques liés à la grossesse tardive existent, mais ils commencent dès l’âge de 35 ans et ne cessent d’augmenter avec l’âge. De l’expérience que l’on en a, on ne peut pas dire qu’à un âge bien déterminé, les risques augmentent de manière exponentielle. Je ne défends pas les grossesses à 50 ans et il est primordial de prendre en considération l’âge de la future mère. Mais il y a d’autres facteurs déterminants lorsque l’on aborde tant la grossesse que la maternité.
Quels sont ces facteurs ?
La santé générale de la mère importe tout autant que son âge : une jeune femme obèse, qui fume et a de l’hypertension courra plus de risque qu’une femme plus âgée en bonne santé. Le fait de porter des jumeaux, étant jeune, pose aussi des risques plus élevés. Il en va de la responsabilité du médecin à juger de la capacité de la patiente à porter un enfant. Ensuite, l’espérance de vie des femmes a augmenté et avec elle, la capacité de porter et d’élever un enfant jusqu’à un âge plus avancé.
Faut-il prendre en compte des éléments extra-médicaux ?
Oui, et ils ne sont pas négligeables. On sait que les femmes plus âgées ont plus d’expérience dans la vie et peuvent généralement compter sur des finances plus stables. Elles disposent aussi de plus de temps pour élever leur enfant. Des récits qui nous sont revenus, ce sont pour beaucoup des expériences positives. Notons une dernière chose, par rapport à l’acceptation sociale de la grossesse et de la maternité tardive : beaucoup d’hommes bien plus âgés que cela sont pères… Pourtant, on accepte sans rien dire. On a vu mieux en termes d’égalité homme-femme !
Alors oui, une grossesse tardive n’est pas idéale, le corps n’y est pas habitué. Mais elle est, la plupart du temps, rendue possible grâce au traitement médical, la grossesse naturelle étant à cet âge-là très rare. Si une femme de 50 ans, en bonne santé, veut tomber enceinte, pourquoi pas ?
Le nombre de grossesses tardives augmente-t-il ?
On constate par exemple dans les statistiques au niveau flamand, et c’est spectaculaire, que plus de femmes accouchent après 40 ans qu’avant 20 ans. Aux Etats-Unis, où il n’y a pas de limitation, 13 femmes de plus de 50 ans accouchent toutes les semaines. C’est énorme et en constante augmentation. La raison la plus souvent évoquée, dans les cas auxquels j’ai été confronté, est celle d’une relation après divorce ou de célibat jusqu’à la quarantaine et qui pousse les femmes à congeler leurs ovules. Notons toutefois que peu de femmes souhaitent tomber enceintes à 50 ans. Selon un questionnaire réalisé parmi nos patientes, l’âge maximum "raisonnable" pour une grossesse est évalué à de 43 ans…
Selon vous, peut-on retarder cet "âge raisonnable" ?
Aux Pays-Bas, la limite de l’assistance médicale est fixée à 43 ans et passera probablement à 50 ans. En Belgique, la limite à 47 ans (du transfert d’ovules, ponctionnées avant 45 ans, dans l’utérus, NdlR) me semble raisonnable, même si la différence avec la cinquantaine n’est pas grande. Il est clair qu’une grossesse aussi tardive sera davantage médicalisée.
NON - Docteur Corinne Hubinont, chef du service d'obstétrique aux cliniques universitaires Saint-Luc (Bruxelles) et auteur du livre "Le baby défi - Les grossesses difficiles au XXIe siècles" (éd. Anthemis)
Une femme qui met un enfant au monde à 50 ans, c’est comme un papy qui décide, à 80 ans, de courir un marathon. Ce n’est pas impossible mais ce n’est pas dans la nature des choses. Et l’on fera subir au corps un effort pour lequel il n’a pas été conçu. Il ne faut pas oublier que la mortalité maternelle au cours de l’accouchement entre 45 et 50 ans est dix fois plus importante qu’en dessous de cet âge.
Pourquoi êtes-vous préoccupée par l’augmentation du nombre de grossesses tardives ?
Les Anglais appellent ce phénomène le "Very advanced maternel age" : c’est devenu une pathologie en soi. La plupart des grossesses au-delà de 45 ans se déroulent dans un contexte de procréation médicalement assistée avec don d’ovocytes même si, c’est vrai, un tout petit pourcentage de femmes se retrouvent enceintes un peu malgré elles alors qu’elles pensaient ne plus pouvoir avoir d’enfants. Le risque de complications maternelles et foetales est bien plus important. Pour la maman, il s’agit d’hypertension, de diabète et de complications liées à la césarienne (infection, trombose,…) Et, pour le foetus, si c’est une grossesse naturelle il faut penser aux problèmes chromosomiques. Par ailleurs, il y a bien plus d’accouchements prématurés et beaucoup plus de bébés qui ne grandissent pas bien à l’intérieur. Comme si le terrain n’était pas favorable.
Les facteurs individuels n’ont-ils aucune incidence ?
Si, bien sûr. Des études ont montré que des grossesses menées entre 45 et 50 ans par des femmes en bonne santé et bien suivies donnent de meilleurs résultats que celles menées par une jeune femme qui a des problèmes de santé. Il n’en reste pas moins qu’une femme qui met un enfant au monde à 50 ans, c’est comme un papy qui décide, à 80 ans, de courir un marathon. Ce n’est pas impossible mais ce n’est pas dans la nature des choses. Et l’on fera subir au corps un effort pour lequel il n’a pas été conçu. Il ne faut pas oublier que la mortalité maternelle au cours de l’accouchement entre 45 et 50 ans est dix fois plus importante qu’en dessous de cet âge. Normalement, le risque de mourir à l’accouchement est de 1 sur 10 000. Pour une patiente de 45 à 50 ans, vous arrivez à une chance sur 1000. Ce qui n’est pas négligeable.
Combien de tels accouchements ont lieu dans notre pays ?
Presque deux cents par an.
Que dit la loi belge sur les grossesses tardives ?
Les techniques de procréations médicalement assistées sont remboursées jusqu’à 43 ans. Six essais sont possibles mais pas au-delà de 43 ans. La seule exception concerne l’implantation d’embryons congelés qui, elle, peut avoir lieu jusqu’à 47 ans.
Est-il possible d’obtenir cette aide plus tard en payant tout ?
En principe pas. Peut-être l’un ou l’autre centre fait-il exception. Mais quand on sait qu’on est désigné par les statistiques comme bon centre ou pas en fonction du taux de réussite et qu’au-delà de 45 ans, les chances diminuent encore, cela m’étonnerait…
Y opposez-vous des arguments éthiques ?
Je voudrais d’abord dire que je ne suis là pour juger personne. Je suis là pour accompagner au mieux mes patientes. Les femmes de plus de 45 ans qui arrivent chez moi, c’est parce qu’elles ne l’ont pas fait avant. Le temps de trouver le compagnon (ou pas, certaines font des enfants seules). Parce qu’elles se sont consacrées à leur carrière d’abord… La bonne question est : quand la société mettra-t-elle ce qu’il faut en place afin de soutenir la grossesse, par exemple dans le monde professionnel ? Ce ne sont pas les femmes qui doivent s’adapter à la société et prendre des risques pour leur santé.