Faut-il sauver les distributeurs de billets?
Deux députés introduisent une proposition de résolution à la Chambre pour élargir la mission de Bpost en matière de distributeur de billets. Le service public doit assurer, là où les banques ont désinvesti, disent-ils. Le retrait de cash reste-t-il un si important besoin? Opinions croisées.
Publié le 03-03-2016 à 19h34 - Mis à jour le 03-03-2016 à 19h46
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Deux députés introduisent une proposition de résolution à la Chambre pour élargir la mission de Bpost en matière de distributeur de billets. Le service public doit assurer, là où les banques ont désinvesti, disent-ils. Le retrait de cash reste-t-il un si important besoin?
OUI - Gille Vanden Burre, Député fédérale Ecolo
Les services de proximité se détériorent. Il faut contraindre le service public à pallier l’absence des opérateurs privés. Retirer de l’argent liquide est un droit qui doit rester facile d’accès pour tous les citoyens. Or, notre enquête montre que ce n’est plus le cas. Onze communes belges ne disposent plus d’aucun distributeur de billets. Et, dans onze autres, l’automate n’est accessible qu’aux heures de bureau. Pourquoi tirez-vous la sonnette d’alarme concernant les distributeurs de billets?
Nous avons décidé, avec mes collègues Ecolo du parlement wallon, de faire une enquête sur la répartition des distributeurs automatiques de billets en Belgique. Et l’enquête que nous avons réalisée montre qu’onze communes de Belgique ne sont équipées d’aucun distributeur automatique de billets (Ramillies, Baelen, Lincent, Tinlot, Juprelle, Lontzen, Daverdisse, Herbeumont, Meix-devant-Virton, Erezée et Houyet) et que, dans onze autres, les machines ne sont accessibles qu’aux heures d’ouverture du bureau de poste (Lobbes, Crisnée, Stoumont, Olne, Herstappe, Rouvroy, Fauvillers, Rendeux, Bertogne, Attert et Zuienkerke). Un certain nombre de communes, essentiellement wallonnes, sont donc dépourvues de ce service.
Que comptez-vous faire?
Globalement, dans le cadre du contrôle parlementaire que nous tentons d’exercer au mieux, nous sommes amenés à vérifier que les engagements des ministres et des différents contrats de gestion sont respectés. Or l’ancien contrat de gestion de bpost (2013-2015) évoquait une intervention de l’entreprise publique en vue de pallier cet abandon des institutions bancaires (en installant un distributeur dans le bureau de postes des communes où il n’y en a aucun autre, pour arriver à un total minimum de 350 machines et à un quota de 80 % de distributeurs accessibles 7 jours sur 7, de 6 à 22h). Le ministre des Télécommunications nous a indiqué qu’au 31 décembre, bpost offrait 494 distributeurs disponibles à 88 % de 6 à 22h. L’objectif apparaît donc rempli. Seulement, nous ne voyons pas les choses ainsi. Un nouveau contrat de gestion vient d’être conclu qui ne prévoit pas de nouvel objectif dans ce domaine. C’est pourquoi nous introduisons une proposition de résolution à la Chambre. Nous demandons au gouvernement fédéral d’y ajouter un avenant. Nous souhaitons que bpost soit, non seulement, obligé d’équiper les bureaux de poste d’un distributeur dans toutes les communes qui ne disposent pas d’autres machines mais, aussi, que celui-ci soit accessible au moins entre 6 et 22h. Il ne suffit pas d’en installer un derrière une porte qui ne sera ouverte qu’à des horaires bien trop réduits.
En quoi cela constitue-t-il un problème?
Le fait de retirer de l’argent liquide est un droit auquel peut prétendre chaque citoyen. Nous ne pouvons pas accepter que les habitants de certaines régions, ici des régions rurales, en soient privés. Tous les citoyens ont droit à un service public de qualité. Pas question que la ruralité en soit le parent pauvre. L’engagement de bpost existe, bpost n’est pas contre mais, dans les faits, on n’y est pas. C’est la raison pour laquelle nous réclamons une obligation de résultats.
Peut-être la configuration de certains bureaux de poste empêche-t-elle que le distributeur soit accessible quand le bureau ne l’est pas?
Je suis certain qu’on peut trouver des solutions : un sas, un distributeur à l’extérieur…
N’est-ce plus aux banques d’assurer ce service ?
Les banques ferment des agences locales, restructurent leur réseau de distributeurs et suppriment les moins rentables. Nous déplorons évidemment ce désinvestissement bancaire, surtout au niveau des zones les plus rurales. Mais nous n’avons aucune prise sur les entreprises privées, alors que nous pouvons agir au niveau d’un acteur public comme bpost.
Ne tenez-vous pas compte du fait que de moins en moins de cash circule voire circulera ?
Il y a une tendance aux opérations virtuelles, c’est vrai. Mais ce n’est pas demain que le cash disparaîtra en Belgique. Les chiffres montrent que la Belgique est numéro deux en termes de retrait d’argent liquide, avec 4 500 euros par an (la moyenne européenne est de 2 500 !)
Vous qui vous intéressez aux services de proximité, avez-vous remarqué d’autres manifestations de leur détérioration ?
Le même risque pèse sur les facteurs et sur les gares et les liaisons ferroviaires.
NON - Rodolphe de Pierpont, porte-parole de la Fédération belge du secteur financier (Fébelfin).
La tendance, dans l’avenir, ira progressivement vers encore plus de numérique. Il faut bien reconnaître qu’il y a des avantages à se passer des liquidités (la sécurité, par exemple). Et que le cash a également un coût (impression des billets, émission, remplacement, transport, sécurisation, etc). A côté de cela, les chiffres montrent que la Belgique est bien placée en termes d’accessibilité des terminaux.
De plus en plus, les transactions bancaires sont dématérialisées et tout indique que l’avenir du secteur se trouve du côté de l’activité numérique. Pouvez-vous néanmoins rassurer celles et ceux qui tiennent à continuer à effectuer leurs paiements et virements en liquide : cette possibilité sera-t-elle préservée ?
Nous sommes aujourd’hui dans un paysage bancaire multicanal. A côté de la banque classique avec des murs en briques et des transactions en papier, il y a le développement du numérique, comme dans le reste de l’économie et, d’ailleurs, en fonction de la demande du client lui-même. Aujourd’hui, les gens souhaitent accéder à leur banque 24 heures sur 24, pouvoir à tous moments consulter leurs comptes, faire leurs opérations. Ce que leur permettent les technologies actuelles. Pour ceux qui veulent rester dans les opérations classiques, avec du cash et des virements en papier, il y a toujours la possibilité d’aller en agences. Je dirais que ce n’est pas l’un ou l’autre, mais plutôt l’un et l’autre. Même si la tendance, dans l’avenir, ira progressivement vers encore plus de numérique.
Jusqu’à voir disparaître totalement les liquidités (comme en Norvège où les magasins ont l’autorisation de refuser d’être payés en liquide) ?
Non. On n’en est pas là du tout en Belgique même si, théoriquement, ce pourrait être une possibilité. Il faut bien reconnaître qu’il y a des avantages à se passer des liquidités (pour des raisons de sécurité, par exemple). Et que le cash a également un coût (impression des billets, émission, remplacement, transport, sécurisation, etc.) pour la société, pour les utilisateurs et les commerçants.
Une enquête vient de montrer qu’onze communes, sur l’ensemble de la Belgique, ne disposent plus d’un distributeur automatique de billets. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Il me semble qu’onze communes sur un total de 589, ce n’est pas grand-chose. Par ailleurs, les chiffres montrent qu’en Belgique, la banque en ligne se porte très bien. Avec plus d’onze millions d’abonnements à la banque en ligne et, fin 2015, plus de trois millions d’abonnements à la banque mobile, nous sommes au-dessus des moyennes européennes. A côté de cela, on a toujours des montants assez importants de retraits en cash. Et les statistiques européennes nous disent que nous sommes plutôt bien classés en matière d’accessibilité des terminaux, notamment grâce à une mesure prise voici plusieurs années qui permet à une personne de retirer de l’argent au guichet de n’importe quelle banque, même si elle n’en est pas cliente. Des évolutions sont encore à prévoir mais il n’y a aucune inquiétude à avoir concernant une disparition des points de retraits.
Comment est prise la décision d’installer, ou pas, un distributeur à un endroit ?
Plusieurs paramètres doivent entrer en compte. D’abord, répondre à un besoin. Ensuite, une question de coûts qui n’est pas à éluder même si ce n’est qu’un paramètre parmi d’autres. Puis, la sécurité d’approvisionnement, l’accessibilité et l’utilité du distributeur.