Les Diables Rouges peuvent-ils remporter l'Euro de foot?

Oui

Rodrigo Beenkens
Journaliste sportif et commentateur à la RTBF.

" Regardez les autres grandes nations du football, qui ont aussi connu des blessures et des revers lors des matchs de préparation. Elles ont envie d’y croire, à l’image des Espagnols qui crient "¡ Vamos !" Alors pourquoi pas nous ? Pourquoi les Belges sont-ils aussi négatifs au moment d’évoquer leurs chances de succès ? Si De Bruyne et Hazard parviennent à bien jouer ensemble, tout est possible. "

On sent votre enthousiasme au micro, lorsque vous commentez les rencontres des Diables Rouges. Pensez-vous que cette équipe peut aller loin dans le tournoi européen qui commence dès vendredi ?

Je n’affirmerais pas catégoriquement que nos petits Belges ramèneront la coupe. Il y a toutefois des indices qui permettent d’y croire. Sans oublier qu’il faut un minimum de réussite pour gagner un tournoi. Je fais allusion aux faits de jeu, aux décisions arbitrales, mais aussi à un tableau favorable. D’un côté, c’est complètement fermé, de l’autre, c’est ouvert : nous pourrions affronter successivement, en huitième et en quart de finale, l’Espagne et l’Allemagne, ou bien la République tchèque et la Pologne. Dans ce dernier cas, notre chemin vers la finale serait tout de même moins ardu, avec tout le respect que je dois à la République tchèque et à la Pologne.

Pour l’emporter, au-delà du facteur chance, il faudrait aussi que les Diables se surpassent, n’est-ce pas ?

Nous souffrons d’un gros désavantage : un manque d’automatismes. Sur les onze joueurs qui commenceront le match contre l’Italie, ce lundi 13 juin, il y en a neuf qui jouent dans des clubs différents. Au contraire de l’Espagne qui peut puiser dans les clubs de Barcelone et de Madrid, ou de l’équipe d’Allemagne composée essentiellement de footballeurs du Bayern de Munich. Nos joueurs devront donc non seulement bien jouer, mais aussi parvenir à créer quelque chose ensemble. Et puis il faut espérer que Kevin De Bruyne et Eden Hazard soient bons en même temps, ce qui n’est encore jamais arrivé.

Après les piètres prestations des joueurs belges en amical, certains analystes accusent Wilmots de n’avoir aucun plan tactique. Qu’en pensez-vous ?

J’aimerais d’abord rappeler qu’en 1986, Guy Thys a réussi l’exploit de mener l’équipe nationale aux portes d’une finale de Coupe du monde, sans être grand stratège. Ensuite, je voudrais exprimer mes doutes quant au fait que Wilmots soit aussi nul qu’on le dit. Regardez ce qu’il a déjà fait dans les grands matchs ! Contre l’Algérie, il fait monter sur le terrain le grand Fellaini et le petit Mertens. La défense adverse ne sait plus ou donner de la tête. Ainsi, notre sélectionneur national a très souvent effectué des changements gagnants. Cela témoigne d’un flair incontestable, ou du moins d’une bonne gestion du groupe. Les remplaçants, alors qu’ils pourraient se montrer dégoûtés de n’avoir pas commencé la partie, profitent de chaque seconde passée sur la pelouse. En plus, ils font très souvent la différence au marquoir. Quel bel exemple encore contre la Norvège, avec le but de Laurent Ciman ! Magnifique !

Vous retenez les belles histoires, d’autres voient le verre à moitié vide. Pourquoi ?

Je ne comprends pas ce pessimisme ambiant et cela me désole. Avant même que la compétition ait commencé, certains journalistes multiplient les critiques acerbes. Au point que les collègues étrangers nous prennent pour des fous. Pourquoi ne pourrions-nous pas simplement nous réjouir de cette fête du foot, alors qu’il y a déjà tant d’autres choses qui ne tournent pas rond dans ce monde ?

Non

Guillaume Gautier
Journaliste sportif à "Sport/Foot Magazine".

" Marc Wilmots emmène, en France, vingt-trois joueurs belges qui réussissent dans les plus grands clubs à l’étranger. De quoi remporter, à coup sûr, la Coupe d’Europe ? J’en doute. Les talents individuels des Diables Rouges ne suffisent pas à masquer leur jeu en chantier, sans architecte sur le terrain pour distribuer les ordres et les ballons ."

Vos articles pointent les lacunes des Diables Rouges. Ne pensez-vous pas qu’ils pourraient tout de même nous surprendre à l’Euro ?

Je crains que non. Leur principal problème ne date pas d’hier : leur jeu repose essentiellement sur les qualités individuelles de certains joueurs et, dès lors, ils n’arrivent pas à développer une organisation de jeu cohérente, à la fois en ce qui concerne le pressing pour récupérer le ballon et la construction du jeu offensif.

Vous sous-entendez, j’imagine, qu’on miserait trop sur les exploits de deux joueurs en particulier : Eden Hazard et Kevin De Bruyne ?

Les clés du secteur offensif appartiennent en effet à ces deux joueurs hors norme. Ils sont au-dessus du lot. Mais il faut être conscient que lorsqu’ils doivent reculer jusqu’au milieu de terrain pour toucher des ballons et se créer des actions, ils arriveront plus difficilement à se montrer dangereux en zone décisive; ils sont moins lucides après 60 mètres de course qu’après 25.

Pourtant, c’est bien Hazard qui, après avoir remonté tout le terrain, égalise dans le dernier match amical contre la Norvège, non ?

Je le répète, c’est un joueur exceptionnel. Mais on lui demande de réaliser ce genre d’exploit cinq fois par match, alors que Messi, lui-même, n’y arrive peut-être que cinq fois par an.

Quelles sont dès lors les solutions pour gagner des matchs, voire gagner le tournoi européen ?

Permettre à nos artistes de s’exprimer ! Depuis la qualification pour la Coupe du monde, il y a deux ans, nous avons acquis le statut d’une grande équipe. Ce qui fait que les Diables se retrouvent face à des blocs compacts, regroupés défensivement. Il faudrait dès lors créer le décalage, et donner des ballons à De Bruyne et à Hazard entre les lignes adverses. Mais cela n’arrive pratiquement jamais, et seul Nainggolan en est capable. Pour Wilmots, la solution, c’est alors de balancer des centres vers nos tours de contrôle, Lukaku ou Fellaini, sans gage de réussite.

Wilmots serait-il un mauvais entraîneur ?

Certes, il a fait du bon boulot en relançant une dynamique positive en équipe nationale et en insistant sur notre défense pour ne pas prendre de but. Cela nous a conduits en quarts de finale à la Coupe du monde. Désormais, il devrait cependant revoir la stratégie de l’équipe. Pourquoi ne pas s’inspirer du sélectionneur italien, Antonio Conte, qui donne quotidiennement des leçons tactiques à ses joueurs et insiste sur son système de jeu en match amical, peu importe le résultat ?

Wilmots et ses hommes partiraient-ils perdants pour leur premier match, qu’ils jouent justement contre l’Italie ?

Disons que Willy n’a pas mis toutes les chances de son côté. C’est comme si lui et Conte livraient une partie de poker. Le premier, sûr de lui, affiche un roi et un as. Le second, connaissant les subtilités du jeu, envisage toutes les combinaisons possibles pour faire tourner la chance en sa faveur. Après, cela reste un jeu de hasard…

Les Diables sont bien cotés, mais qui sortira vainqueur ?

Les pronostics à l’attention des parieurs donnent une idée de la perception des spécialistes. Les Belges se classent régulièrement dans les cinq premières équipes les plus attendues pour rafler la compétition.

Un grand site de paris en ligne français donne :

- la France, gagnante à 2,50 contre 1;
- l’Allemagne à 2,60; - l’Espagne à 3,15;
- l’Angleterre à 5,00, ex-aequo avec - la Belgique à 5,00.

Un grand site belge de paris adopte le même ordre même si les cotes diffèrent :

- la France à 4,20;
- l’Allemagne à 4,80;
- l’Espagne à 6,00;
- l’Angleterre à 9,50;
- la Belgique à 10,00.

A titre de comparaison, les cinq cotes les plus élevées sont attribuées par ce même site à l’Albanie (501), l’Irlande du Nord (361), la Hongrie (361), la Roumanie (181) et la Slovaquie (151).

Cet autre classement volé chez un autre opérateur belge met les Diables encore un peu plus haut :

- la France à 3,85;
- l’Espagne à 6,00;
- la Belgique à 10,50;
- le Portugal à 19,00;
- l’Autriche à 38,00.