Moins 5% de calories dans votre assiette, un effet d'annonce?
Les acteurs du secteur de l'alimentation ont signé, lundi, un accord pour favoriser une alimentation équilibrée. Ils visent une diminution de 5% de l'apport calorique de leurs produits. Sans contrôle, Test-Achats craint un écran de fumée. Ripostes.
Publié le 15-06-2016 à 13h46 - Mis à jour le 15-06-2016 à 13h47
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Les acteurs du secteur de l'alimentation ont signé, lundi, un accord pour favoriser une alimentation équilibrée. Ils visent une diminution de 5% de l'apport calorique de leurs produits. Sans contrôle, Test-Achats craint un écran de fumée.
Oui
Roel Dekelver,
Porte-parole du groupe Delhaize.
" Nous communiquons déjà depuis longtemps sur la qualité de nos produits, et nous privilégions la santé de nos clients. D’une certaine manière, l’initiative prise par la ministre de la Santé publique Maggie De Block et les fédérations du secteur de l’alimentation consacre notre politique, indiquant aussi la direction à prendre à long terme : inspirer les gens en faveur d’une alimentation saine et durable. "
Delhaize s’est joint aux signataires de la Convention alimentation équilibrée, ce lundi. Une date à marquer d’une pierre blanche ?
Pour nous, c’est effectivement une démarche significative. Les autorités, les différentes fédérations, les fournisseurs et les détaillants du secteur alimentaire se sont mis autour de la table, et tout le monde a convenu qu’il fallait porter davantage d’attention à la santé des consommateurs. J’aimerais toutefois préciser que si l’on vise une diminution de 5 % de l’apport calorique des denrées alimentaires, le groupe Delhaize a déjà pris de l’avance sur un tel objectif. Notre vingtaine de nutritionnistes chapeautés par un médecin optimalisent la composition de nos produits depuis presque une décennie. Sur les 7 000 produits de notre gamme, une attention particulière est portée chaque année sur 1 500 d’entre eux, avec l’objectif de diminuer le pourcentage de sucre, de sel ou de graisse et éventuellement d’augmenter le pourcentage de fibres. Une fois que tous les produits ont été reformulés, on recommence et ainsi de suite…
Si je comprends bien, la signature de la Convention alimentation équilibrée n’entraînera pas d’évolution dans votre politique ?
C’est-à-dire que nous continuerons notre démarche en douceur, étape par étape, visant à améliorer annuellement les qualités nutritives de certains produits, tout en conservant leur goût authentique. Il reste du boulot, jusqu’à ce que petit à petit les gens s’habituent à manger moins salé et moins gras.
Vous voulez dire qu’on ne pourrait pas optimaliser d’un coup la composition des denrées alimentaires sans toucher au goût ?
Il y a une limite évidemment. C’est pourquoi nous cherchons toujours des innovations pour que le produit soit plus sains tout en conservant les saveurs qu’apprécient les clients. A cet égard, je donne toujours l’exemple des lasagnes : vous pourriez en enlever toutes les graisses, mais après ça, plus personne n’en achèterait parce que ce ne serait plus bon.
Peut-être s’agit-il aussi d’effectuer un travail de sensibilisation auprès des consommateurs ?
Nous insistons d’abord sur la fraîcheur et les valeurs nutritives de nos produits, mais, dans un second temps, nous développons également notre communication pour inciter nos clients à cuisiner des repas équilibrés et aussi à faire du sport. Nous avons une approche intégrée de la santé.
En deux mots, c’est une forme de "marketing responsable" ?
Ce n’est pas seulement du marketing, on se sent vraiment responsable de la santé de nos clients. En termes de stratégie à long terme, nous essayons de proposer des produits classiques de plus en plus sains, mais aussi des produits alternatifs avec des édulcorants naturels, comme des yaourts avec de la stevia et des crèmes glacées à base de zusto.
Non
Stéphanie Bonnewyn,
Diététicienne chez Test-Achats, association de protection et défense des consommateurs.
" Promettre de diminuer les graisses et les sucres dans les aliments, c’est bien, mais qui va contrôler, qui va mesurer et comment ? Si ce sont les entreprises, ce n’est pas crédible. Nous craignons aussi que les industriels ne diminuent pas la teneur en sucres et en graisses de leur produit de référence mais préfèrent élargir leur gamme avec des light ."
Que pensez-vous de cette promesse des entreprises alimentaires, des chaînes de restaurants et des distributeurs de réduire de 5 % l’apport calorique de leurs produits ?
Il faut savoir que la prise de conscience de cette réduction dans notre alimentation, après du sel, de l’énergie (soit des graisses et des sucres) se fait au niveau européen, et la Belgique a tout intérêt à montrer qu’elle se bouge enfin un peu. La signature de cette convention alimentation équilibrée doit donner le change. Mais pourquoi Test-Achats, l’association de protection des consommateurs, n’a-t-elle appris cet accord que via la presse ? Nous appréhendons donc un simple effet d’annonce. Promettre d’améliorer la qualité nutritionnelle des produits, c’est bien, mais qui va contrôler, qui va mesurer et comment ? Si c’est en interne des entreprises, ce n’est pas crédible. Il faut des organismes indépendants des industries (comme Oqali - l’Observatoire de la qualité de l’alimentation - en France). Aucune instance ou "police" ne va regarder si dans 5 ans les sucres dans les CocoPops auront diminué. Plus loin, je m’interroge sur le niveau de cette réduction : 5 % en moins, ce n’est pas grand-chose. 100 g de Nutella apporte environ 530 kcal, enlevez 5 % soit 27 kcal, ce n’est pas énorme. Les ambitions de l’Europe sont plus grandes. Mais les industriels suivront-ils ?
Que craignez-vous d’autre ?
Que le produit de référence ne soit pas réellement corrigé. Nous souhaitons que les milliers de produits disponibles sur le marché soient reformulés, c’est-à-dire que leur recette soit améliorée en diminuant progressivement les graisses et les sucres. Ce que nous ne souhaitons pas, c’est qu’à la place, les industriels préfèrent élargir leur gamme de produits en mettant du light sur le marché. Exemple : ils ne toucheront pas au sucre de la marque phare de telle limonade ou à la teneur en graisse de telles chips mais ils créeront d’autres limonades zero calorie ou des chips aérés pour pouvoir affirmer qu’ils ont globalement amélioré le contenu calorique de la gamme.
Modifier la recette peut être dangereux pour un industriel…
Technologiquement, ce n’est pas évident. Peut-être vont-ils aussi utiliser davantage d’édulcorants, ce qui n’est pas nécessairement une bonne chose. On veut diminuer les sucres afin, aussi, que les consommateurs s’habituent à moins de goût sucré. Remplacer les sucres par des édulcorants : "oui" du point de vue des calories mais "non" par rapport à l’habitude du sucre.
Lutte contre le surpoids
Moins de calories. La ministre fédérale de la Santé, Maggie De Block (Open VLD), la Fédération de l’industrie alimentaire belge et la Fédération pour le commerce et les services ont signé, ce lundi, une Convention pour une alimentation équilibrée. Concrètement, ils s’engagent à diminuer de 5 % l’apport calorique des denrées alimentaires en réduisant, par exemple, leur teneur en sucre ou en graisse ou en augmentant celle en fibres. Les deux fédérations signataires regroupent un grand nombre d’enseignes : les supermarchés, où les efforts vont porter sur les marques, mais aussi sur les produits distributeurs; les chaînes de restaurants Pizza Hut, Lunch Garden, Quick ou McDonald’s; et les sociétés de services comme Sodexo qui fournissent les cantines scolaires. Est-ce qu’on a des garanties que le secteur respecte ses promesses ? Une évaluation sera faite fin 2017.
Pas assez face à l’épidémie d’obésité
Selon Serge Pieters , président de l’Union professionnelle des diplômés en diététique, cette diminution de 5 % en graisses et en sucres dans les produits alimentaires ne permettra pas d’enrayer l’épidémie européenne d’obésité prévue en 2030. Il faudrait non seulement augmenter ce seuil des 5 % mais actionner d’autres leviers comme l’activité physique, l’éducation et la promotion de produits sains tels l’eau, les fruits et les légumes via une politique de réduction des accises et de la TVA.
En Belgique , 15 % des enfants et des adolescents sont obèses. L’obésité, explique le nutritionniste, est un problème plus important chez les personnes avec un niveau d’étude, un niveau social et des revenus plus faibles. Ces personnes ont toujours tendance à chercher beaucoup de calories à bon marché. Et les produits les moins chers sont justement très gras et très sucrés. Comment réduire cette consommation ?
La malnutrition devient la "nouvelle norme" dans le monde, relève une étude dévoilée hier par l’OMS. Selon ses auteurs, membres du Global Nutrition Report, l’obésité et le surpoids progressent dans chaque région du monde et pratiquement chaque pays, représentant "un défi colossal". Le nombre d’enfants de moins de 5 ans en surpoids approche désormais le nombre de ceux qui affichent un trop faible poids par rapport à leur taille.