Faut-il prendre l'astrologie au sérieux?

Un long format interactif de la BBC s’est récemment penché sur l’information, qui circule depuis bien longtemps, selon laquelle Orphiucus, un signe oublié depuis 2000 ans, viendrait perturber le calendrier du zodiaque, décalant ainsi les signes astrologiques de 80 % de la population. Autrement dit, il y aurait treize et pas douze signes (voir ci-contre). L’astrologie campe sur ses positions. Invitée par le magazine “Marie-Claire” à répondre à cette question, l’astrologue française Rosine Bramly parle de “sujet qui revient chaque année” et de “faux débat” . Et elle ajoute: “Les gens sentent leur signe en fonction de leur caractère, ils s’y identifient complètement. Imaginez la panique. Mais rassurez-vous : vous avez bien le bon signe.”

Mais, finalement, faut-il vraiment prendre l'astrologie au sérieux?

Oui

Serge Ducas, astrologue.

" Il m’arrive même de recevoir des chefs d’entreprise qui demandent le thème astral de leur société. Ce n’est ni une imposture ni une escroquerie mais bien une science humaine. "

Pourquoi certains de nos contemporains vont-ils consulter un astrologue ?

D’abord pour en savoir un peu plus sur eux-mêmes via leur thème astral - ou carte du ciel - qui est une photo symbolique du ciel prise au moment d’un événement, ici leur naissance. Ce qui en ressort - aux niveaux caractère et type de personnalité - leur permettra d’utiliser davantage leur potentiel personnel. C’est une manière de mieux se connaître pour mieux exploiter ses qualités. A l’inverse, ils essayeront de comprendre pourquoi certains événements négatifs se répètent dans leur vie. Parce que comprendre, c’est commencer à résoudre. Maintenant les gens recherchent essentiellement des prévisions de type affectif, professionnel ou financier vu les inquiétudes et le contexte actuel. L’objectif, alors, est de se réorienter. Précisons que ces consultations ne se font pas nécessairement à l’occasion de crise personnelle, couple qui a éclaté ou perte d’emploi. Plus loin, on s’intéressera aussi aux dates. L’astrologie peut suggérer les meilleures périodes propices à l’action.

Des entreprises, paraît-il, s’adressent à vous. C’est plutôt singulier.

Oui, il m’arrive de recevoir des chefs d’entreprise qui demandent le thème astral de leur société. Avec la date, l’heure et le lieu de naissance (dépôt des statuts), on va pouvoir dégager des informations et tracer son évolution. Ici aussi, nous repérerons certaines périodes plus opportunes, et d’autres moins, à des lancements de produits ou des signatures de contrat. Nous pouvons intervenir dans le recrutement du personnel mais cette pratique est à la traîne en Belgique par rapport à la France.

Mais comment la position de planètes lors de la naissance sur la Terre d’une personne peut-elle influencer son caractère ?

C’est toute la question de l’astrologie et de la croyance qu’on en a. Considérons-la, non pas comme une science exacte mais plutôt comme une science humaine basée sur l’observation du ciel. Depuis que l’homme est sur Terre, il s’interroge sur quoi demain sera fait en regardant le ciel. Le cycle solaire, le cycle lunaire ou l’influence de la lune sur les marées ne sont pas que des concepts symboliques. Au niveau énergétique, ça fonctionne. Rappelons qu’à la base, nous utilisons un outil scientifique réalisé par la NASA qui publie des calculs astrologiques - que nous appelons éphémérides - avec les positions, passées et futures, des astres. Je peux ainsi vous spécifier où se trouvera dans cent cinquante ans telle planète dans telle constellation pour tel signe.

Que pensez-vous de ce 13e signe - Orphiucus ou le Serpentaire - oublié depuis deux mille ans et qui décalerait tout le calendrier zodiacal ?

Ce serpentaire était le fonds de commerce de l’astrologue Jean Rignac bien connu sur RTL à l’époque. Sinon, cette constellation qui viendrait s’immiscer entre le Scorpion et le Sagittaire, entre le 30 novembre et le 17 décembre, n’a jamais été prise en compte par les astrologues depuis quatre mille ans. Aussi, fidèle à cette tradition, je n’en tiens pas compte personnellement. C’est un peu comme si sur la gamme des notes "do, ré, mi, la, si, do..", on pointait une note intermédiaire représentant une nuance mais qui ne changerait rien aux autres.

L’astrologie est-ce une science, un art, une croyance, une imposture ou une escroquerie ?

Ni une imposture ni une escroquerie. L’astrologie - ainsi que la numérologie - sont des sciences humaines qui réclament un certain art pour les interpréter. Chaque vrai astrologue, qui a pu confronter cette science à ces proches, vous certifiera cette part de vérité. Bien sûr, comme pour la voyance ou d’autres sciences occultes, des dérives sont possibles. La plus classique : vendre des consultations sorties d’ordinateur.

Suite à plusieurs tests, des scientifiques affirment que les prédictions astrologiques n'ont aucune valeur.

Je ne suis pas d’accord. Proposez-moi cent personnes que je ne connais pas, suite à la réalisation de leur thème astral, je serai en mesure de décrire avec précision pour chacun, leurs traits de caractère, leur personnalité et leur potentiel. Je suis prêt à relever le défi !

Non

Yaël Nazé, astrophysicienne belge travaillant à l'Université de Liège.

" Si les astrologues se basent sur l’analyse des astres, leurs prédictions sur l’avenir ou le caractère d’une personne ne sont rien d’autre que des interprétations, qui se révèlent souvent fausses. "

Quels sont les rapports qu’entretiennent l’astrologie et l’astronomie ?

L’astrologie est une technique de divination. Dans l’Antiquité, il en existait plusieurs sortes, dont des techniques basées sur le vol des oiseaux ou l’analyse des entrailles des animaux. Dans ce dernier cas, si le devin devait avoir des notions d’anatomie, cela n’en faisait pas pour autant un spécialiste de la médecine vétérinaire. Pour l’astrologie et l’astronomie, c’est la même chose.

Vous voulez dire que, d’un côté, on a une pratique basée sur une certaine interprétation et, de l’autre, une pratique scientifique ?

Exactement, même si les astrologues se basent sur un schéma (plus ou moins) objectif du ciel à un moment donné, leurs prédictions sur l’avenir ou le caractère de telle ou telle personne sont simplement des interprétations. Et cela n’a rien à voir avec l’astronomie qui relève de la science. C’est-à-dire un savoir qui évolue dans le temps, qui demande d’être vérifié, complété, quitte à changer les théories qu’on postulait au départ.

Sans relever de la science, l’astrologie ne pourrait-elle pas offrir des prédictions qui se vérifient ?

Comme c’est leur fonds de commerce, la plupart des astrologues vont bien sûr assurer que leurs prédictions sont véridiques. Cependant, de nombreux tests, tout à fait scientifiques, tendent à prouver le contraire. Ainsi, le chercheur néerlandais Rob Nanninga a par exemple demandé à sept personnes de lui renseigner le moment et le lieu précis de leur naissance, mais aussi de remplir un questionnaire dévoilant leur personnalité. Il a ensuite proposé à une cinquantaine d’astrologues de retrouver, en fonction des dates et lieux de naissance dont ils disposaient, les différents thèmes astraux et les profils correspondants. Au final, alors que presque tous les astrologues pensaient obtenir au moins quatre bonnes réponses sur sept, celui qui s’en est le mieux tiré n’en avait trouvé que trois… Donc ils n'ont pas fait mieux que si l'on avait choisi les réponses au hasard. Pire, les astrologues n'étaient pas d'accord entre eux. Puis, il y a aussi eu des études qui ont été faites à partir de l’analyse de couples mariés. Puisque les personnes nées sous certains signes astrologiques sont censées avoir davantage d’atomes crochus, cela aurait dû se vérifier statistiquement, avec par exemple beaucoup de béliers mariés à des sagittaires et beaucoup de taureaux avec des cancers. Mais, en fait, il s’est finalement avéré que non…

L’astrologie n’est-elle donc basée sur aucun fondement solide ?

Curieux de lire leur destin dans les étoiles, les êtres humains se sont mis, dès la préhistoire, à étudier les astres. Ce qui a donné naissance à l'astrologie et l'astronomie. Cependant, dans l’Antiquité, tant en Chine qu’en Mésopotamie, on distinguait déjà la pratique des astrologues de celle des astronomes : aux premiers les "interprétations", aux seconds les observations et les modèles… Puis la pratique des astrologues est liée à une certaine culture, à une certaine tradition, enfin à ce qu’on cherchait à lire dans le ciel. C’est pourquoi, aujourd’hui, si vous demandez à un astronome chinois de vous expliquer pourquoi le soleil brille, il va vous répondre la même chose qu’un astronome européen. Mais, si vous demandez à un astrologue chinois de vous expliquer sa pratique, elle apparaîtra très différente de celle d’un astrologue du Moyen-Orient ou d’Europe.

Finalement, comment expliquez-vous qu’il y ait tout de même beaucoup de gens qui lisent régulièrement leur horoscope ?

Si, en début de journée, vous lisez que vous ferez une belle rencontre, il suffit que vous croisiez une ancienne connaissance pour vous dire que votre horoscope s’est vérifié. Si, par contre, la veille, on vous annonçait une surprise, mais qu’il ne s’était rien passé, vous n’y prêtez plus attention, et vous l’avez sans doute oublié. C’est un biais cognitif, bien connu des psychologues, qui entretient certaines croyances, dont celle en l’astrologie.