Le bourgmestre d'Ottignies veut-il enterrer les 24 heures vélo?
Contraints par les mesures de sécurité, les organisateurs des 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve tirent un trait sur l'édition 2016. Cependant, une confrérie folklorique étudiante appelle à ne pas renoncer à la fête, car celle-ci serait menacée par les autorités communales. Ripostes.
Publié le 28-09-2016 à 13h19 - Mis à jour le 28-09-2016 à 13h36
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Contraints par les mesures de sécurité, les organisateurs des 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve tirent un trait sur l'édition 2016. Cependant, une confrérie folklorique étudiante appelle à ne pas renoncer à la fête, car celle-ci serait menacée par les autorités communales.
Oui
Loïc Smars, fondateur et membre du CIBA, confrérie folklorique étudiante.
" Pourquoi les 24 heures vélo n’auront-elles pas lieu alors que les autres grands événements de l’été ont été maintenus ? Le folklore gêne-t-il à ce point les autorités communales ? Nous aurions tendance à le croire."
Suite à l’annulation des 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve, vous avez créé un événement sur Facebook appelant à tout de même faire la fête le 26 octobre. Pourquoi ?
Il ne s’agit pas de rameuter des milliers de personnes à Louvain-la-Neuve, au risque de provoquer un chaos sans nom. Mais davantage d’exprimer notre déception et aussi d’insister sur notre combat pour le maintien des traditions étudiantes et du folklore en Belgique.
Avez-vous l’impression que le folklore n’est pas toujours soutenu comme il se doit ?
Cela fait déjà plusieurs années que les dirigeants politiques et universitaires tendent à étouffer notre joie de vivre. A l’ULB, les cercles sont relégués au fin fond d’un parking. A Liège, des lieux de fêtes estudiantines sont supprimés. Et que dire de Louvain-la-Neuve ? C’est une ville créée pour les étudiants, qui des années perd son charme d’antan au fur et à mesure. Plutôt que de développer le site comme un mégacampus, le bourgmestre d’Ottignies affiche la volonté de marginaliser la place des étudiants dans la ville, en créant notamment des complexes commerciaux et en promouvant une ville piétonne et familiale, ouverte aux habitants des alentours.
Pouvez-vous affirmer pour autant que le bourgmestre d’Ottignies aurait contribué à l’annulation des 24 heures ou du moins qu’il s’en réjouirait ?
Il y a quelques semaines, il était question de circonscrire la fête à trois places principales, avec des bars et des concerts. Déjà, il nous apparaissait qu’on perdait ce qui faisait l’attrait des 24 heures : ses animations partout dans toute la ville. Ensuite, l’édition 2016 a été définitivement annulée, et il nous devenait dès lors impossible de pas nous interroger : pourquoi les 24 heures n’auront-elles pas lieu alors que tous les autres grands événements de l’été ont été maintenus ? Le folklore gêne-t-il à ce point les autorités communales que ces dernières auraient mis des bâtons dans les roues de l’organisation ? Nous aurions tendance à le croire, mais il se peut aussi que nous ayons tort.
D’après les organisateurs, le CSE Animations, ce sont les surcoûts de la sécurité qui aurait mené à l’annulation des 24 heures.
Nous n’avons rien contre le CSE, au contraire, nous les soutenons et nous comprenons les pressions qui pèsent sur leurs épaules. Quand tu as entre 18 et 25 ans, que tu es étudiant et que la police, les pompiers, l’autorité communale et les autorités facultaires te tombent dessus, il est compréhensible qu’à un moment, tu déclares forfait. Et, ensuite, tu la boucles, en espérant pouvoir tout de même organiser les prochaines 24 heures en 2017. Mais, nous, par contre, le CIBA, en tant que confrérie internationale, avec entres autres des étudiants louvanistes, des Belges des quatre coins du pays et des étrangers dans nos rangs, nous pouvons nous permettre de râler haut et fort. Car, oui, nous sommes extrêmement déçus de l’annulation de cet événement breughélien. Les 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve, c’est tout de même un événement symbolique du folklore et de la fête belges, l’un des seuls moments où toute une ville est animée par ses étudiants, ses commerçants et ses habitants. Comment est-ce possible qu’on n’ait pas tout fait pour qu’il ait lieu ? Qu’en sera-t-il d’ailleurs des autres manifestations étudiantes des prochains mois ? Cette excuse de la sécurité va-t-elle revenir à chaque fois ? Alors que plein de fêtes qui envahissent aussi les villes, ne sont pas annulées. Mais souvent ces événements servent les intérêts des gens qui décident…
Que sous-entendez-vous ?
C’est très clair : à Loiuvain-la-Neuve, les cercles, régionales ou autres initiatives étudiantes ne sont jamais pris en compte par les autorités communales, car la dizaine de milliers d’étudiants ne votent malheureusement pas dans cette commune et n’ont pas leur mot à dire, alors qu’ils font vivre la ville. Pourtant, ils ne sont pas une minorité.
Non
Jean-Luc Roland, bourgmestre d'Ottignies (Ecolo).
" Je regrette sincèrement l’annulation des 24 heures vélo. S’il y a un lieu où le folklore trouve - et doit continuer à trouver - sa place, c’est bien Louvain-la-Neuve. Comptez sur nous pour l’édition 2017. "
Etes-vous désolé de l’annulation des 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve ?
Je l’ai déjà dit à de nombreuses reprises, je suis bien sûr désolé de cette annulation. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous avons travaillé depuis des mois - comme chaque année, du reste - pour que cette fête puisse avoir lieu dans le contexte actuel de contraintes sécuritaires. A ce titre, je tiens aussi à saluer les efforts des organisateurs, les étudiants du CSE qui ont fait preuve d’un grand professionnalisme. Cependant, comme vous le savez, les organisateurs ont dû renoncer à l’édition 2016 des 24 heures, les 26 et 27 octobre prochains, faute de trouver une solution satisfaisante pour financer les 80 000 euros de surcroît nécessaires à la mise en place du dispositif sécuritaire préconisé par la circulaire gouvernementale émise en mai dernier.
Est-ce vous qui avez décidé qu’il fallait appliquer cette circulaire à la lettre ? Pour ne courir aucun risque ?
Oui.
Les fêtes de Wallonie ont récemment pu être organisées dans les rues de Namur. Pourquoi est-ce que cela ne pourrait pas être le cas des 24 heures ?
Parmi les nombreux événements de cet été, à chaque fois qu’il y avait des concerts, ils étaient protégés par des contrôles d’accès selon les recommandations de la circulaire que vous avez évoquée. Les fêtes de Wallonie ont été une exception, et ce pour des raisons que j’ignore. Sans doute avaient-ils prévu un encadrement policier d’autant plus conséquent.
Que pensez-vous de l’événement créé sur Facebook appelant à tout de même faire la fête le 26 octobre ?
Je trouve cela sympathique. Je comprends parfaitement les élans de solidarité suite à l’annulation des 24 heures vélo. C’est un événement auquel beaucoup de gens sont attachés, et je peux aussi comprendre leur déception. Cependant, je tiens à rappeler que si des gens lancent un appel à tout de même venir avec sa bière et son vélo à Louvain-la-Neuve, le 26 octobre, il faut qu’ils assument la responsabilité de l’événement et qu’ils l’organisent jusqu’au bout, comme le CSE le fait toujours de façon professionnelle. La fête ne peut être vraiment la fête que si on garantit la sécurité de tous.
Avez-vous lu la publication du CIBA récemment publiée sur cet événement Facebook, suggérant que l’annulation des 24 heures arrangerait bien les autorités ?
Le CIBA ? C’est quoi ça ? Je ne connais pas ce cercle, inconnu au bataillon… Et ils ne nous connaissent pas davantage. Ils ont en effet l’air d’ignorer que s’il y a un lieu en Wallonie où tout le folklore trouve sa place, c’est bien ici, à Louvain-la-Neuve : nous avons les fêtes du Doudou, les carnavals de Stavelot, et d’un peu partout en Belgique. C’est qu’il y a les régionales qui reproduisent leurs traditions dans notre ville universitaire. Non seulement pendant les 24 heures, mais toute l’année ! J’ajouterai qu’en 15 ans, depuis que je suis bourgmestre, les manifestations étudiantes ont au moins - au moins ! - doublé en volume et en quantité.
Quid de l’édition 2017 des 24 heures vélo ? Est-ce trop tôt pour en parler ?
Non, ce n’est pas trop tôt. Nous aurons prochainement une réunion pour faire le point sur la décision qui a été prise et pour envisager le futur. Il semble cependant qu’en vue de continuer d’organiser les 24 heures vélo et de ne pas renoncer à la fête, il faille modifier certains aspects de l’événement afin de répondre à des contraintes sécuritaires qui, l’année prochaine, pourraient encore être celles que nous connaissons aujourd’hui. Il ne faut pas se voiler la face.
Vous pensez qu’il est possible de faire aboutir votre projet d’une ville où cohabitent les étudiants et les familles, sans que cela ne se fasse au détriment du folklore ?
Il faut trouver le bon équilibre, mais je suis convaincu que la diversité est ce qui fait la richesse de Louvain-la-Neuve.
Une circulaire très exigeante, mais non-contraignante
Si les étudiants qui font partie du CSE Animations ont été contraints d’annuler l’édition 2016 des 24 heures vélo parce qu’ils n’ont pas réussi à trouver de solution pour réunir le budget nécessaire pour répondre aux contraintes sécuritaires actuelles, il semble aussi qu’un événement envisagé à l’échelle de la ville universitaire pose désormais problème. Une circulaire fédérale émise en mai dernier par le ministère de la Sécurité et de l’Intérieur recommande en effet “une délimitation claire (clôture) du lieu” des festivals et des grands événements et “un contrôle d’accès en deux étapes” . Or il n’est clairement pas possible de sécuriser toute la ville de Louvain-la-Neuve, car elle est construite sur une dalle percée, tel un gruyère, de nombreux accès à différents parkings. Reste que les recommandations de la circulaire en question sont laissées à l’appréciation des autorités locales. Ainsi, le président du CSE espère qu’en 2017, on pourra non seulement organiser les 24 heures, mais aussi ne pas les cantonner à quelques lieux clos.
L’ULB, elle, devrait retrouver sa Saint-V
Après les attentats du 13 novembre 2015, à Paris, la dernière Saint-V avait dû être annulée. " C’était le tout début du lockdown à Bruxelles ", rappelle Nicolas Dassonville, coordinateur des événements institutionnels de l’Université libre de Bruxelles. " Le lendemain matin, le niveau de menace était relevé à 4. " Le risque d’attentat avait donc eu raison d’un des principaux rendez-vous estudiantins en Belgique, par lequel les étudiants célèbrent la naissance de l’université bruxelloise (le 20 novembre 1834) et son fondateur Théodore Verhaegen. Au programme : discours, hommages et cortège dans le centre-ville. Après l’annulation des 24 heures vélo de Louvain-la-Neuve, la Saint-V bruxelloise est-elle, elle aussi, menacée par des consignes particulières de sécurité ? "Bruxelles n’est pas Louvain-la-Neuve" , estime Nicolas Dassonville qui précise que les discussions sont actuellement en cours. " Universités, police, Ville de Bruxelles,… Tout le monde a la volonté de tout mettre en œuvre pour que les festivités aient lieu, oui," confirme-t-il. " Nous nous conformerons évidemment aux recommandations formulées. Mais d’autres grosses manifestations ont encore eu lieu dans la ville, depuis l’année passée. Il n’y a donc pas de raison que ce ne soit pas le cas de celle-ci. " Le maintien du rendez-vous semble donc bel et bien lié aux ressources et aux moyens d’instances partenaires prêtes à le soutenir.