Une loi pour encourager la sieste au travail?

Deux publicistes espagnols viennent de lancer le site "Napflix siesta video platform" pour réhabiliter la "siesta" qui a disparu. Et ils cartonnent ! Deux chercheurs français publient un article pour en rappeler les bienfaits au travail, où elle améliore la productivité des employés. A l’heure où seules quelques entreprises prévoient déjà quelque chose, ils évoquent l’idée de légiférer pour permettre les petits sommes partout. Ripostes.

Camille de Marcilly, Baptiste Erpicum et Monique Baus
Man taking a nap in office. Model Release : Available Property Release : Not applicable Stock Collection : Hehkuva Original Ref. : 5861772 © Lehtikuva / Reporters
Man taking a nap in office. Model Release : Available Property Release : Not applicable Stock Collection : Hehkuva Original Ref. : 5861772 © Lehtikuva / Reporters ©Lehtikuva / Reporters

Deux publicistes espagnols viennent de lancer le site "Napflix siesta video platform" pour réhabiliter la "siesta" qui a disparu. Et ils cartonnent ! Deux chercheurs français publient un article pour rappeler les bienfaits de la sieste au travail, où elle améliore la productivité des employés. A l’heure où seules quelques entreprises prévoient déjà quelque chose, ils évoquent l’idée de légiférer pour permettre les petits sommes partout.

Une loi pour encourager la sieste au travail ? Ce projet ne se retrouve aucunement dans l’agenda politique du ministre de l’Emploi Kris Peeters, nous apprend son attaché de presse. “Rendre la sieste obligatoire comme dans les écoles maternelles n’a aucun sens et serait très mal perçu, tant par les travailleurs que par les directions” , renchérit Olivier Willocx, administrateur délégué de Beci (Chambre de commerce et union des entreprises de Bruxelles).

Pourtant, si la sieste comble un besoin physiologique, elle permet aussi d’améliorer la productivité des travailleurs, avancent Guillaume Ferrante et Alexandre Lavissière, professeurs à l’école de management de Normandie. “Le principe est simple : plus un employé est heureux au travail, plus il est productif” , explique Alexandre Lavissière. “DRH, dirigeants, si vous souhaitez améliorer la performance de votre organisation, cherchez donc à améliorer la satisfaction de vos collaborateurs” , écrivent-ils, à quatre mains, dans une tribune publiée sur le site “The Conversation”.

Leur point de vue s’appuie sur les expériences d’Elton Mayo, prouvant dès les années 30 que les éléments d’ordre affectif et émotionnel sont aussi importants pour la productivité que les éléments d’ordre matériel. “Tous les salariés sont sensibles à l’attention qu’on leur porte” , commente Guillaume Ferrante. “Néanmoins, une attention orientée sur le contrôle générera des comportements négatifs alors que la bienveillance aura des effets bénéfiques.”

Salle de sieste ou banquette arrière ? Grâce à un temps de repos de vingt minutes maximum, la concentration et l’efficacité au travail seraient augmentées. Les spécialistes du management invitent les dirigeants à créer des espaces relaxants dans les entreprises pour mettre en place ces bonnes pratiques. Nike, Google ou British Airways proposent déjà à leurs salariés ce temps de repos, mais dans la majorité des entreprises, à défaut d’une salle de sieste, les travailleurs se replient sur des solutions inconfortables, de la banquette arrière de leur voiture stationnée au sous-sol, au lit spartiate de l’infirmerie, quand d’autres piquent du nez sur leur clavier ou s’appuient contre le mur des toilettes. Sur Internet, les pages pour siester en toute discrétion pullulent.

“On a un a priori négatif sur la sieste alors que ce serait une bonne chose pour les entreprises , explique Alexandre Lavissière. On sait que des grands dirigeants ou des politiciens dorment peu la nuit mais font une ou deux siestes de 10 à 20 minutes. Pourquoi pas les employés ? Prendre un café juste avant de dormir permet d’avoir la pêche au réveil !”

La sieste, atout pour l’entreprise Si l’argument principal pour faire l’éloge de la sieste devrait être celui du bien-être, c’est pourtant bien celui de la rentabilité qui pourrait intéresser les responsables de ressources humaines. Au Japon, où la sieste est obligatoire, les patrons n’ont pas instauré ce temps de repos dans un grand élan humaniste, mais parce qu’ils ont compris que cette concession leur permettrait par ailleurs d’exploiter leurs employés 80 heures par semaine. Peu de salles de repos avec des lits sont aménagées, mais toute une gamme d’accessoires allant de coussins autruche enveloppant entièrement la tête au petit hamac pour reposer ses pieds sous le bureau en passant par le casque antibruit sont commercialisés.

Pour Alexandre Lavissière, en Belgique, en Angleterre, en France… les chefs se retrouvent en outre face à une situation inédite. Les jeunes en quête de sens recherchent “un épanouissement dans le travail” . A l’entreprise de leur proposer un environnement de travail confortable et attrayant. “Pour attirer les bons éléments, les dirigeants doivent mettre des atouts en avant” , insiste le professionnel en management. “La sieste est un excellent outil pour améliorer la productivité. Elle est aussi bénéfique pour l’employé que pour l’entreprise.”

La sieste n’est pas un crime Nous avons reçu plus de cent réponses suite à notre appel à témoignages sur le site Lalibre.be. Si certains d’entre vous souhaitent que le gouvernement légifère pour encourager la sieste au travail, d’autres privilégient un changement des mentalités afin qu’on ne considère plus un petit somme comme un grand crime. Mais, en général, vous semblez tous enclins à piquer du nez quelques minutes. Quitte à vous planquer de votre boss... dans votre voiture ou dans les toilettes du bureau !

3 Questions au Dr Albert Lachman, spécialiste du sommeil aux Cliniques de l'Europe à Uccle

Est-ce conseillé de faire une sieste au travail ?

Pour répondre à cette question, il faut distinguer les gens qui dorment bien la nuit et ceux qui souffrent de trouble du sommeil. Pour les premiers, un petit somme l’après-midi peut se révéler très profitable. Sachant qu’aujourd’hui, on a tendance à rogner sur notre temps de sommeil pour prolonger nos activités sociales, professionnelles ou autres, cela permet notamment de combler notre dette de sommeil. Pour les seconds, en revanche, la sieste n’est pas recommandée parce que cela risquerait d’encore aggraver leur problème d’insomnie.

Combien de temps dure la sieste idéale ?

Entre 15 et 20 minutes. Il s’agit de siestes courtes, rafraîchissantes, qui ont aussi pour avantage de séparer la journée en deux parties. Ce qui permet de retrouver sa concentration et son attention. Au contraire, après de longues siestes, de l’ordre d’une heure ou une heure et demie, on se sent vaseux, parce qu’on a atteint un stade de sommeil profond.

Peut-on dormir n’importe où ?

Dormir sur le coin de son bureau, assis, cela vous donne l’impression de "voler" du sommeil. Il vaudrait mieux profiter d’une salle aménagée dédiée au repos, avec des lits, sans lumière et sans bruit.

Qu'en pensez-vous? Voici un échantillon des réponses partagées sur Lalibre.be

Luc, 58 ans: Oui

“Il faudrait légiférer car dormir sur son lieu de travail est une faute. Je sais que vingt minutes de sieste me remettraient en pleine forme, mais c’est impossible actuellement.”

Céline, 25 ans: Oui

“Ce serait bien de tester, puis de légiférer si cela s’avère efficace, mais en tout cas de donner ce droit à tous. Personnellement, la sieste me permet de recharger les batteries. Il vaut mieux fermer les yeux 30 minutes que lutter une heure et perdre du temps ! Au travail, je ne le peux pas. Je travaille dans un open space. Je me contente donc d’aller prendre un café.”

Marie, 28 ans: Oui

“La sieste devrait s’inscrire dans la loi du 4 août 1996 relative au bien-être des travailleurs. Il pourrait s’agir d’un droit à vingt minutes de repos qui s’inscrirait dans la pause midi. Personnellement, je me contente de fermer les yeux quelques minutes aux toilettes car il n’est pas question de faire de sieste dans mon entreprise. C’est une pratique courante au Japon et pourtant, les Japonais sont des bosseurs convaincus…”

Frédéric, 38 ans: Oui

“Avec deux enfants en bas âge, il me manque régulièrement quelques heures de repos cumulées sur une semaine. Je ne pense pas que mon employeur apprécierait de me voir dormir au boulot donc il pourrait être utile de le prévoir par règlement.”

Olivier, 39 ans: Oui

“Siester permet de mieux travailler ensuite, plutôt que de travailler fatigué. Il faudrait le réglementer. Comment je fais aujourd’hui ? Je ferme les yeux, les cache avec mes mains et fais semblant de lire un long texte sur mon bureau… !”

Arnaud, 30 ans: Oui

“Tous les employés et même patrons ont les mêmes besoins. Si cela se généralisait, cela permettrait même un moment de détente entre collègues. Je suis un adepte mais je n’y suis pas autorisé. Devant le poste, je pique donc du nez. En réunion, pareil car la concentration est exigée.”

Morgane, 27 ans: Non

“Pourquoi légiférer ? C’est plutôt une question de pratique. Ce n’est pas en légiférant toujours qu’on apporte des améliorations. Quand je fais une sieste, je suis plus productive l’après-midi. Mon patron approuve. Je trouve juste dommage qu’il n’y ait pas d’endroit prévu pour ça dans l’entreprise.”

Grégory, 39 ans: Non

“Pas de législation, non. La sieste la mieux acceptée et vécue sera celle mise en place collectivement. Dans mon entreprise, il n’y a rien d’interdit ni d’encouragé. C’est l’indifférence totale sur ce sujet. Pour ma part, cinq ou dix minutes de repos suffisent largement à gérer mon coup de pompe de milieu de journée.”

Edith, 29 ans: Non

“Peut-être pas légiférer mais, en tout cas, communiquer plus autour du sujet. Une courte sieste permet de repartir en forme en cas de coup de mou. C’est impossible chez nous, il n’y a même pas de local pour prendre les repas, alors… Nous travaillons la porte ouverte : la fermer mettrait la puce à l’oreille.”

Fred, 47 ans: Non

“Le temps de repos existe déjà et il existe toujours les toilettes, votre voiture au parking ou une salle de réunion vide…”

Laurence, 40 ans: Non

“Les lois, c’est trop rigide. Un code du travail, c’est mieux. Quand c’est impératif, je me laisse aller à un microsommeil sur ma chaise, les yeux fermés et accoudée, et je me laisse partir (une ou deux secondes), deux ou trois fois.”

Pierre, 36 ans: Non

“Une petite sieste permet d’évacuer rapidement la pression. Mon employeur n’a rien contre mais aucun espace n’est pour autant prévu à cet effet. Cela dit, pourquoi ajouter des règles ? Chacun a déjà la liberté de faire sa sieste pendant sa pause de midi, non ?”


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