Des vaches qui posent question: pour ou contre l'expérimentation animale?
L’association Animaux en péril dénonce la technique des vaches à canule (hublot). La faculté Agro-Bio Tech de Gembloux qui l'utilise explique l’objectif : diminuer la production de gaz à effet de serre. Jusqu’à quel point ce genre de pratique reste-t-il vraiment nécessaire ? Ripostes
Publié le 28-10-2016 à 17h43 - Mis à jour le 28-10-2016 à 17h44
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L’association Animaux en péril dénonce la technique des vaches à canule (hublot). La faculté Agro-Bio Tech de Gembloux qui l'utilise explique l’objectif : diminuer la production de gaz à effet de serre. Jusqu’à quel point ce genre de pratique reste-t-il vraiment nécessaire ?
Contre l'expérimentation animale
Jean-Marc Montegnies, président de l'association Animaux en péril.
" Il n’est pas acceptable de sacrifier des individus pour en sauver d’autres. Et c’est encore pire de pratiquer l’expérimentation animale dans le seul but d’améliorer la production ! Si on veut diminuer le méthane rejeté par les vaches et, par là, la production de gaz à effet de serre, changeons plutôt nos modes d’alimentation. D’autant qu’il est impossible que cette technique soit indolore. "
"Beaucoup l’ignorent, mais l’expérimentation animale existe aussi dans la recherche agronomique." Ainsi débute le texte que vous avez publié sur votre page Facebook pour dénoncer la technique des vaches à hublot. Pourquoi maintenant ?
Cette technique n’est pas nouvelle. mais nous ne savions pas qu’elle se pratiquait aussi en Belgique. C’est une passante qui nous a alertés en nous envoyant plusieurs photos prises au centre de recherche de la faculté Agro-Bio Tech de Gembloux.
Vous expliquez, toujours sur votre page, que le principe est de créer un orifice dans le flanc de l’animal et d’y intégrer une importante fistule afin d’accéder directement à son système digestif pour y mener différentes expérimentations. Les chercheurs affirment que c’est indolore. Et vous ?
De quoi parle-t-on ? On fait un trou dans le flanc de l’animal pour y insérer une fistule. Le rumen (le pré-estomac de la vache dans lequel s’effectuent une partie de la digestion ainsi que la fermentation, les deux choses à étudier) est percé aussi ainsi que son enveloppe. Cette dernière est recousue sur la peau de l’animal de façon à pouvoir, quand on ouvre le fameux hublot, y passer un bras entier. Allez voir les vidéos : c’est effrayant ! Même si le placement du hublot se fait sous anesthésie locale, il est évident qu’au réveil, il doit au minimum y avoir des douleurs postopératoires. Les vétérinaires qui pratiquent l’opération le reconnaissent d’ailleurs.
Mais cette recherche n’est-elle pas nécessaire ?
Déjà, d’un point de vue moral et éthique, nous sommes contre toute forme d’expérimentation animale. Nous estimons que la vie d’un animal n’est pas moins importante que la vie d’un être humain. Il n’est pas acceptable de sacrifier des individus pour en sauver d’autres. Et c’est encore pire de pratiquer l’expérimentation animale dans la production agricole que dans la recherche médicale. Ici, le seul but de l’université de Gembloux est de développer des méthodes qui vont améliorer la production, dans l’agriculture et dans l’élevage. Ces expériences ne sont motivées que par un seul but : le rendement. Et le rendement, c’est l’argent. Nous ne sommes même pas ici dans la recherche pour le bien-être de l’homme.
L’université avance un argument écologique. L’idée est de travailler sur l’alimentation et la digestion des vaches pour diminuer la production de gaz à effet de serre, non ?
En affirmant que le but est de diminuer la production de gaz à effet de serre, elle essaie de récupérer l’affaire en avançant un label écologique. C’est du greenwashing, elle veut se donner une image écoresponsable pour que ça passe mieux. Mais c’est hors de propos. Les vaches à hublot existent depuis plusieurs dizaines d’années et, avant de parler de réduire la production de gaz à effet de serre par les bovins, l’unique objectif était d’assurer de meilleurs rendements. De toute façon, il est clair pour nous que, si on veut vraiment diminuer la production de méthane par les vaches, il serait préférable de changer nos modes de consommation en éduquant la population à manger moins de viande. A long terme, on ne peut pas viser à continuer à nourrir de plus en plus de milliards d’êtres humains avec de plus en plus d’animaux, surtout en menant des expériences sur eux pour qu’ils polluent moins !
Qu’est-ce qui va se passer maintenant ? De quels moyens disposez-vous pour agir ?
Qu’il s’agisse de la problématique des vaches à hublot ou de tout autre type d’expérimentation animale, notre rôle est d’informer et de faire réagir la population. Soyons clairs : pas question d’inciter à l’agressivité, à la menace ou à l’insulte. Ce n’est pas du tout le style de notre association et, surtout, ce serait totalement inefficace. Avec politesse, il faut exprimer sa désapprobation au nom de principes éthiques. Plus il y aura de personnes qui réagiront, plus cela pourra être pris en considération par l’université de Gembloux mais, surtout, par les représentants politiques qui ont la main pour établir les réglementations, en particulier les ministres de la Santé publique, de la Politique scientifique et du Bien-être animal. A long terme, notre vocation, le but de notre association, c’est de changer le regard des gens sur la condition animale et, en particulier, sur les animaux de ferme.
Pour l'expérimentation animale
Guy De Vroey, président du Belgian Council for Laboratory Animal Science.
" Les recherches menées sur des cellules se développent mais l’expérimentation animale est incontournable et nécessaire. Les expériences scientifiques sont très réglementées et surveillées par une commission d’éthique et des experts en bien-être. Toutes les actions sont menées pour que les animaux ne souffrent pas ."
Pourquoi mène-t-on des expériences sur des animaux ?
Lorsqu’on veut développer un médicament, par exemple, les scientifiques cherchent à guérir la maladie sans dommages. Pour tester cela, nous devons utiliser les organismes vivants les plus proches de l’homme puisque les expérimentations humaines sont bien sûr interdites. Ce sont donc les animaux.
Existe-t-il des alternatives ?
Oui, on fait de plus en plus de tests in vitro, sur des cellules et en utilisant des banques de données informatiques. Cela permet de récolter de nombreuses informations mais il faut tester avec des animaux en fin de processus parce qu’il faut souvent tout un chemin pour mettre en contact la substance avec la cellule. Par exemple pour un médicament ingéré, il devra traverser le système digestif avant d’être transporté par le sang jusqu’aux cellules concernées. Ce processus ne peut être évalué qu’avec l’expérimentation sur des animaux. Il est absolument non éthique de donner un médicament à un être humain seulement après des expérimentations sur des cellules. Tout cela est écrit dans la loi.
Comment faire pour que l’expérimentation animale se fasse dans les meilleures conditions possibles ?
Il faut très bien connaître la physiologie des espèces. Le fonctionnement, pour ce que l’on teste, doit être identique à celui de l’homme. Il faut aussi traiter l’animal avec respect pour qu’il ait le moins d’inconfort possible. Par exemple, pour un chien, si on lui fait une prise de sang en le mettant sur une table, il sera stressé, c’est normal. En revanche, si on l’habitue à jouer sur la table, le caresse et l’habitue à donner la patte, il vivra bien la prise de sang.
Quel est le cadre légal ?
Le scientifique qui désire mener une recherche doit d’abord décrire précisément tout ce qu’il compte faire, les résultats escomptés et le nombre d’animaux. Il est impossible de faire un test sur un seul animal à cause des variations. Il y a des traitements qui fonctionnent sur une personne et pas sur une autre. La proposition d’étude est soumise à une commission d’éthique composée d’un vétérinaire, de spécialistes du comportement animal et des techniques employées, d’un statisticien… La proposition de recherche est évaluée et la commission délivre un avis. L’expérience doit être menée au sein d’un institut de recherche qui a l’autorisation de mener des expériences sur les animaux. De plus, il existe une cellule du bien-être animal composée d’experts habilités à surveiller les conditions de vie des animaux.
Dans le cas des vaches à canules, il s’agit d’une recherche avec des objectifs principalement environnementaux, pas médicaux. Les chercheurs de l’Université de Liège ont suivi la même procédure ?
Oui les chercheurs ont obligatoirement suivi cette procédure. Il doit aussi y avoir des experts de la cellule de bien-être et un vétérinaire qui surveille les vaches. L’université de Liège est une institution de recherche bio-médicale agréée.
Les associations de protection des animaux attaquent fréquemment les institutions qui mènent des expérimentations sur les animaux. Les accusations sont-elles fondées ?
Pendant trop d’années, les scientifiques n’expliquaient pas pourquoi et comment ils menaient ces recherches. Ces derniers temps, entre autres, l’Université de Louvain ou de Gand ont organisé des débats et font des efforts de communication parce que plus ils expliquent, mieux on comprend la nécessité de l’expérimentation animale. Sinon, il n’y a que les messages des activistes qui portent souvent des accusations non fondées.
Avec 24 autres organisations et institutions, vous avez signé une déclaration pour soutenir la recherche animale . Pourquoi ?
Aujourd’hui, on ne peut toujours pas faire autrement qu’utiliser des animaux. Dans cette déclaration, les 24 institutions signataires, dont l’Université de Liège, s’engagent et confirment qu’elles suivent toutes les règles, qu’elles utilisent un minimum d’animaux et veillent à leur bien-être. Chaque personne impliquée dans la recherche avec des animaux est consciente de sa responsabilité et met tout en œuvre pour qu’ils ne souffrent pas.