Comme le Premier, peut-on retourner en Tunisie?
Publié le 07-12-2016 à 11h59 - Mis à jour le 08-12-2016 à 11h53
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Charles Michel s’est rendu en Tunisie, terre touristique, pour favoriser le redressement économique et la stabilité. Nos Affaires étrangères déconseillent toujours de s’y rendre en voyage. Touristes, travail et espoir: n’est-ce pas ça, le meilleur rempart contre le radicalisme? Ripostes.
NON - Michael Mareel, porte-parole adjoint des Affaires étrangères
Tout voyage non essentiel vers la Tunisie reste déconseillé en raison de la persistance d’un niveau élevé de menace terroriste. A ce stade-ci, nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour justifier un changement positif.
Comment se prend la décision de déconseiller tout voyage vers un pays ?
C’est tout un processus de décision. Pour émettre les avis de voyage, il y a une évaluation constante de la situation dans un pays. Ce travail est réalisé sur le terrain par notre ambassade qui a tout un réseau d’informations, à commencer par d’autres ambassades européennes ou des entreprises. Bref, l’ambassade utilise tout son réseau pour récolter un maximum de données afin de se faire une idée très claire de la situation. Dès qu’un élément nous prouve qu’une situation a fondamentalement changé quelque part, nous modifions notre avis de voyage. Cet élément est communiqué à notre centre de crise dans un rapport de l’ambassade qui doit formuler une proposition concrète au ministère des Affaires étrangères. Nous avons un responsable spécialisé par pays. Celui-ci est ensuite consulté, ainsi que les institutions de sécurité belges. Une fois tous ces avis récoltés, on décide si on change ou non notre recommandation.
Y a-t-il une concertation avec d’autres pays afin que l’attitude générale soit homogène ?
Au moment du constat dressé par l’ambassade, les collègues d’autres ambassades sont consultés. Par ailleurs, nous regardons évidemment ce que font les autres, surtout nos pays voisins. Ensuite, je dois insister sur le fait que la décision d’un changement éventuel d’avis de voyage est prise individuellement.
Concernant la Tunisie en particulier, vous continuez à déconseiller tout voyage non essentiel, en raison de la persistance d’un niveau élevé de menace terroriste. Quel style d’information faut-il pour adoucir cet avis ?
Je ne peux pas vous dire très concrètement de quel signe il pourrait s’agir. C’est plutôt une évaluation globale qui tient compte de différents avis concernant la sécurité sur place. Ce que je peux vous affirmer avec certitude, c’est qu’à ce stade-ci, nous ne disposons pas d’assez d’éléments pour justifier un changement positif pour le cas de la Tunisie.
Qu’est-ce qu’un "voyage non essentiel" comme mentionné dans votre avis ?
C’est avant tout le voyage touristique puis, par extension, tout voyage qui n’est pas vraiment nécessaire. Un voyage d’affaires, par exemple, peut être essentiel ou pas. Il faut se poser la question.
La France déconseille certaines zones de Tunisie. La Belgique, elle, déconseille tout le pays. Cela peut sembler étrange, vu une situation donnée quelque part (la même pour tout le monde), que les avis de voyage publiés dans chacun des pays soient parfois si différents…
C’est parce que le domaine dans lequel nous travaillons n’est pas une science exacte. Les analyses réalisées dans chaque pays ne peuvent pas être toutes semblables. Nous en tout cas, notre premier but, pire : la seule chose qui compte vraiment pour nous, c’est la sécurité de nos concitoyens à l’étranger.
Des pressions de la part de tel ou tel lobby ou autres arguments économiques ne rentrent jamais en ligne de compte ?
Nous savons qu’il y a eu des critiques de la part d’agences de voyage qui fonctionnent avec la Tunisie. Mais je dois répéter que notre seule préoccupation est que la sécurité de ceux qui se rendent sur place soit assurée. Vous pensez bien que nous ne pouvons pas tenir compte des autres arguments.
Dans quelle mesure les gens suivent-ils vos avis ?
C’est difficile d’avoir un retour mais nous avons l’impression que les gens suivent quand même nos avis. Je dois également insister sur le fait que notre recommandation est un avis, pas une loi. Donc les gens font ce qu’ils veulent.
Précisément, notre Premier ministre, Charles Michel était en mission là-bas lundi et mardi avec ses confrères des Pays-Bas et du Luxembourg, dans le cadre d’une "mission Benelux consacrée à l’économie, l’antiterrorisme et le rapatriement de criminels". Du coup, on a du mal à comprendre pourquoi les touristes, eux, sont incités à ignorer ce pays…
Les voyages officiels sont bien encadrés, j’imagine que c’est le cas de celui-ci aussi.
OUI - Asma Chelly, Office national du tourisme tunisien à Bruxelles
Comme Charles Michel, venez aussi en Tunisie. Ce pays n’est pas plus dangereux que la Belgique, la France ou la Turquie et on y vit en sécurité et paisiblement. Aujourd’hui, le risque d’attentats existe partout.
L’état d’urgence a été prorogé sur l’ensemble du territoire tunisien jusqu’au 17 janvier 2017. Concrètement, ça veut dire quoi ?
C’est comme la Belgique qui est depuis longtemps au niveau 3 - dit "grave" - de la menace terroriste. Pourtant, la vie continue à Bruxelles, les gens circulent et les touristes viennent. De même, l’état d’urgence en Tunisie a été décrété en 2015 mais, depuis, rien ne s’est passé. On y vit normalement, sans danger. Seuls les contrôles policiers et de sécurité ont été accentués, comme en Belgique d’ailleurs.
En raison du risque terroriste, le ministère belge des Affaires étrangères déconseille les voyages touristiques en Tunisie. Vous approuvez ?
Non. Cette restriction bloque l’arrivée des Belges en Tunisie. On ne comprend pas la position du ministère belge des Affaires étrangères. Cet avis est exagéré par rapport à la réalité. Il a été publié en juin 2015 à la suite d’un attentat à Sousse. Depuis, la situation en Tunisie est calme et sécurisée. Aujourd’hui, les touristes sont bienvenus et attendus. Et quand ils viennent, ils peuvent tout faire : sortir, se balader, visiter… Sur place, on ne ressent aucune d’interdiction. Cet avis crée une frustration auprès des touristes belges intéressés. Beaucoup souhaitent partir mais trouvent difficilement des moyens de transport.
Que dites-vous aux Belges impressionnés par cet avis alors que leur Premier ministre voyage en Tunisie ?
Venez aussi en Tunisie, vous découvrirez un autre pays paisible, sécurisé et bien vivant, loin des images caricaturales de certains médias. Faites-vous votre propre opinion. N’ayez pas peur. La Tunisie n’est pas plus dangereuse que la Belgique, la France ou la Turquie. Le risque d’attentats existe partout et le risque zéro n’existera plus jamais. Les mesures de sécurité les plus drastiques ont été prises partout et surtout dans les aéroports, hôtels et lieux touristiques.
Vu la déprogrammation de la Tunisie par les tours-opérateurs de masse que sont Thomas Cook et TUI (ex-Jetair), que peut faire un touriste belge désireux de suivre l’exemple de Charles Michel ?
Partir avec Expairtours ou Your Travel qui programment la Tunisie via des vols sur TunisAir depuis Lille ou Luxembourg. Ils peuvent aussi partir sans package, prendre uniquement le vol avec TunisAir et choisir un hôtel, indépendamment.
Que représente le tourisme en Tunisie ?
C’est la colonne vertébrale de notre économie. Le tourisme représente 7 % du PIB. Plus de 480 000 emplois dépendent directement ou indirectement de ce secteur, soit 12 % de la population active. Malheureusement, il faut parler à l’imparfait. La baisse du tourisme est dramatique, vous comprenez donc l’importance du retour des touristes et l’impact négatif de cet avis. Nous espérons que la venue du Premier ministre belge en Tunisie amène le ministère belge des Affaires étrangères à changer d’avis.