Faut-il obligatoirement apprendre "La Brabançonne" à l'école ?
- Publié le 28-06-2018 à 09h38
- Mis à jour le 18-03-2022 à 10h35
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La ferveur autour des performances des Diables Rouges en ce début de mondial de football fait revenir "La Brabançonne" sur le devant de la scène, notamment à l’école. Est-il vraiment important de connaître par cœur l’hymne national ?
Oui pour Richard Abbenbroeck, directeur maternelle et primaire, institut Notre-Dame à Charleroi
"La Brabançonne" est un symbole, et un rappel des valeurs de la Belgique. C’est aussi un vecteur d’unité, notamment lors d’événements officiels. La ferveur qui entoure la Coupe du monde de football participe également à son apprentissage.
"La Brabançonne" est-elle apprise par les enfants dans votre école ?
Oui, et elle est chantée pour clôturer la proclamation.
Cet apprentissage se fait-il tout au long de l’année ?
Pas forcément tout au long de l’année. C’est au niveau du programme que nous nous devons de l’avoir. Elle est apprise à un moment donné, suivant les thématiques qui sont vues en classe, puis revue une fois que les examens sont terminés afin d’être chantée lors de la proclamation.
En quoi est-ce important de connaître "La Brabançonne" à l’école ?
Selon moi, c’est le symbole d’un pays. Ce n’est pas matériel, mais hors contexte mondial, nous avons pris cette habitude-là en fin de sixième car c’est un événement où les enfants reçoivent leur diplôme, et comme cela leur ouvre les portes de pas mal de choses, nous avons pris ce pli-là afin de rendre encore plus officiel le chant "officiel" par excellence. Cela a une importance, y compris pour les enfants qui sont d’origine étrangère. Il y a une multicuralité bien présente à l’école, et les enfants la chantent sans aucun souci.
Est-ce qu’il y a un effet Mondial de football qui donne un coup de boost pour apprendre l’hymne national ?
Pendant le Mondial, c’est quelque chose de particulier : il y a vraiment une ferveur à ce niveau-là. Déjà, par rapport aux enfants, certains la connaissent déjà. Cela est peut-être dû au fait que pour un match, "La Brabançonne" avait déjà été sous-titrée… donc ils ont déjà des connaissances par rapport à ça. Ensuite, l’effet Coupe du monde se ressent d’autant plus chez nous que la proclamation a lieu au moment de Belgique - Angleterre (NdlR : la rencontre a lieu ce soir - lire pp. 36-39) et donc, on a dû un peu la décaler. Nous avions pensé diffuser la rencontre en même temps, mais techniquement c’était impossible. C’est un autre effet de la Coupe du monde : les parents ont demandé à ce que la proclamation "ne traîne pas trop".
Quels autres symboles - autres que "La Brabançonne - sont-ils selon vous vecteurs d’harmonie et d’unité au sein de l’école ?
Cela dépend où on se situe au niveau des années, mais il est vrai qu’à partir de la quatrième primaire et au moment de la Fancy Fair, il y a des chants communs qui sont faits pour stimuler l’unité entre les élèves. Et puis, au niveau culturel, il y a des visites de commémoration pour souder les classes. Dernièrement, des élèves sont allés visiter un monument historique concernant la fin de la Première Guerre mondiale. Nous essayons de marquer ainsi tous les événements qui racontent l’histoire de la Belgique; il s’agit de faire prendre conscience aux enfants que la Belgique n’est pas qu’un pays : il y a des valeurs derrière tout cela. Nous sommes une école relativement traditionnelle, où les portraits des souverains sont affichés dans tous les bâtiments : on a le souci que les symboles du pays soient représentés.
Quel rapport entretenez-vous avec les parents d’élèves sur la question des symboles, notamment sur l’apprentissage de "La Brabançonne" par exemple ?
Pendant l’année, il leur semble tout à fait normal que l’hymne soit appris. Il n’y a pas de problème par rapport à ça. Mais au moment où on concrétise cela et qu’ils les voient chanter la Brabançonne, les parents sont toujours un peu surpris.
Pourquoi ?
Parce qu’ils ne voient pas tout le processus d’apprentissage, et qu’au moment où cela se déroule, dans le forum où la proclamation a lieu, c’est toujours un moment particulier : tout le monde se lève, ceux qui connaissent les paroles chantent l’hymne national, les autres observent cela respectueusement. Au départ, on prend cela avec le sourire, en se disant "tiens, c’est peut-être un peu désuet", mais une fois qu’on y est cela prend vraiment tout son sens.
Entretien : Clément Boileau
Non pour Frédéric Mattelaer, instituteur en 5e primaire à l’école du Bonheur, Woluwe-Saint-Lambert
L’apprentissage de "La Brabançonne" ne fait pas partie des traditions de l’école du Bonheur. L’organiser serait trop compliqué. Il faudrait selon moi faire appel à un professeur de chant. Les symboles nationaux sont toutefois présents au sein de l’école.
"La Brabançonne" est-elle enseignée aux élèves de votre école ?
Non. Nous n’apprenons pas "La Brabançonne" à l’école du Bonheur. Cela n’a jamais fait partie des traditions de l’établissement. J’y travaille maintenant depuis une trentaine d’années et je n’ai jamais pu constater qu’on apprenait l’hymne national dans quelque classe que ce soit. Je pense que le frein principal à cet apprentissage est le fait de chanter, tout simplement. Le chant est pratiqué en maternelle mais chez les grands, on n’a plus de cours de musique, ou alors, c’est extrêmement rare. Lorsqu’il y en a, c’est le professeur et sa classe qui se déplacent pour voir un opéra par exemple. Cela demanderait énormément d’organisation. Il faudrait selon moi faire venir un professeur de chant et organiser des ateliers pour exercer le rythme des élèves. Personnellement, la dernière fois que j’ai chanté "La Brabançonne", j’étais en primaire.
Apprendre l’hymne national et le chanter demanderait donc de mettre sur pied des moyens organisationnels trop importants ?
Oui, je pense. Ce n’est pas pour des raisons idéologiques mais c’est plutôt une question d’organisation.
Malgré le Mondial de football qui se déroule en ce moment, vos élèves ne demandent pas à l’apprendre ?
Non. Je n’ai jamais entendu de telles réclamations.
Quels symboles d’unité du pays sont présents au sein de votre école ?
Lorsque c’est la fête du Roi, la fête de la dynastie ou bien lorsqu’il y a un événement lié à la famille royale, des drapeaux belges sont hissés. On a également, dans les classes ainsi que dans le hall de l’entrée, les photos du couple royal qui sont affichées. Souvent, avec les classes de cinquième et de sixième primaire, nous allons visiter le palais royal. Ensuite, s’enclenche un travail de lecture et d’apprentissage. Les élèves étudient l’arbre généalogique de la famille royale et construisent en parallèle celui de leur propre famille. Cela permet de parler de son identité, tout en observant et en découvrant l’histoire nationale. L’histoire de la monarchie apparaît également en sixième primaire, à la fin de l’année. Elle fait donc partie de la culture de l’école mais pas "La Brabançonne".
Des directeurs d’école préfèrent ne pas l’enseigner car ils comptent des élèves de nationalités différentes au sein de leur établissement. Est-ce votre préoccupation également ?
Non. Ce qui fait surtout débat au sein de notre école, c’est la présence du père fouettard lors de la Saint-Nicolas. Cela fait beaucoup de remous. Pour tout ce qui concerne la famille royale, il n’y a pas de retours difficiles de la part des parents.
Cependant, il est vrai que l’évocation de l’histoire de Léopold II évolue au fil des années avec tout ce qui se dit sur l’ancien monarque. On ne le présente plus de la même manière en classe, c’est clair. Les professeurs prennent les choses avec recul. On attend d’ailleurs avec impatience l’ouverture du musée de l’Afrique centrale pour voir comment les historiens présentent cette idée.
Entretien : Louise Vanderkelen
Depuis 1830, une histoire d'adaptation
"Ô Belgique, ton invincible unité". "S'ils apprennent encore les paroles de l'hymne belge, 'La Brabançonne', les petits écoliers de Wallonie et de Flandre doivent gentiment sourire", notait le journaliste Jean-Pierre Stroobants dans le journal "Le Monde". C'était en 2006 et, déjà, le décalage entre les paroles de l'hymne national et les préoccupations du pays semblait pour le moins criant. Ce n'est pas faute d'avoir essayé de coller à l'ère du temps.
Composé un soir de septembre 1830 et originellement intitulé "La Bruxelloise" , l'hymne a changé trois fois de paroles jusqu'à sa version "finale" : une première mouture rendait en effet hommage au roi des Pays-Bas, bientôt suivie par deux autres versions contenant cette fois des attaques virulentes contre ce même Guillaume de Nassau, prince d'Orange.
Ce n'est qu'en 1860 que le jeune Premier ministre d'alors, Charles Rogier, fait réarranger et adoucir les paroles, de sorte que l'hymne soit plus fédérateur. C'est cette version qui est encore aujourd'hui chantée, en particulier la dernière strophe, la seule à être reconnue par le ministère de l'Intérieur comme l'hymne officiel de la Belgique.
Les paroles de "La Brabançonne"
O Belgique , ô mère, chérie / A toi nos cœurs, à toi nos bras ! / A toi notre sang, ô Patrie ! / Nous le jurons tous tu vivras !
Tu vivras toujours grande et belle / Et ton invincible unité / aura pour devise immortelle : / Le Roi, la Loi, la Liberté !
Le Roi, la Loi, la Liberté ! / Le Roi, la Loi, la Liberté ! / Le Roi, la Loi, la Liberté !