Si la Banque centrale européenne vous offrait 20 000 euros, qu’en feriez-vous ?

Le récent baromètre des investisseurs réalisé par ING présente la "monnaie hélicoptère" comme un moyen pour relancer l’économie. Cette politique monétaire consisterait, pour la Banque centrale européenne, à verser une somme à chaque ménage pour les inciter à consommer. La semaine dernière, ING a publié son baromètre des investisseurs. Il révèle que le concept de "monnaie hélicoptère", qui veut que la Banque centrale européenne (BCE) verse une certaine somme d’argent à chaque ménage européen, pourrait relancer l’économie par la demande en incitant les citoyens à consommer.

"Monnaie hélicoptère", quésako ?

Le concept de "monnaie hélicoptère" est une politique monétaire qui consiste, pour une banque centrale, à créer de la monnaie et à la distribuer directement aux ménages. On parle d’"hélicopère" car cela s’apparenterait à charger un hélicoptère de billets et à relâcher ceux-ci au-dessus des villes et villages pour que les citoyens les ramassent. Le concept a été popularisé à la fin des années 1960 par l’économiste américain Milton Friedman. L’idée ? Distribuer de l’argent aux citoyens pour mettre fin à un risque de spirale de baisse des prix. Cette somme serait réinjectée dans le circuit économique et viendrait gonfler la demande et relancer l’inflation.

Comment cet argent serait-il utilisé ?

Le baromètre réalisé par ING auprès de ses investisseurs révèle que, si la BCE devait verser 20 000 euros sur le compte de chaque ménage, 15 % des interrogés les mettraient intégralement de côté. 49 % en consacreraient moins de 30 % à des achats non courants. Seules 16 % des personnes interrogées en dépenseraient plus de la moitié. La monnaie hélicoptère non dépensée serait, en premier lieu, utilisée par les sondés pour investir (pour 53 % des personnes interrogées) ou pour être placée sur un compte épargne (42 %). Environ 20 % en feraient don à leurs enfants ou à leur famille et 15 % l’utiliseraient pour le remboursement de dettes.

Mais pourquoi avoir fixé un seuil à 20 000 euros par ménage ? Pour Philippe Ledent, senior economist chez ING, l’idée était avant tout de déterminer un montant suffisamment élevé pour susciter chez le consommateur l’envie de faire une dépense qu’il n’aurait jamais pu espérer faire. "Par exemple, isoler un toit. On sait que c’est un domaine où beaucoup de dépenses ne sont pas réalisées. Économiquement, c’est irrationnel. Vous pouvez toujours démontrer aux gens que, sur le long terme, ils vont réaliser des économies en isolant leur logement mais ils n’ont pas le montant suffisant pour le faire et ne veulent pas emprunter pour ces travaux."

Un outil qui peut être dangereux

Cet argent serait-il un cadeau tombé du ciel ? L’idée, bien qu’elle semble saugrenue, a été qualifiée d’"intéressante" par Mario Draghi, le président de la BCE et Peter Praet, l’économiste en chef.

Philippe Ledent met toutefois en garde. "Il ne faudrait pas s’en réjouir. Le concept de monnaie hélicoptère ne se conçoit qu’en cas de grave ralentissement économique et/ou de début de déflation. Pour donner un ordre d’idées, il faudrait qu’on connaisse aujourd’hui un choc similaire à celui de la crise financière de 2008 pour que ce genre de concept extrême soit justifié. Effectivement, la BCE a qualifié l’idée d’intéressante. Mais le mot ‘intéressant’ est à comprendre dans le sens académique du terme. Il ne s’agit pas de dire qu’il serait bienvenu de le mettre en place mais plutôt de se dire qu’il serait intéressant d’estimer quelle quantité de monnaie peut être mise en circulation et avoir une influence sur l’activité économique sans pour autant provoquer de l’hyperinflation", commente le spécialiste.

Un virement de 20 000 euros de la part de la BCE, ce n’est donc visiblement pas pour demain. Surtout que tous les pays de l’UE n’y seraient pas favorables. "Je pense notamment à l’Allemagne car elle souffre encore d’un traumatisme de la période de l’hyperinflation connue lors de la guerre et de l’avant-guerre. Les Allemands ont le culte de la monnaie forte. Ils refusent d’utiliser la monnaie hélicoptère comme instrument de relance économique car ce genre de subterfuge comporte quand même un risque très important. La monnaie hélicoptère ne doit être utilisée qu’une seule fois, en one shot . Si non, elle va très vite perdre de sa valeur. Pourquoi ? C ertes, plus d’argent va générer plus d’activités économiques. Mais les commerçants ne sont pas bêtes : ils vont commencer à augmenter leurs prix. L’inflation n’est rien d’autre que l’expression de la perte de valeur de la monnaie", détaille l’économiste.

Et vous, que feriez-vous si 20 000 euros se retrouvaient sur votre compte en banque ? Les dépenseriez-vous pour relancer l’économie ou les mettriez-vous de côté ? Nous avons posé la question sur lalibre.be (voir ci-contre).

Quelques-unes de vos réactions sur Lalibre.be

Pierre, 71 ans
Je les dépenserais

Je dépenserais la moitié de la somme en matériel informatique. Ensuite, j’utiliserais 5 000 euros pour régler les frais de maison de repos de ma mère. Pour la maison, j’utiliserais un millier d’euros en électroménager. Les 4 000 euros restants seraient consacrés à me faire plaisir : vêtements, livres, petites escapades, restaurants, etc.

Didier, 58 ans
Je les dépenserais

20 000 euros c’est beaucoup et pas grand-chose en même temps. J’investirais une partie en Bourse, en matière première ou alors je les injecterais dans une entreprise de proximité. C’est un montant trop faible pour envisager un investissement immobilier. Dans tous les cas, j’en ferais quelque chose, histoire de sauvegarder ce capital des 2 % d’inflation. Pour de nombreuses personnes, ces 20 000 euros seront un ballon d’oxygène… temporaire malheureusement.

Antoine, 54 ans
Je les dépenserais

Je pense que dans un premier temps, je garderais la moitié de cette somme sur mon compte d’épargne, mais pour combien de temps ? Je ne sais pas… Comme je suis au chômage avec 1 000 euros par mois, je n’ai que l’embarras du choix. Je m’achèterais sûrement un frigidaire et un nouvel ordinateur, des vêtements pour avoir l’air moins pauvre et une paire de lunettes. Il est même possible que j’aille jusqu’à m’offrir un petit voyage ; j’ai toujours rêvé d’aller à Rome…

Catherine, 53 ans
Je les dépenserais

Je donnerais cette somme à mes deux enfants pour les aider dans les courses de tous les jours, dans leurs études, pour l’achat d’éventuels vêtements et pour les assurances. S’il reste une petite somme, je partirais bien une semaine en vacances.

Michel, 72 ans
Je les dépenserais

J’aimerais améliorer mon habitat, l’isoler complètement et, s’il reste un surplus, ce dont je doute vu les coûts des services, j’utiliserais cette somme pour subvenir à d’éventuels problèmes de santé qui peuvent venir avec l’âge.

Claire, 87 ans
Je les dépenserais

Je partagerais tout cet argent avec ceux qui en ont plus besoin que moi. Ce serait un cadeau bien plus beau pour eux qu’il ne le serait pour moi.

Pierre, 40 ans
Je les mettrais de côté

J’achèterais de l’or avec cet argent, et je le placerais de côté. Car, selon moi, cette relance dévaluerait la monnaie. En France, le plan Mauroy de 1981 a été un échec. Je pense qu’en plus, si on venait à donner 20 000 euros à chaque ménage, ces derniers s’en serviraient pour acheter des biens chinois.

Guillaume, 27 ans
Je les mettrais de côté

J’investirais cette somme (la totalité du montant ou presque) afin de faire croître mon patrimoine. Je n’ai pas besoin de cette somme pour mes dépenses journalières. J’utiliserai peut-être une toute petite partie pour partir en vacances.