Faut-il imposer un permis B pour conduire une voiturette ?
Publié le 19-02-2019 à 10h12 - Mis à jour le 19-02-2019 à 11h43
Ce week-end, quatre adolescentes à bord d’une "voiture sans permis" ont été victimes d’un accident. Peut-on conduire ce véhicule tel un cyclomoteur ?
Oui selon Koen Van Wonterghem, aministrateur délégué de Parents d’enfants victimes de la route - Save ASBL

À partir du moment où une voiturette (qui peut ressembler à s’y tromper à une petite auto citadine classique) se déplace dans le trafic normal, les risques liés à la circulation sont les mêmes qu’avec une voiture standard. Un permis pour cyclomoteur n’est pas suffisant.
Suite au dramatique accident, dans la nuit de vendredi à samedi, impliquant quatre adolescentes qui roulaient dans une voiturette Aixam, certains professionnels demandent d’imposer un permis B pour pouvoir conduire ces "voitures sans permis" (qui nécessite toutefois un permis AM pour cyclomoteur de classe B). Qu’elle est votre point de vue ?
J’approuve entièrement. À partir du moment où une voiturette se déplace dans le trafic normal, parmi d’autres voitures, les risques liés à la circulation sont les mêmes qu’avec une voiture standard. C’est quand même logique, non ? Un permis pour cyclomoteur n’est en rien suffisant. Il faut que la formation de ces conducteurs soit similaire. Sinon, il y a quelque chose qui cloche.
Pas de différences de traitement donc, entre ces voiturettes et des autos classiques ?
Effectivement, puisqu’il s’agit de véhicules motorisés à quatre roues qui circulent sur les voies publiques. Mais la confusion vient aussi des constructeurs. Aujourd’hui, ils s’adressent moins au public des personnes âgées du début, mais veulent séduire davantage les jeunes dès 16 ans. Résultat : les carrosseries modernes, le nouveau design, les peintures branchées et les finitions réalisent des prouesses pour que les voiturettes ressemblent à s’y tromper à de petites autos citadines classiques. Vous comprendrez que ce peu de différences peut être source de danger. De l’extérieur, des conducteurs de voitures standards peuvent confondre. De l’intérieur aussi. Un senior peut éventuellement faire valoir une expérience de conduite antérieure, un jeune de 16-17 ans, pas. Il aura tendance à se croire dans une "vraie" auto, pas en train de conduire un cyclomoteur à quatre roues.
Que pensez-vous de ces voiturettes au niveau de la sécurité ?
Je suppose qu’à l’époque du lancement de ces véhicules, la décision de ne pas imposer un permis B pour les conducteurs a été motivée par leur faible vitesse de circulation (45 km/h max.). Mais c’est justement elle qui, en soi, représente un danger. La différence entre les vitesses développées est toujours un facteur de dangerosité, que ce soit entre les piétons et les cyclistes sur un trottoir partagé avec une piste cyclable, entre des cyclistes et des véhicules motorisés ou entre des voiturettes limitées à 45 km/h et des véhicules plus puissants. Il convient aussi de relever que la carrosserie et la structure très légères de ces véhicules accentuent la vulnérabilité de leurs occupants. Les utilisateurs ne sont guère protégés dans ces "boîtes d’allumettes". In fine, le risque apparaît bien plus important pour ses occupants que pour la sécurité routière en général.
Outre l’obligation d’un permis B pour ces voiturettes, que souhaiteriez-vous pour l’avenir ?
L’existence et la mise en circulation mêmes de ces voiturettes me posent question. En fait, j’y suis résolument opposé à cause du danger qu’elles représentent pour leur utilisateur. Maintenant, elles sont là. Mais vu la densité du trafic actuel, il faudrait limiter davantage leur usage. Pas d’autoroute et pas de routes express, bien sûr comme maintenant, mais aussi les interdire sur les autres voies publiques. L’exception serait qu’un jour - et c’est notre espoir - tous les centres-villes deviennent des zones 30 km/h. À ce moment, peut-être, ces voiturettes auraient leur place dans ces zones. Pour des petits déplacements, à petite vitesse, dans une mixité organisée de la mobilité et, sans grand différentiel de vitesse, source de tous les dangers.
Entretien : Thierry Boutte
Davantage d'accidents et de blessés en voiture sans permis en Wallonie
En octobre 2018, l’Agence wallonne pour la sécurité routière (AWSR) a analysé les accidents des voitures sans permis survenus les quatre dernières années. " La Wallonie est particulièrement concernée : elle compte plus d’accidents pour ce type de véhicules que les autres régions du pays. Entre 2014 et 2017, 182 personnes ont été blessées dans un sinistre impliquant une voiture sans permis, contre 119 en Flandre ", indiquait Belinda Demattia, porte-parole de l’AWSR, à nos confrères de La Dernière Heure . Selon la même étude, pour 1 000 accidents, on déplore en moyenne 21 tués dans une de ces voiturettes contre 18 dans une voiture classique. Dans une interview pour la DH , Eric Heymans, moniteur à l’auto-école européenne et ancien assureur automobile, déclarait : " Ces véhicules sont en partie dangereux parce qu’ils sont trop lents pour certaines routes. Comme ils sont limités à 45 km/h, la différence de vitesse avec les autres peut engendrer des accidents. De plus, comme il n’y a pas d’examen pratique, les conducteurs font moins attention aux angles morts ou réalisent des manœuvres sans visibilité suffisante ."
Non pour Benoît Godart, porte-parole de Vias, l’institut belge pour la sécurité routière

Il y a peu d’accidents impliquant les voitures sans permis. D’ailleurs, leur nom est trompeur car il faut détenir un permis théorique et avoir fait quatre heures de pratique pour les conduire. Ces voiturettes remplissent aussi un rôle social très important.
Faut-il imposer un permis pour conduire ces quadricycles à moteur ?
Non. Premièrement, il n’y a pas beaucoup d’accidents impliquant ces véhicules. Je sais que c’est toujours paradoxal de dire cela après un grave accident (NdlR : deux jeunes filles sont décédées samedi alors qu’elles se trouvaient dans une voiture sans permis) mais de manière générale, on en recense une trentaine par an. En 2017, qui est la dernière année disponible en matière de statistiques, il n’y a eu aucune victime, aucun tué. Je ne peux donc pas déduire, sur la base de ces chiffres, qu’il y a un gros problème de sécurité routière lié à la conduite de ces véhicules. Ensuite, il faut quand même un permis cyclo pour conduire ces engins, c’est-à-dire qu’il faut le permis théorique ainsi que quatre heures de formation pratique. Cela implique que pour conduire ces voitures sans permis vous devez forcément connaître les règles du code de la route. On parle donc de "voitures sans permis" mais ce n’est pas tout à fait correct.
Qui conduit ces véhicules ?
Ces voiturettes remplissent une fonction sociale très importante. C’est par exemple le cas pour une dame dont le mari qui a toujours conduit est décédé. Elle va donc se tourner vers ce genre de voiturette pour faire les trois kilomètres qui la séparent de son supermarché. Cela va lui permettre de garder une certaine vie sociale. Si, du jour au lendemain, on obligeait ces gens à passer un permis B, toutes ces personnes ne pourraient plus se tourner vers ces véhicules. Il y a des gens qui se tournent vers ces voiturettes car elles font très de peu de kilomètres, elles ont juste besoin d’un petit véhicule pour faire les courses de temps en temps. Ces véhicules leur permettent de rester à l’abri. Faire ses courses à vélo quand il neige ou quand il pleut n’est pas évident. Revenir avec un pack d’eau non plus.
Vous dites qu’il y a peu d’accidents. Mais lorsqu’il y en a, sont-ils graves ?
Le problème de ces voiturettes, c’est leur robustesse. Elles ne peuvent pas dépasser 425 kilos et donc, forcément, quand il y a un accident entre l’une de ces voiturettes et une "vraie" voiture, les victimes se trouvent toujours dans l’habitacle de la moins robuste. Elles ne font pas le poids, a fortiori contre un SUV d’une tonne et demie. Les accidents, quand il y en a, sont plus graves à cause de cela.
Si un individu se voit retirer son permis B car sa conduite est dangereuse, peut-il conduire ces voitures sans permis ?
Non. C’est une légende qui circule. Quand on est déchu du droit de conduire, cela concerne tous les véhicules à moteur, en ce compris ces voiturettes sans permis.
Est-ce que cela vous étonne qu’il n’y ait pas de contrôle technique requis pour ces voiturettes ?
Oui, c’est vrai que c’est étonnant mais en même temps, il n’y a pas de contrôle technique pour les cyclos ni les motos. Est-ce que cela réglerait certains problèmes ? Je ne pense pas. Quand accident il y a, c’est rarement l’état du véhicule qui pose problème. Encore une fois, c’est plutôt sa robustesse. On devrait peut-être davantage obliger les constructeurs à en créer de plus solides qui passeraient des crash-tests un peu plus poussés.
Malgré ces faiblesses, les voitures sans permis rencontrent un certain succès auprès des jeunes.
Il faut savoir que ces véhicules restent relativement coûteux. On parle de 10 000 à 15 000 euros pour certains modèles. Il faut conduire une de ces voiturettes pour se rendre compte qu’on n’est pas nécessairement en sécurité là-dedans. Il y a la robustesse du véhicule comme je l’ai expliqué mais il y a aussi l’irritation des autres conducteurs qui ne peuvent pas vous dépasser comme ils dépassent un cyclo ou un vélo. Ils sont agacés, vous frôlent ou vous font des queues-de-poisson. Je ne recommanderais donc pas ces voiturettes à un jeune de 16 ans.
Entretien : Louise Vanderkelen
Voitures "sans permis"... ou presque
Les voiturettes sans permis, dont la vitesse ne peut dépasser les 45 km/h, sont assimilées à des quadricycles légers motorisés. Le conducteur doit être âgé de plus de 16 ans (18 ans si l’on transporte un passager) et détenir un permis de conduire de type AM (permis pour cyclomoteur). Les conducteurs nés avant le 14 février 1961 sont quant à eux totalement dispensés de permis. Depuis le 10 décembre 2016, tous les quadricycles légers motorisés doivent être immatriculés.