La cuisine française est-elle la meilleure du monde ?

Les coqs au vin, pots-au-feu, quiches lorraines, cassoulets, escargots, galettes bretonnes, tartiflettes, ratatouilles, foies gras, bouillabaisses ou encore crèmes brûlées sont dès lors habituellement dégustés au cours d’interminables repas, presque cérémoniaux. Les Français sont d’ailleurs les champions du monde du temps passé à table, avec plus de deux heures en moyenne par jour.

L’avènement des restaurants

La cuisine française serait donc la meilleure au monde… Vraiment ? C’est la question que pose implicitement l’historien Antoine de Baecque dans son nouveau livre La France gastronome : comment le restaurant est entré dans notre histoire. Outre la crème de la crème, ses cuisiniers étoilés comme La Reynière, Carême, Escoffier, Brillat-Savarin ou encore Coffe, quelles sont les raisons qui ont permis à la France de construire sa renommée mondiale derrière les fourneaux ? Pour l’auteur, les réponses se trouvent dans l’histoire. "Au milieu du XVIIIe siècle, Londres était réputée pour être la ville dans laquelle on mangeait le mieux. Paris a pris le dessus à la fin du siècle, suite à deux événements importants. Premièrement, on a mis en place un discours du bien manger alors que la bienséance interdisait jusqu’alors de parler ou d’écrire à propos de ce qu’on mangeait. Ensuite, la naissance des restaurants a eu une importance majeure. Avant la Révolution française, les chefs cuisiniers travaillaient chez les grands du royaume. Après 1789, ils ont soit suivi leurs princes en exil, soit se sont lancés à leur compte en ouvrant des restaurants destinés à la bourgeoisie. C’est ce qu’il s’est passé."

L’avènement de l’Espagne

Depuis, la cuisine française a pris de la bouteille. Un peu trop peut-être. On lui reproche une perte d’audace et de vision, une trop haute conception d’elle-même et un mépris pour le reste. Confite dans son orgueil, elle serait aujourd’hui dépassée. Trop grasse, trop crémeuse, ce qui faisait alors la french touch d’antan ne correspondrait plus aux desiderata culinaires contemporains. "Aujourd’hui, la France n’a plus du tout le monopole de l’excellence gastronomique. On a commencé à se poser des questions sur son leadership en 1991, quand un journaliste du New York Times a écrit ‘Spain is the new France’, un article qui a donné lieu à un psychodrame national. Il y racontait qu’il ne se passait plus grand-chose en France et que le nouveau gourou de la gastronomie mondiale était l’espagnol Ferran Adrià, le chef du restaurant El Bulli, qui a jeté les bases de la cuisine moléculaire", raconte François-Régis Gaudry, critique gastronomique français et animateur de l’émission radio On va déguster sur France Inter. Depuis l’offensive ibérique, la réputation de la cuisine française bat de l’aile. Elle serait dans les choux. "Il y a eu des articles de french bashing qui exagéraient mais ils ont soulevé de vrais problèmes."

À force de prendre le melon et de se reposer sur ses lauriers, la gastronomie française est éjectée des podiums internationaux. Ainsi, en 2017, ce sont… les États-Unis qui ont remporté la finale mondiale du concours gastronomique le Bocuse d’or, devant la Norvège et l’Islande avec un thème imposé moderne : le végétal. "Il n’y a jamais eu un Français sur le podium des World’s 50 Best Restaurant", renchérit le critique.

Un bilan mi-figue, mi-raisin

La gastronomie française aurait donc du pain sur la planche afin de retrouver sa grandeur passée. Cependant, pas de quoi en faire tout un fromage pour François-Régis Gaudry. "Il ne faut pas que la France soit triste, on ne lui enlève rien. Ce qui fait encore sa force, c’est un terroir inégalé en termes de diversité, mais aussi les formations qu’elle propose. Aujourd’hui, on peut vivre des expériences culinaires exceptionnelles partout dans le monde, mais on vient encore apprendre son solfège gastronomique en France. Ensuite, on retourne dans son propre pays pour y jouer sa musique."

Considérez-vous la gastronomie française comme étant celle qui met le plus vos papilles en éveil ou favorisez-vous d’autres cuisines ? Nous vous avons posé la question sur La Libre.be et avons sélectionné quelques-unes de vos réponses (voir p.39).

C'est vous qui le dites

Les mets français sont-ils ce que l’on fait de plus exquis ? Nous vous avons posé la question sur lalibre.be et vous avez été plus de 300 à nous donner votre avis. Pour une large majorité d’entre vous (73,7 %), la réponse est non. Vous la trouvez trop grasse, trop compliquée et élitiste. Vous favorisez les plats italiens ou asiatiques. Pour les autres (26,3 %), la cuisine française est incontestablement la plus raffinée et la plus riche en saveurs, elle qui associe mets, vins et fromages de façon harmonieuse.

Quelques-unes de vos réactions sur Lalibre.be

Romain, 28 ans Non

Le problème de la cuisine française est son manque de modernité face à une culture mondialisée qui permet de se nourrir de produits venus des quatre coins du monde. La qualifier de meilleure cuisine du monde signifierait négliger l’océan de saveurs qu’elle a historiquement négligé. La meilleure cuisine du monde est celle qui compose avec des saveurs venues d’ici et d’ailleurs dans un mariage dont la modernité fait défaut à la gastronomie comme à la culture française.

Étienne, 43 ans Non

Il existe de multiples cuisines dans d’autres cultures et qui sont d’une très grande qualité. La cuisine française de luxe tend à confondre l’exceptionnel, ou les mariages inhabituels de saveurs, avec le raffinement. On pourrait plutôt y voir une forme de décadence. J’ai une préférence pour la cuisine thaïlandaise qui propose des parfums et des consistances plus élaborées ainsi que plus de végétaux.

Jacqueline, 71 ans Non

Il n’y a pas qu’en France où l’on mange bien malgré de nombreux chefs étoilés. Pour certains d’entre eux, les étoiles s’étiolent au cours du temps. Cependant, la réputation de la cuisine française persiste grâce aux critiques culinaires qui ne réfléchissent pas plus loin que le bout de leur fourchette (gratuite).

Miriam, 77 ans Non

La cuisine française a complètement régressé ces vingt dernières années. Les restaurants 3 étoiles proposent une cuisine trop sophistiquée, basée sur la "beauté du plat". Résultat : les portions menues des assiettes sont frustrantes. Je préfère la cuisine italienne, très savoureuse, qui travaille des produits de grande qualité. L’Italie a su protéger ses petits agriculteurs.

Gianni, 57 ans Non

Pour avoir une cuisine au top, il faut déjà monter haut dans la hiérarchie des restaurants en France. À part les tables de haut niveau où la cuisine est exemplaire mais où l’on se souvient du prix assez longtemps… Reste l’Italie. La cuisine en Belgique et en France n’arrive pas à sa cheville. À tous les niveaux, on mange bien et même très bien. Elle n’a pas son pareil en ce qui concerne l’assemblage des saveurs et la fraîcheur des produits.

Carine, 53 ans Non

La cuisine française à base de crème, de beurre est lourde, compliquée et obsolète. La cuisine fusion allégée, métissée est plus intéressante gustativement, visuellement et diététiquement. Elle demande une autre forme de créativité. Je n’ai pas vraiment de cuisine préférée mais il est vrai que j’apprécie particulièrement les cuisines italienne et marocaine car elles ont beaucoup de saveurs et des mélanges d’épices intéressants.

Michel-Albert, 69 ans Oui

Elle est équilibrée, diversifiée et complète, surtout depuis qu’elle a fortement diminué les mets gras. Les entrées sont légères, les plats principaux apportent suffisamment de protéines animales ou végétales et les desserts sont variés. Sans oublier les fabuleux fromages et la très vaste palette de vins amplificateurs raffinés du goût. La décoration de la table est souvent magnifique, et sans excès.

Philippe, 50 ans Oui

La cuisine française excelle en gestion, préparation et valorisation de tous les produits. Unique au monde et alliée aux vins et terroirs, elle résulte d’une histoire multiséculaire, d’une qualité de vie qui ne se retrouve nulle part ailleurs. Oui, elle est la meilleure au monde !