Pierre Palmade pourrait-il être condamné pour "homicide involontaire" après la mort d’un fœtus ?
Une femme enceinte de 7 mois a perdu son bébé dans l’accident provoqué par l’humoriste Pierre Palmade. Le parquet de Melun le poursuit pour "homicide et blessures involontaires par conducteur sous l’emprise de stupéfiants". Mais peut-on commettre un homicide sur un foetus ? Le point sur ce débat en France.
Publié le 14-02-2023 à 06h51 - Mis à jour le 14-02-2023 à 13h54
Non. Parce qu'un fœtus dans le ventre de sa mère n’est pas une personne. L’homicide involontaire ne peut pas être étendu à un enfant à naître.
L’homicide involontaire est le fait de causer la mort de quelqu’un sans le vouloir. Peut-on parler d’homicide involontaire dans le cas d’un bébé encore dans le ventre de sa mère ?
Le fœtus n’est pas une personne. C’est ce que considère le droit pénal français (au civil par contre il est reconnu). Depuis 1999, à plusieurs reprises, la Cour de cassation française a estimé que l’incrimination d’homicide involontaire d’autrui ne pouvait être étendue à l’enfant à naître. Et notamment avec son dernier arrêt sur le sujet datant de 2002 qui vient confirmer des arrêts de 1999 et de 2001, et ce “malgré la résistance de certaines cours d’appel”. Dans cet arrêt, la Cour affirme que “les décisions de la Cour de cassation se fondent sur le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, qui ne prévoit pas que la mort du fœtus puisse être qualifiée de mort d’autrui”.
Une personne que si le fœtus a respiré une seconde. Tout va dépendre désormais de savoir si le fœtus présent dans le ventre de sa mère était viable et surtout s’il était encore vivant au moment où il a été extrait du ventre de sa mère. Sur Franceinfo, Me Rémy Josseaume, avocat spécialiste en droit routier expliquait “Les médecins vont vérifier si lorsque l’enfant a été extrait, celui-ci respirait. S’il est né vivant, la qualification juridique d’homicide involontaire pourra éventuellement prospérer.” Et de nuancer : “En revanche, s’il est mort-né, il n’a pas le statut de personne, donc la qualification juridique d’homicide involontaire ne sera pas possible.” Une autopsie devrait être effectuée. Elle déterminera si le bébé a respiré ou non, avant de mourir.
Oui. Il y a homicide involontaire si le fœtus était viable et qu’il n’était mort que du fait de l’accident. Cette position va-t-elle s’imposer ici ?
C’est la position du parquet de Melun. Jusqu’à présent seule la perte du fœtus d’une femme enceinte de 7 mois est annoncée. La mère, son frère et le fils de ce dernier sont gravement blessés. Pourtant le parquet de Melun a ouvert une enquête pour “homicide et blessures involontaires par conducteur sous l’empire de produits stupéfiants”.
C’est la Jurisprudence jusqu’en 1999. Avant 1999, les juridictions pénales retenaient la qualification d’homicide involontaire pour un fœtus mort in utero. L’arrêt du 30 juin 1999 de la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence en considérant qu’une infraction d’homicide volontaire ou involontaire ne peut concerner qu’une personne juridique. Pour Jean-René Binet, auteur du Droit des personnes et de la famille et interviewé par le quotidien La Croix, la Cour de cassation a voulu “conduire le législateur à créer une ou des incriminations spécifiques”. Mais celui-ci “n’a pas eu le courage de le faire pour ne pas troubler ceux qui craignaient une remise en cause de l’avortement”.
Une exception depuis 1999
Selon le Figaro, en 2014, un automobiliste a été condamné par le tribunal correctionnel de Tarbes pour homicide involontaire sur un fœtus dont il avait renversé la mère enceinte. Sa décision s’appuyait sur des expertises médicales, considérant que le fœtus était “viable” et qu’il n’était “mort que du fait de l’accident”. Suite à l’appel du parquet général, la cour d’appel de Pau a infirmé cette décision.
Le fœtus est toutefois reconnu par le droit civil
Depuis 2021, une loi autorise les parents à déclarer leur bébé décédé (après 15 semaines d’aménorrhée) avec le prénom et le nom de famille.