Accord transatlantique: "énorme scepticisme" en Europe sur les procédures d'arbitrage (Commission)
Publié le 13-01-2015 à 19h00
Les procédures d'arbitrage entre Etats et multinationales dans le cadre d'un futur accord de libre-échange entre l'UE et les Etats-Unis suscitent un "énorme scepticisme" parmi les Européens, a reconnu mardi la Commission en publiant son analyse d'une vaste consultation sur le sujet.
"La consultation montre clairement l'existence d'un énorme scepticisme" par rapport au mécanisme de protection des investissements (ISDS), a reconnu dans un communiqué la commissaire au Commerce, Cecilia Malmström.
Sur les 150.000 réponses à ce questionnaire, "la grande majorité, soit 97%, communiquée via des plateformes en ligne ou des groupes d'intérêts, contenaient des réponses négatives prédéfinies" concernant l'ISDS, indique la Commission.
Ce mécanisme, qui permettrait aux multinationales de contester des politiques de gouvernements nationaux devant des tribunaux d'arbitrage, qui sont des juridictions de droit privé, est très contesté par l'opinion publique européenne. Il est gelé dans les négociations transatlantiques depuis le lancement de cette consultation par le prédécesseur de Mme Malmström, Karel De Gucht.
Avant de prendre ses fonctions, Mme Malmström avait reconnu que cette question suscitait "d'immenses inquiétudes", et envisagé qu'elle puisse être "exclue de l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis".
La Commission va maintenant "organiser une série de réunions de consultation avec les Etats membres, le Parlement européen, les parlements des Etats membres et des parties prenantes, dont des ONG, des entreprises, des syndicats, des associations de défense des consommateurs et de l'environnement".
Après ces consultations, prévues pour s'étaler sur le premier trimestre, elle "élaborera des propositions spécifiques en vue des négociations" avec les Etats-Unis.
- Déjà 1.400 accords -
La Commission rappelle que ce sont les Etats membres qui lui ont demandé d'inclure la protection des investissements dans les négociations du pacte transatlantique, "à condition qu'un certain nombre de conditions soient respectées".
"Nous devons réfléchir à la façon de gérer le fait que les pays de l'UE ont déjà 1.400 accords bilatéraux de ce type", dont "la grande majorité ne contiennent pas les garanties qu'aimerait voir l'Union européenne", souligne Mme Malmström, qui assure que "jamais la Commission (...) ne pourrait même envisager un accord qui entraînerait un nivellement par le bas ou limiterait le droit à réglementer de nos gouvernements".
la France "n'acceptera jamais que des juridictions privées saisies par des entreprises multinationales puissent remettre en cause les choix démocratiques de peuples souverains", a réagi le secrétaire d'Etat français au Commerce, Matthias Fekl.
L'eurodéputé Vert Yannick Jadot a fustigé la manière dont la Commission avait présenté les résultats de cette consultation, la jugeant "méprisante vis-à-vis des organisations de la société civile" et la soupçonnant de "tenter de contourner la très grande majorité d'avis opposés" aux mécanismes d'arbitrage.
"La situation est compliquée par le fait que les gouvernements ont donné à la Commission mandat pour négocier" le pacte transatlantique, "y compris l'ISDS", a souligné à l'AFP Romain Pardo, du centre de réflexion European Policy Centre. "D'un autre côté, les responsables politique ne peuvent ignorer les critiques des citoyens", selon cet analyste, pour lequel le problème devra sans doute être résolu au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement.
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