Infirmières ukrainiennes sur le front de l'Est: "il est plus facile d'être soldat"

Dmytro GORSHKOV
<p>Nika, 21 ans, soigne un soldat ukrainien à Piski, le 28 mai 2015</p>

Nika, 21 ans, soigne des soldats ukrainiens blessés dans la remise d'une maison à moitié détruite de Piski, l'un des points les plus chauds du front de l'Est séparatiste prorusse. Elle en a vu mourir plusieurs pendant la trêve.

"Qu'est-qui t'arrive?", demande la jeune femme, cheveux courts teints en roux feu, short couleur camouflage et petite croix blanche en plastique au cou, à un soldat qui lui montre une paume ensanglantée.

"Suis-moi dans la +salle d'opération+", sourit-elle en se dirigeant vers la remise, ornée d'une croix rouge dessinée sur la porte métallique et qui dispose à l'intérieur d'une table recouverte d'une serviette stérile.

La scène se déroule dans la cour d'une maison particulière abandonnée dans ce village fantôme toujours tenu par les troupes ukrainiennes près des ruines de l'aéroport de Donetsk où les bombardements n'ont jamais cessé malgré un nouveau cessez-le-feu instauré en février.

Etudiante en médecine à Drogobytch, petite ville dans l'Ouest nationaliste de l'Ukraine, Nika a pris une année sabbatique pour arriver en mars à Piski.

La raison est simple: "Ici combattent les patriotes. Moi aussi je suis patriote".

Sa mission: prodiguer les premiers soins là même où se déroulent les combats, puis aider à transporter les blessés vers un hôpital.

"Sur la ligne de front, on n'a pas besoin de chirurgiens, ils ne peuvent pas travailler dans de telles conditions, mais les premiers secours sont très importants", explique-t-elle.

Son baptême du feu a été "fou", et cela dès les premiers jours, se souvient celle qui répond désormais au nom de guerre Koza (La chèvre).

"J'ai eu plusieurs blessés chaque jour. Par balles, par éclats d'obus. J'ai arrêté des hémorragies, mis des blessés sous perfusion, donné des médicaments. La moitié d'entre eux n'ont pas survécu", raconte-t-elle d'une voix calme.

Malgré une maîtrise de soi affichée, Nika semble avoir mal vécu cette expérience.

"Etre soldat est beaucoup plus facile qu'être médecin. Les soldats ne sont pas responsables de la mort des autres. Je veux devenir soldat", avoue-t-elle.

- prête à travailler sous les bombes -

A 19 ans, Alia, une autre infirmière volontaire présente à Piski, a beaucoup plus d'expérience et elle n'est pas d'accord.

"Je n'ai pas l'intention de prendre les armes, les hommes vont toujours protéger une fille pendant le combat et je ne veux mettre personne en danger, je veux aider", explique cette jeune femme souriante en tenue camouflage, cheveux au vent et maquillage complet.

Son ambulance de réanimation rouge est garée près d'une position de l'armée ukrainienne aux abords de Piski, sous un pont inachevé.

<p>Nika, 21 ans, se nettoie les mains avant de soigner un soldat ukrainien à Piski, le 28 mai 2015</p>

Elle a participé à l'évacuation de soldats blessés dans l'aéroport de Donetsk en janvier, lorsque les troupes ukrainiennes l'ont finalement abandonné aux séparatistes prorusses après plusieurs mois de combats acharnés.

Des mois auparavant, cette étudiante en philologie avait été amenée à soigner les blessés du Maïdan dans le centre de Kiev où la contestation pro-européenne avait été réprimée dans le sang en février 2014. Depuis, elle a suivi plusieurs cours médicaux organisés par des ONG internationales avant de se retrouver dans l'Est, où le conflit a fait près de 6.300 morts depuis avril 2014.

"Je suis ici à cause de ces gars qui ont besoin d'aide. Il y a peu de médecins qui sont prêts à travailler sous les bombes. Moi, je suis prête", assure-t-elle.

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