Pourquoi le retard de la Belgique en e-commerce s'agrandit par rapport aux pays voisins
Si acheter en ligne se banalise, les dernières statistiques de vente montrent par contre que réussir en e-commerce reste un défi entrepreneurial. Une chronique signée Damien Jacob, professeur invité à HEC Liège-École de gestion de l’Université de Liège, à l’Ephec et à l’Université de Strasbourg
- Publié le 16-11-2022 à 08h34
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La crise du Covid-19 a donné un gros coup de projecteur sur l’e-commerce. Le commerce physique étant contraint de fermer, le consommateur s’est rué sur les webshops. Depuis, de nombreux influenceurs sur les réseaux sociaux déclarent que devenir e-commerçant est une voie royale pour s’enrichir. Mais qu’en est-il vraiment ?
Si un bond de l’e-commerce a été observé en 2020, déjà en 2021 cette croissance a décliné, de sorte qu’en 2022, l’effet global de la crise a été généralement nul dans l’évolution de l’e-commerce sur 10 ans.
Car, en fait, la moitié de l’e-commerce est constituée de la vente de tickets (transports, logements, spectacles), qui s’est écroulée en 2020, tandis qu’en 2022 le consommateur a repris l’habitude d’acheter tantôt en boutique tantôt en ligne en fonction des circonstances.
Un bon plan ?
L’e-commerce reste encore marginal en Belgique, constituant maintenant de l’ordre de 10 % du commerce de détail.
Nous avons tous en tête le nom de sociétés valorisées en Bourse des milliards de dollars. Mais, sur le terrain, ce n’est pas vraiment l’eldorado : en Belgique, plus de 90 % des e-shops ne parviennent pas à dépasser les 100 000 euros de chiffres d’affaires. Difficile dès lors de pouvoir vivre uniquement de leur e-shop. Même durant l’année 2021 plutôt propice au commerce en ligne, un e-commerçant sur cinq a arrêté ses activités.
Beaucoup se sont lancés un peu à l’improvisation en ce domaine. Aussi, ils ne tiennent pas la dragée par rapport à ceux qui se sont fortement professionnalisés. Car effectivement, une poignée de starters ont adopté rapidement un fonctionnement très efficace et sont parvenus à percer à l’international.
L’e-commerce, levier pour exporter
Et c’est probablement en ce domaine que la Belgique a le plus grand retard à rattraper : la balance commerciale en ligne est très déficitaire. Les Belges achètent sur des e-shops étrangers de l’ordre de 30 % de plus que le flux opposé. Nos voisins néerlandais, allemands, français grappillent chaque jour des parts de marché, sans compter les grandes marketplaces non européennes.
Il est un peu facile d’incriminer les coûts salariaux et les réglementations sociales belges pour expliquer le retard de l’offre e-commerce en Belgique. Inversement, certains rêveraient de sortir le pays de l’e-commerce, en croyant que c’est une menace pour le commerce local, alors que le consommateur a fait sienne l’approche "commerce connecté". Cela ressemble au combat dans les années 1960-1970 contre la grande distribution. Or, l’e-commerce de proximité constitue un filon en croissance, en valeur et en emplois.
Des stratégies efficaces existent pour se positionner à côté de ces "ogres". Elles ne restent toutefois pas assez connues, les actions menées par les pouvoirs publics et fédérations professionnelles se limitant souvent à de la sensibilisation et à la découverte d’outils alors que les défis ne sont guère technologiques. Des efforts devraient encore être déployés pour former les décideurs d’entreprises à partir du bon pied en e-commerce et pour exporter en ligne.
Une enquête de terrain a révélé qu’une proportion importante d’entrepreneurs fait le constat rétrospectivement d’être partis du mauvais pied. Ils regrettent de s’y être mal préparés, en se focalisant souvent trop sur les aspects techniques et en ayant finalement un peu oublié que vendre en ligne, c’est avant tout respecter les règles de l’art du commerce : une bonne stratégie de différenciation commerciale, un sourcing bien négocié, un merchandising attrayant, un parcours-client soigné au niveau ergonomique, de l’empathie, un bon service après-vente, et, enfin, une bonne gestion !
Être commerçant n’a jamais été synonyme de job facile et juteux, mais être bien préparé à entreprendre augmente sensiblement les chances de succès.