Réforme du marché de l'électricité : les prix resteront liés à ceux du gaz
Cela pourrait facilement prendre cinq ou dix ans pour mettre en place une réforme en profondeur du marché européen de l'électricité. La Commission a donc proposé d'adapter le système actuel.
Publié le 14-03-2023 à 15h59 - Mis à jour le 14-03-2023 à 18h49
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Le quasi-arrêt des livraisons russes de gaz a déclenché une crise énergétique majeure sur le Vieux continent (et dans d’autres régions du monde). Au plus fort de la crise, en août 2022, le prix du gaz a dépassé 300 euros par MWh, contre environ 20 euros par MWh en temps normal. Une flambée qui s’est répercutée sur les prix de l’électricité.
Face à cette crise, plusieurs Etats membres, dont l’Espagne et la Grèce, ont réclamé une remise à plat du système actuel de formation des prix de l’électricité. Pour rappel, ce système prévoit que les unités de production les moins chères (renouvelable puis nucléaire) soient activées avant les unités les plus chères (charbon puis gaz, ou l’inverse). Et c’est le prix de la dernière technologie mise en route (souvent une centrale au gaz, donc) qui fixe les prix de l’électricité sur les marchés de gros. C’est via ce mécanisme, appelé merit order, que la flambée des prix du gaz a "contaminé" les prix de l’électricité.
La Commission européenne a présenté, ce mardi, sa proposition destinée à réformer le marché de l’électricité. Sans surprise, l’exécutif européen ne veut pas révolutionner le système actuel. Il est toujours prévu que ce soit la dernière technologie mise en route qui fixe les prix de l'électricité.
Peu d'alternatives valables
"Une réforme majeure du marché de l’électricité pourrait facilement mettre 5 ou 10 ans avant d’être mise en place, a justifié un haut dirigeant européen. Or il faut que notre proposition soit appliquée rapidement, dans le courant de l’année". L'idée de ne pas chambouler tout le système est aussi liée au fait que la Commission redoutait que les investisseurs n'osent pas se lancer, dans l'attente d'une réforme plus profonde.
Par ailleurs, à entendre la Commission, les alternatives au système actuel ne sont pas forcément évidentes. Il existe, par exemple, un système appelé "pay as bid", qui prévoit qu'une unité de production d'électricité soit payée selon l'offre de prix qu'elle soumet au marché. Via ce système, une centrale nucléaire ou un parc éolien pourraient systématiquement demander un prix significativement supérieur à leurs coûts. Avec un impact haussier sur les prix pour le consommateur.
"Le système pay as bid n'a pas donné de meilleurs résultats que le merit order, au contraire, a résumé ce haut dirigeant européen. Les acteurs font souvent des offres plus chères que leurs coûts de production". La Commission a d'ailleurs fait savoir que le mécanisme actuel avait fait épargner 34 milliards d'euros par an, au cours des vingt dernières années avant la crise. Il faut dire que la montée en puissance du renouvelable a fait pression, à la baisse, sur les prix de gros de l'électricité. Et le gaz bon marché, qu'on a connu durant de nombreuses années, a aussi fait pression sur les prix de l'électricité.
Diminuer l'utilisation des centrales au gaz
La Commission européenne compte donc s’y prendre autrement pour éviter, à l’avenir, une flambée des prix de l’électricité. Ainsi, l’exécutif européen espère déployer massivement des énergies renouvelables ces prochaines années. "Plus il y aura du renouvelable dans le mix électrique, moins souvent les prix seront fixés par les centrales au gaz", a résumé ce haut dirigeant européen. La Commission veut aussi créer un "tampon" entre les marchés de gros à court terme et les prix payés par les consommateurs. Sans plus de précisions...
Une des mesures phares préconisées par la Commission consiste à booster le marché des contrats d’achat d’électricité à long terme (power purchase agreement ou PPA). Un PPA permet à un producteur, souvent renouvelable, de vendre son électricité à un prix déterminé à l'avance et sur une longue période (5 à 20 ans). L’acheteur peut être un fournisseur d’énergie, une entreprise ou une collectivité… L’idée de la Commission européenne est de booster le marché des PPA, ce qui permettrait à plus d’acheteurs d’accéder à des prix fixés pour une longue période. Et le fait d'avoir plus d'acheteurs de PPA devrait aussi booster l'offre d'électricité renouvelable, espère la Commission.
Une réforme des subsides
Par ailleurs, la Commission européenne veut réglementer la façon dont les Etats soutiennent les projets de production d’électricité renouvelable, voire nucléaire. La Commission propose en effet que les subsides à la production d’électricité renouvelable ou nucléaire soient exclusivement octroyés sous forme de "contract for difference" (ou CFD). Ce type de contrat prévoit, par exemple, qu’un parc éolien ou une centrale nucléaire reçoivent 70 euros par MWh d’électricité. Si les prix du marché sont au-dessus de 70 euros, ils doivent verser la différence à l'Etat. Si les prix sont en dessous de 70 euros, c'est l'Etat qui comble la différence.
Le grand avantage de ce système est qu’il permet de capter automatiquement les surprofits réalisés par le renouvelable et le nucléaire, en cas de flambée des prix de l’électricité. Et la Commission européenne a proposé que l'argent récolté via le mécanisme soit obligatoirement redistribué au consommateur d’électricité.
Enfin, la Commission a mis sur la table une batterie de mesures au bénéfice du consommateur ou de la transition vers le renouvelable : obligation faite aux fournisseurs de proposer des contrats fixes ; possibilité d'échanger l'électricité photovoltaïque avec son voisin ; renforcement des pouvoirs d'investigation du régulateur européen de l'énergie...