Le partage d’énergie arrive en Wallonie : boom du photovoltaïque en vue dans les immeubles à appartements ?
À partir de 2025, le système pourrait être plus intéressant en Wallonie.
- Publié le 09-06-2023 à 06h44
- Mis à jour le 09-06-2023 à 09h56
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Un changement majeur va intervenir, le 1er janvier 2025, en Wallonie. À partir de ce moment-là, il deviendra vraiment intéressant de placer des panneaux photovoltaïques au-dessus d’un immeuble à appartements. En effet, grâce au partage d’énergie, les résidents d’appartements (locataires ou propriétaires) pourraient faire des économies sur leur facture d’électricité. Explications.
1. Quel est le problème ?
En Wallonie, on a vu fleurir les panneaux photovoltaïques sur les toits des maisons. En revanche, il y a peu d’immeubles à appartements qui sont équipés de cette technologie. Cela s’explique par le fait que l’investissement est beaucoup moins rentable que dans une maison individuelle. Pourquoi ? Un des avantages accordés aux prosumers “individuels” est qu’ils peuvent consommer leur propre production photovoltaïque “gratuitement”. Sur l’autoconsommation, ils ne paient ni l’électricité, ni les taxes, ni les frais de réseau.
Au contraire, dans un immeuble à appartements, il est très compliqué de jouir de l’auto-consommation de ses panneaux photovoltaïques. Pourquoi ? “Imaginons un immeuble avec 25 appartements, nous explique Damien Ernst, professeur à l’ULiège. Pour que ces 25 appartements puissent auto-consommer la production photovoltaïque de l’immeuble, il faudrait installer 25 onduleurs. En outre, il faudrait que chaque onduleur soit relié à un des vingt-cinq compteurs. Dans la majorité des immeubles, c’est impossible à faire”. Résultat, les installations photovoltaïques des immeubles sont généralement reliées au compteur qui alimente les communs, ce qui est beaucoup moins rentable car la consommation des communs est souvent très faible par rapport au potentiel de production du bâtiment.
2. Qu’est ce qui va changer ?
Le cadre légal permettant le partage d’énergie, au sein d’un immeuble, existe déjà en Wallonie. Néanmoins, un changement important va rendre le partage d’électricité plus intéressant, à partir de 2025. À la fois pour les locataires et les propriétaires, qui vivent en appartements.
Dans son projet de méthodologie tarifaire 2025-2029, la Cwape, le régulateur wallon de l’énergie, a décidé d’octroyer une ristourne de 80 % sur les frais de réseau pour l’électricité produite et auto-consommée au sein d’un même immeuble. Le partage doit donc permettre d’économiser sur le prix de l’électricité, mais aussi sur les frais de réseau. Notons que ces avantages ne vaudront que pour l’électricité produite et auto-consommée par l’immeuble. Rien ne changera pour l’électricité prélevée sur le réseau (par exemple, la nuit et en soirée).
Selon Damien Ernst, ce changement pourrait booster l’activité de partage d’électricité, au sein des immeubles wallons. “Il ne sera plus nécessaire d’installer 25 onduleurs pour bénéficier de la production photovoltaïque de l’immeuble, explique-t-il. En effet, il est prévu que l’électricité injectée sur le réseau et qui remonte directement vers les compteurs des appartements soit considérée comme de l’électricité auto-consommée”. Avec une ristourne de 80 % sur les frais de réseau à la clef. Pour vérifier que la consommation des participants a lieu en même temps que la production des panneaux, chaque appartement doit être équipé d’un compteur intelligent (qui mesure la consommation 1/4 d’heure par 1/4 d’heure).
3. Comment faire concrètement ?
Contrairement aux communautés d’énergie, il ne faut pas créer de personne morale pour s’adonner au partage d’énergie au sein du même bâtiment. Avec l’accord de la copropriété, un, plusieurs, voire tous les propriétaires peuvent investir dans l’installation photovoltaïque. Ensuite, il faut établir une clef de réparation de l’électricité entre les participants et fixer son prix. Le locataire, qui n’investirait pas dans l’installation photovoltaïque, pourrait quand même jouir d’un prix de l’électricité plus intéressant que celui du marché. En revanche, il ne bénéficierait pas du produit de la vente de l’électricité.
Enfin, les participants doivent garder un contrat avec un fournisseur, pour pouvoir se fournir quand les panneaux ne produisent pas. Et en cas d’excédent de production, celui-ci peut être vendu au fournisseur, avec un partage des gains entre les propriétaires de l’installation photovoltaïque.
4. Est-ce simple à mettre en œuvre ?
”À Bruxelles, il faut environ une année pour mettre en place un système de partage d’énergie”, déclare Benjamin Wilkin, de l’ASBL Énergie Commune. “C’est dommage que les formulaires ne soient pas encore disponibles sur le site de l’administration wallonne”, ajoute Damien Ernst.
À Bruxelles, il faut environ une année pour mettre en place un système de partage d’énergie. C’est dommage que les formulaires ne soient pas encore disponibles sur le site de l’administration wallonne.
Selon Benjamin Wilkin, le gros bémol du système est d’avoir conditionné l’activité de partage à l’aval des gestionnaires de réseau de distribution (GRD). “Il n’est pas normal de devoir demander l’autorisation à Ores ou à Resa, regrette-t-il. Les directives européennes stipulent que le partage d’énergie est un droit”. Néanmoins, il est logique de devoir prévenir son GRD, étant donné qu’il devra répartir la production photovoltaïque entre les différents appartements. “C’est le notaire de l’activité de partage”, appuie Benjamin Wilkin.
5. Est-ce intéressant financièrement ?
En s’inspirant de l’exemple du bâtiment Athena à Ougrée, Benoît Matthéus (ULiège) et Damien Ernst ont calculé qu’un appartement économiserait 87 euros par an, en achetant une partie de son électricité via le système du partage d’énergie. Il s’agit du gain d’un locataire, qui n’investit pas dans les panneaux. Notons que cet exemple prend en compte une fourniture de 760 KWh d’électricité par appartement, ce qui est assez réduit (la consommation moyenne d’électricité est de 3 500 KWh). Si l’immeuble était équipé d’une plus grosse installation photovoltaïque, les gains seraient plus importants.
En outre, les gains ont été calculés en tenant compte des prix actuels de l’électricité. En cas de nouvelle flambée des prix, l’avantage serait évidemment beaucoup plus important. Le fait de consommer sa propre production permet de geler le prix de l’électricité pendant toute la durée de vie de l’installation (de 25 à 30 ans). Le participant peut donc être immunisé contre l’inflation et la variation des prix de l’électricité.
6. Être prosumer individuel reste plus intéressant
La Cwape a donc prévu une réduction de 80 % sur les frais de réseau pour l’électricité auto-consommée dans un immeuble. “Il subsiste une discrimination par rapport aux prosumers individuels, déplore Damien Ernst. Ceux-ci ne paient aucun frais de réseau et, en outre, ils sont exemptés des taxes et du soutien aux énergies renouvelables sur l’électricité auto-consommée”. Notons néanmoins qu’un prosumer individuel n’utilise pas du tout le réseau pour son auto-consommation. En revanche, dans un immeuble, l’électron va brièvement sur le réseau avant de remonter vers les divers compteurs des appartements. En outre, il y a un travail supplémentaire exercé par les GRD pour répartir l’électricité entre les participants.
Il subsiste une discrimination par rapport aux prosumers individuels. Ceux-ci ne paient aucun frais de réseau et, en outre, ils sont exemptés des taxes et du soutien aux énergies renouvelables sur l’électricité auto-consommée.
Enfin, le gros avantage des prosumers individuels est qu’ils bénéficieront du compteur qui tourne à l’envers jusqu’en 2030 en Wallonie. Ainsi, grâce à ce système, l’électricité injectée sur le réseau en journée a la même valeur que celle prélevée le soir. Un sacré avantage quand on sait que l’électricité peut coûter 3 ou 4 fois plus cher le soir, par rapport à la journée.
7. Et pour la collectivité ?
Une étude de Brugel, le régulateur bruxellois de l’énergie, est arrivée à la conclusion que le partage d’électricité aura des effets positifs, si une masse critique de Bruxellois s’y adonne. En effet, l’un des avantages du système est d’inciter à consommer quand les panneaux produisent. Cette hausse de l’auto-consommation permettrait donc de limiter les investissements en vue de renforcer le réseau électrique. Brugel arrive aussi à une conclusion positive pour les participants, qui minimisent leur facture d’électricité.
Les fournisseurs se rebiffent
Par ailleurs, plusieurs éléments font que le partage d’électricité ne plaît pas aux fournisseurs. Ainsi, le volume fourni par client sera inévitablement inférieur à celui d’un client normal. “En outre, en Wallonie, on a choisi de mettre les frais de réseau résiduels sur la facture des fournisseurs, ajoute Benjamin Wilkin. Les fournisseurs devront donc assumer le risque de non-paiement de la facture sur un volume d’électricité qu’ils n’ont pas fourni et sur lequel ils ne gagnent rien”. Benjamin Wilkin regrette donc que l’activité de partage ne puisse se faire indépendamment des fournisseurs.
Ceux-ci pourraient donc être tentés de mettre des bâtons dans les roues aux candidats intéressés par le partage d’énergie. “En Flandre, certains fournisseurs auraient menacé d’augmenter les prix pour leurs clients qui veulent lancer une activité de partage d’énergie”, ajoute Benjamin Wilkin.