Une solution pour une aviation "verte" existe: "C’est maintenant ou jamais"
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Publié le 07-07-2020 à 06h50 - Mis à jour le 07-07-2020 à 14h21
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Les pilotes belges déplorent un “Far West social” dans certaines compagnies suite à la crise du Covid-19. Ils craignent aussi que la question environnementale ne passe à la trappe. Selon eux, la guerre des prix des prochains mois va causer des dégâts.
C’est un peu l’histoire de l’arroseur arrosé. " Ce sont les compagnies elles-mêmes qui, en demandant de l’aide aux États pour survivre, ont mis les projecteurs sur elles", explique Didier Moraine, membre du comité exécutif de l’association belge des pilotes de ligne (Beca). Et les projecteurs sont plutôt sombres. Même s’ils ne représentent "que" 3 % des émissions mondiales de CO2 ( "un chiffre qu’il faut doubler si l’on prend en compte tous les gaz à effets de serre "), les trajets en avion connaissent une croissance qui inquiète les spécialistes du climat. "Beaucoup de gouvernements ont mis des contraintes environnementales aux aides qu’ils ont accordées aux compagnies aériennes en difficulté", développe le commandant de bord. Exemple ? En France, certains vols de courte distance ne seront plus permis, un prix minimum du ticket d’avion a été instauré en Autriche.
"Une grosse pression sur le secteur aérien"
Au niveau mondial, le message récemment divulgué par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) est "désastreux" , selon le pilote. "Jusqu’ici, l’idée était la suivante : l’aviation croît jusqu’en 2020, et à partir de cette date, toute émission de CO2 devait être compensée. C’était la réponse du secteur pour contrer l’idée d’une taxe kérosène. Mais avec la crise actuelle, on ne sait pas du tout quand on arrivera à nouveau au niveau de 2019, le nouveau plafond choisi par l’organisation." Selon ces nouveaux critères, les compagnies ne devront ainsi pas compenser leurs émissions de CO2 avant plusieurs années. " De toute façon, cette compensation carbone ne fonctionne pas. Près de 85 % des projets de plantation d’arbres ne vont pas à terme ou n’ont pas le rendement escompté."
Selon Didier Moraine, il existe désormais une " grosse pression pour que l’aviation prenne ses responsabilités" en matière environnementale. "Au niveau européen, il y a une prise de conscience : le secteur dit désormais s’inscrire totalement dans les objectifs du green deal européen, c’est-à-dire de décarboner toute l’économie pour 2050. Et, même si c’est le secteur le plus difficile à décarboner, il existe des propositions concrètes pour le faire, à court, moyen et long terme."
Parmi ces solutions, le secteur mise beaucoup sur les kérosènes synthétiques ou électrofuel (e-carburant). "Le gros avantage de ces électrofuels est leur masse identique à celle du kérosène actuel, développe M. Vanalderweireldt, le président de la Beca. Les avions sont tributaires du poids pour pouvoir voler. Pour avoir la même énergie que le pétrole actuel, une batterie électrique pèse vingt fois plus, avec de l’hydrogène, c’est quatre fois plus de poids." Quant au biofuel, il a un "avenir limité" , selon Didier Moraine. " Sa production demande énormément d’eau et l’utilisation de surfaces cultivables, ce qui pose un problème éthique. Faire du biofuel avec de l’huile de palme n’est pas une bonne idée."
"Il faudra produire massivement en dehors de l’Europe"
Place donc aux e-carburants. " L’autre gros avantage est qu’on peut y aller progressivement, poursuit Didier Moraine. L’électrofuel peut être mélangé au kérosène actuel." Des vols tests ont ainsi déjà été réalisés avec 50 % d’e-carburant dans les réservoirs de l’avion. "On maîtrise déjà la technique. Le gros défi est désormais de produire en très grande quantité de l’électricité quasi-zéro carbone, car autrement cela n’a aucun sens."
Il faudrait donc construire d’énormes champs d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques pour produire ces e-carburants. "Pour un mélange de 50 % d’électrofuel dans les avions en 2050, il faudrait le quart de la production totale électrique actuelle de l’Union européenne. Et qui doit être décarbonée. Cela représente la superficie de la Tchéquie recouverte entièrement de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes. Clairement, on n’a pas la place en Europe. Il faudra produire en dehors de l’Union dans des endroits bien plus propices et inhabités, comme l’Afrique du Nord ou le sud du Groenland où l’université de Liège a un projet allant dans ce sens."
Autre défi, ces infrastructures représentent des centaines de milliards d’euros d’investissements. " Mais c’est maintenant ou jamais. Il n’y a jamais eu autant d’argent. Les banques centrales ont créé des milliers de milliards ex nihilo. De toute façon, on n’a pas le choix : la production de pétrole conventionnel ne va faire que décroître dans les prochaines années. Le nombre d’avions dans le ciel dépendra donc de cette capacité à produire une électricité renouvelable en très grande quantité et à bas prix."