La Boucle du Hainaut met mal à l’aise la classe politique : "Il y a clairement un conflit d’intérêts"
La ligne électrique de 85 km doit permettre d’acheminer l’électricité des éoliennes en mer. Mais les riverains sont remontés.
Publié le 15-10-2020 à 18h50 - Mis à jour le 22-10-2020 à 12h12
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Depuis qu’il a été dévoilé au public, le projet dit de la "Boucle du Hainaut" déchaîne les passions.
Elia, le gestionnaire du réseau haute tension, veut réaliser une nouvelle liaison électrique entre Avelgem (en Flandre) et Courcelles (Hainaut). Le tracé, d’une longueur de 85 km, traverserait 14 communes du Hainaut (De Mont-de-l’Enclus à Pont-à-Celles). À ce stade, un corridor de 200 mètres de large, pouvant potentiellement accueillir les pylônes électriques, a été dessiné.
Des marques d’opposition très fortes sont cependant venues des communes concernées, où on redoute la pollution visuelle liée à l’érection d’imposants pylônes. À Écaussinnes, une séance d’information a d’ailleurs débouché sur des menaces verbales et physiques à l’encontre du personnel d’Elia.
Si la tension est retombée, les interrogations des riverains persistent. Dans la foulée, Willy Borsus (MR), le ministre wallon de l’Aménagement du territoire, a commandé une étude externe, portant sur le choix technologique posé par Elia. Le consultant sélectionné doit vérifier s’il est envisageable d’opter pour des lignes souterraines plutôt qu’aériennes.
Les questionnements des riverains à l’égard du projet ont également été relayés par Ecolo. Le député écologiste Manu Disabato estime qu’il est nécessaire de vérifier si la "Boucle du Hainaut" est réellement nécessaire. En outre, il dénonce un conflit d’intérêts dans le chef d’Elia. "Le projet actuel ne peut pas être validé, explique-t-il. Tout d’abord, il faut vérifier si une ligne électrique de 6 GW et de 380 kV est bien nécessaire. On ne peut pas se contenter d’une affirmation d’Elia à ce sujet. En outre, il y a clairement un conflit d’intérêts dans le chef de l’entreprise. C’est Elia qui définit le besoin et qui porte le projet".
Selon le gestionnaire du réseau, le projet actuel est nécessaire en vue d’acheminer l’électricité qui sera produite par les futures éoliennes en mer du Nord. Les capacités offshore devraient passer de 2,3 GW, fin 2020, à 4 GW à l’horizon 2030. En outre, Elia estime que la ligne actuelle entre Avelgem et Courcelles sera saturée 40 % du temps en 2030 si elle n’est pas dédoublée.
Ces différents positionnements politiques montrent en tout cas que la "Boucle du Hainaut" met mal à l’aise plusieurs partis. Rappelons qu’Ecolo est favorable au développement des éoliennes en mer du Nord, nécessaires pour permettre la sortie du nucléaire. Or sans la "Boucle du Hainaut", il sera inutile de construire de nouvelles éoliennes en mer.
Le MR, via l’ancienne ministre de l’Énergie, Marie-Christine Marghem, avait validé le plan d’investissement d’Elia, dans lequel figure la "Boucle du Hainaut". Mais aujourd’hui, Willy Borsus s’interroge sur le bien-fondé du projet.
Rappelons que la Creg, le régulateur de l’énergie, avait demandé à Elia de réaliser une analyse plus approfondie du coût et des bénéfices de la "Boucle du Hainaut", ainsi que des alternatives aux lignes aériennes. Or l’avis non-contraignant du régulateur n’avait pas été suivi.
Une ligne souterraine sur 8 km ?
L’étude externe commandée par Willy Borsus pourra-t-elle déboucher sur une modification du projet ? Contacté, Elia indique qu’il est techniquement possible d’enfouir une partie des lignes électriques. Mais a priori, les lignes souterraines ne pourraient s’étendre que sur 8 km, sur les 85 km que compte le tracé. "Au-delà de 8 km, il sera compliqué de garantir la stabilité du réseau", explique Mélanie Laroche, porte-parole du projet chez Elia. "Or il s’agit de la colonne vertébrale du réseau, elle doit être très fiable".
Par ailleurs, une ligne enterrée nécessite de mobiliser une largeur de 30 mètres, et de 90 mètres durant les travaux. En outre, deux postes haute tension, d’une superficie de 10 hectares, seront nécessaires au début et à la fin du tracé souterrain. Bref, la pollution visuelle ne sera pas totalement annulée avec l’option souterraine. Sans compter qu’il faudra choisir quelle commune pourra en bénéficier…
En outre, cet enfouissement pourrait coûter très cher. "Une ligne enterrée coûte 5 à 10 fois plus cher qu’une ligne aérienne, précise Mélanie Laroche. Pour Elia, le critère du prix n’est cependant pas déterminant. Il s’agit de voir ce qui est techniquement possible. Ensuite, il y aura une décision politique".