Brexit : l’anglais coûtera 300 millions de plus au budget européen
Une étude de l'UCLouvain publiée dans la revue Regards économiques estime le budget des langues à environ 1 milliard d'euros. Le coût de l'anglais, qui reste une langue officielle et procédurale (de travail), s'élève à près d'un tiers de ce budget. "Mais l'allemand et le français n'ont pas dit leur dernier mot", estime le professeur Victor Ginsburgh (ULB), co-auteur de cette étude avec Juan Moreno-Ternero (Universidad Pablo de Olavide de Séville).
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Publié le 22-12-2020 à 00h00 - Mis à jour le 22-12-2020 à 00h01
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"Si la Hongrie quittait l’Union européenne, on ne se poserait pas trop la question de savoir s’il faut garder le hongrois comme langue officielle. C’est plus compliqué pour l’anglais", lance en forme de boutade Victor Ginsburgh, professeur d’économie à l’ULB et chercheur au Core (UCLouvain). Avec le Brexit, la question se pose naturellement de savoir ce qu’il va advenir de l’anglais "mais la langue ne disparaîtra pas, vu que l’Irlande et Malte l’ont comme langue officielle. A ma connaissance, ce n’est pas près de changer", précise le professeur. Ce qui va changer, par contre, c’est certainement le coût du budget "langues" de l’Union européenne et l’utilisation de l’anglais qui, au même titre que le français et l’allemand, est une langue de travail, dite "procédurale".
Le coût, d’abord. Cela ne surprendra personne de savoir que l’Union européenne (UE) dépense beaucoup d’argent pour assurer l’interprétation et la traduction de chaque langue dans les 23 autres langues officielles : un milliard d’euros. "Et encore ce chiffre est-il sans doute sous-estimé", glisse Victor Ginsburgh. Lequel a donc, dans le cadre de la revue Regards économiques de l’UClouvain, évalué la contribution de chaque langue officielle dans ce budget important de l’UE. Évaluation toute théorique puisque le budget langues de l’UE n’est pas fixé par pays mais est prélevé sur le budget total de l’UE.
Une langue qui rapporte
Un travail utile, tout de même, puisqu’il permet de cerner ce que le départ du Royaume-Uni coûte aux autres Etats membres. Allons-y : au minimum 300 millions d’euros. Pour le moment, d'après l'étude, l'anglais (parlé au Royaume-Uni, l'Irlande et Malte) devrait contribuer à raison de 29,1% au budget 'traduction et interprétation'. Cette valeur s'explique par l'utilisation très importante de l'anglais dans la production de documents (70,8%). "Ces 300 millions d’euros sont en quelque sorte le prix à payer par l’UE qui a donc gardé – jusqu’ici – l’anglais comme langue procédurale", poursuit le professeur.
Il tient à préciser dans son étude que l’utilisation de l’anglais dans le monde profite surtout au Royaume-Uni, se référant à des travaux d’il y a plus de 10 ans menés par Devid Graddol, lequel estimait déjà à l’époque que "la partie enseignement de la langue anglaise dans le monde rapporte de façon directe 1,3 milliard de livres sterling (1,69 milliard d’euros) par an en tant qu’exportation invisible et nos exportations relatives à l’éducation nationale nous rapportent quelques 10 milliards de livres par an." Depuis lors, l’utilisation de l’anglais, deuxième langue la plus parlée au monde derrière le mandarin, ne cesse de croître. Mais surtout, deux personnes de nationalités différentes ont plus de chance de communiquer entre eux en anglais.
L'anglais, la lingua franca?
Reste le problème "linguistique pur". "Il y a 1 % des natifs de l’UE qui parle l’anglais, mais l’anglais, qu’on le veuille ou non, s’est surtout immiscé partout. Il est sans doute plus efficace de garder l’anglais comme langue officielle et procédurale, et on peut même imaginer qu’elle devienne la lingua franca (langue véhiculaire) de l’Europe. J’entends cependant dire en coulisses européennes par les linguistes que l’Allemagne et la France n’ont pas dit... leur dernier mot, et qu’elles essaieront de grappiller des parts de marché, pour reconquérir la part de marché qu’elles avaient avant que l’anglais ne débarque en 1973. Cela risque d’être amusant...", conclut Victor Ginsburgh.
On notera enfin que d’après l’étude, si chaque pays contribuait au budget langues européen de façon proportionnelle à son produit intérieur brut, la contribution des pays suivants serait élevée : Allemagne (21 %), France (14,8 %), Italie (11,1 %) et Royaume-Uni (15,2 %).