Aides financières face au Covid: "Il va falloir désormais penser à la sélectivité"
La distribution et la coordination des aides fédérales et régionales a plutôt été efficaces selon Maxime Fontaine (ULB) mais il faut, selon lui, réviser la façon de faire et anticiper la suite de la crise.
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- Publié le 14-02-2021 à 07h40
- Mis à jour le 19-03-2021 à 18h05
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Pour faire face à la pandémie de Covid-19, l’État a temporairement décidé de confiner la population, d’instaurer des restrictions, d’établir un couvre-feu, de mettre l’économie à l’arrêt. Pour assumer ces choix, il a dû mettre en place des aides. Pour éviter que le bateau ne coule, maintenir la tête hors de l’eau.
Pour Maxime Fontaine, chargé de recherche en Finances publiques à la Solvay Business School (ULB), "l’État assume les conséquences ainsi que chaque entité à son niveau de compétence. Difficile d’identifier les aides fédérales et nationales, qui se recoupent. Mais les Régions ont pu prendre des décisions différentes pour mieux coller à leur tissu économique. On a assisté à des comités de concertation fréquents, des décisions prises en commun, ce qui est assez exceptionnel, avec une coordination forte, il faut le reconnaître."
Cependant, un retour chiffré des différentes aides et de leurs effets est impossible à obtenir pour le moment, faute de recul et de temps pour établir les statistiques.
"Les critiques ont été nombreuses après la crise de 2008 et les politiques menées dans les différents pays mais ici, on peut clairement dire que l’État a assumé les conséquences de sa décision et a ouvert les vannes. Après, avec le prolongement de la situation - car on n’est plus dans un cas d’urgence, ça fait plus d’un an -, il va falloir se poser des questions pour affiner les aides pour qu’elles arrivent au bon endroit, pour minimiser leurs ‘coûts’, en concentrant les moyens sur ceux qui en ont le plus besoin. On peut, par exemple, penser à la culture, qui est un gros secteur en termes d’emplois. Il va falloir désormais penser à la sélectivité, ce qui aurait été contre-productif au début de la crise", avance-t-il.
Inégalités ou non entre Régions ?
Pour les différences d’attribution en aides selon les Régions et les critiques que ça peut générer, le chercheur rappelle quelques éléments : "Il faut prendre en compte ce qu’on entend par Flandre par exemple. La Région et la Communauté ont fusionné et donc les budgets attribués à l’entité recouvrent ces deux parties. Il faut voir comment les chiffres rendent compte de cela. Pour le budget de la Communauté française, une partie est octroyée au territoire de la Région wallonne, une autre à celui de Bruxelles… Cela renvoie à la répartition du plan de relance. Il faut bien comprendre de quoi on parle, de la Région, du territoire, des aspects communautaires", glisse-t-il. "De plus, la Belgique a un système stabilisateur très fort, avec le chômage et autres allocations. Ce sont des dépenses à prendre en compte en fonction du nombre d’habitants", insiste-t-il, avant d’ajouter : "Je ne pense pas, par exemple, que les activités pharmaceutiques, importantes en Wallonie, ont particulièrement besoin d’aides de type chômage économique en ce moment."
Maintenir en vie ou relancer ?
Alors que les voix s’élèvent, que les secteurs étouffés s’exaspèrent, la question de la relance se pose. Mais faut-il faire en sorte de maintenir un niveau de vie acceptable ou relancer la machine à tout prix pour faire face à la suite de la crise ? "C’est compliqué. La situation n’est pas stabilisée. On comprend mieux comment ça évolue et quels sont les impacts des choix qui sont faits mais on n’a aucune vue concrète sur la suite. Si une troisième vague va venir, si le confinement va pouvoir se relâcher…" avoue le chercheur. "N’oublions pas que la Belgique est également un petit pays très tourné sur l’exportation. On est extrêmement dépendants de ce qu’il se passe autour de nous. On doit aussi prendre en compte la situation des autres pays. Et pour exporter, on a aussi besoin d’importer beaucoup. Ça peut créer beaucoup de problèmes. Donc le manque d’information rend les décisions compliquées pour la relance. Cependant, il faut anticiper et se poser les questions dès maintenant", avance le chercheur.
"Il faudra voir combien de temps on va pouvoir tenir comme cela. Il y a aussi la question des reports de cotisations pour les indépendants. Faut-il une annulation ? Le débat n’est pas tranché. Mais il faudrait voir comment des indépendants qui n’ont pas travaillé vont pouvoir payer en 2021. Là, c’est un choix politique."
Et à propos de la question basique du "qui va payer", il tient à rassurer. "Une chose est sûre, c’est que les États peuvent emprunter à des taux extrêmement bas pour le moment. Donc la question ne se pose pas tant que les taux restent proches de zéro. On peut réemprunter pour rembourser. Il y a aussi l’effet inflation qui joue. La dette vaut moins plus le temps passe. Mais les taux reposent sur la confiance et nous ne sommes pas à l’abri d’une remontée de ceux-ci à moyen ou long terme", conclut-il.