"On doit décider dès aujourd'hui l'interdiction des moteurs thermiques"
Jean Pisani-Ferry, professeur d’économie, est l' invité éco.
- Publié le 11-04-2021 à 16h41
- Mis à jour le 11-04-2021 à 16h42
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Pourquoi pensez-vous que la taxe carbone n’est pas suffisante pour atteindre la neutralité carbone?
Il faut, bien sûr, mettre un prix sur le carbone. Nous sommes tous des animaux économiques. Si une chaudière au fioul revient nettement moins cher qu’une chaudière aux pellets, vous allez hésiter à faire le changement. Il faut donc mettre un prix sur le carbone pour rendre les alternatives bas carbone plus compétitives. Mais ce n’est pas suffisant. Par exemple, l’État doit donner une direction à l’industrie automobile en interdisant les moteurs thermiques traditionnels, à l’horizon 2030 ou 2035. Ce n’est pas un signal-prix, c’est l’indication de la direction qu’on veut prendre.
Ne doit-on pas laisser les technologies les plus performantes s’imposer?
Les économistes les plus libéraux vous diront qu’il suffit de taxer le carbone et que les technologies bas carbone les plus compétitives s’imposeront. Mais les constructeurs vont-ils croire que la taxe carbone sera à 100 euros la tonne dans 10 ans ? Ils risquent de se contenter d’améliorer leurs moteurs thermiques pour les rendre plus efficaces. Mais ce serait un cul-de-sac : ils sont plus efficaces mais ils ne permettront jamais d’atteindre la neutralité carbone. Décider, dès aujourd’hui, qu’on interdit les moteurs thermiques dans 10-15 ans serait autrement plus puissant. Ainsi, les constructeurs sauront qu’ils doivent tout miser sur les technologies bas carbone. Que ce soit l’électrique, l’hydrogène, les biocarburants. Donc il ne faut pas dicter les choix technologiques dans le détail, mais ce n’est pas une raison pour rester dans l’attentisme. L’État doit assumer qu’il n’est pas complètement neutre et qu’il est amené à intervenir dans des choix de technologie. Les infrastructures de rechargement des véhicules électriques ne se créeront pas via une initiative privée.
Le plan de relance européen n’est-il pas plus ambitieux d’un point de vue climatique que le plan américain?
Bien sûr. C’est une très bonne chose qu’un tiers des budgets européens soit consacré à diminuer nos émissions de CO2. Mais, en plus de ça, l’Europe doit faire pression pour que les États suppriment les petites subventions aux énergies fossiles qui subsistent dans leurs législations nationales. C’est aussi à ça que doit servir le plan de relance européen, avoir une cohérence.