Conséquences sanitaires et économiques : le coût derrière la catastrophe nucléaire de Tchernobyl
Eco$tory | Combien la catastrophe de Tchernobyl a-t-elle coûté ? Cette question apparemment simple n’a pas de réponse, sinon un assez vague "au moins quelques centaines de milliards de dollars". 35 ans après l'accident nucléaire, les estimations ne cessent de grimper.
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Publié le 03-05-2021 à 14h09 - Mis à jour le 03-05-2021 à 17h40
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Le 26 avril 1986, l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl en Ukraine (qui fait alors partie de l’URSS) provoque le plus important accident nucléaire civil jamais constaté. La catastrophe est définie au niveau maximum de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques (International Nuclear Event Scale), soit le niveau 7. Cet accident libère dans l’air un nuage radioactif qui se propage principalement sur toute l’Europe, avec de lourdes conséquences à court et long terme sur les populations et le milieu naturel de plusieurs pays.
Au début 1986, 100 000 personnes habitent à Tchernobyl, à une centaine de kilomètres de la capitale Kiev. La ville profite alors de l’essor économique de sa centrale nucléaire, mise en service entre 1977 et 1983, située à près de 15 km du centre-ville.

La veille de l'accident, le 25 avril, un test du réacteur 4 est planifié à l’occasion d’une opération courante de maintenance. Ce test de l’alimentation électrique de secours consiste à couper l'alimentation de la turbine afin de vérifier si celle-ci conserverait la puissance suffisante pour démarrer les pompes à eau servant à refroidir le cœur du réacteur. Le système d'alarme du système de refroidissement du réacteur est alors désactivé en prévision du test, au mépris des principes élémentaires de sécurité.
Les autorités soviétiques de l'époque ont essentiellement accusé les opérateurs et la direction de la centrale mais reconnaîtront plus tard que l’accident avait des causes à la fois "scientifiques, technologiques, socio-économiques et humaines."

Des estimations revues à la hausse
Les chiffres publiés à la suite de la catastrophe ont varié de 2 milliards de roubles en 1986 à 17 milliards de roubles en 1991. Il est compliqué de convertir les roubles d'il y a 30 ans en euros d’aujourd’hui. Ces chiffres couvriraient les interventions, la perte de production pour le secteur électrique et les coûts liés à la santé... mais la plus grande conséquence économique pour l'Ukraine, la Biélorussie et la Russie est due aux pertes de terrains agricoles et de forêts (784 000 ha de terrains agricoles et 694 000 ha de forêts ont dû être abandonnés, soit l'équivalent de plus de 1000 terrains de football) et d’établissements ruraux.
Depuis les années 2000, les chiffres présentés par les pays concernés par la catastrophe sont d’une toute autre ampleur car ils prennent en compte l’ensemble des actions de réhabilitation du site et le traitement des personnes concernées.
Il est très compliqué d'estimer le coût réel de la catastrophe puisque la documentation et les chiffres gouvernementaux restent limités. Les chiffres varient selon que l'on tienne compte des coûts directs et indirects sur le court et le long terme.

Pour la Biélorussie, il existe une estimation nationale de 235 milliards de dollars sur 30 ans, attribuée aux "dommages globaux". Plus d'un quart du territoire biélorusse a été contaminé par des radiations et près de 460 villages ont disparu après l'évacuation de leurs habitants. La Biélorussie a investi plus de 19 milliards de dollars pour nettoyer les terres contaminées. L’Ukraine donne un chiffre de 201 milliards de dollars sur cette période, et les chiffres de la Russie avoisinent 20 milliards de dollars.
Bien qu'elles ne sont pas comparables entre elles, ces estimations permettent de dégager un ordre de grandeur sur 30 ans de l'ordre de 300 à 500 milliards de dollars.

Conséquences économiques et sanitaires
D'autres études évaluent le chiffre encore à la hausse. L'ONG Green Cross a quant à elle estimé que la catastrophe de Tchernobyl a coûté 700 milliards de dollars en 30 ans. Le rapport évalue ainsi le coût de l’explosion, les dommages causés aux terres à proximité de la centrale et les conséquences sanitaires et économiques sur les populations. Ainsi, la décontamination de la zone irradiée est estimée à 67 milliards de dollars. Quant aux coûts sanitaires, ils s’élèvent à près de 100 milliards de dollars et comprennent les frais liés à la protection sociale des pays, de la prise en charge médicale et du suivi psychologique.

L'ONG a identifié une population de 10 000 000 d'habitants comme étant "exposée", dans un sens relativement large, aux radiations et à la catastrophe, dont environ un tiers provenant respectivement de Russie, d'Ukraine et de Biélorussie. Ainsi, en triplant les estimations sur 30 ans de l'Ukraine ou de la Biélorussie pour couvrir l'ensemble de la population exposée, le rapport arrive à un total d'environ 700 milliards de dollars de coûts, en supposant que les mêmes chiffres s'appliquent à la Russie.
Ces montants concernent uniquement les trois pays directement concernés par l'accident nucléaire mais l'exposition aux rayonnements a affecté les résidents de pays (dont la Belgique) bien au-delà de l'Ukraine.
Si l'on devait tenir compte de la décontamination ainsi que des conséquences sanitaires pour l'ensemble des pays européens, les chiffres devraient encore être plus élevés. Encore aujourd'hui, le bilan économique et sanitaire de cette catastrophe nucléaire est controversé.