Fiscalité des multinationales : "Van Peteghem doit être transparent sur les répercussions budgétaires de la réforme"
Selon l’ONG Tax Justice Network, un taux minimum d’imposition fixé à 21 % pourrait rapporter 7 milliards d’euros à notre pays. Et selon l’Observatoire européen de la fiscalité, un organisme qui étudie et dénonce l’évasion fiscale, un taux de 15 % pourrait faire rentrer 10,5 milliards d’euros dans les caisses publiques belges. Ces estimations font grincer des dents du côté de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB).
Publié le 17-06-2021 à 16h36 - Mis à jour le 09-07-2021 à 14h25
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Depuis que Joe Biden a relancé les négociations internationales sur la taxation des multinationales, plusieurs estimations des répercussions budgétaire pour la Belgique ont été publiées. Selon l’ONG Tax Justice Network, un taux minimum d’imposition fixé à 21 % pourrait rapporter 7 milliards d’euros à notre pays. Et selon l’Observatoire européen de la fiscalité, un organisme qui étudie et dénonce l’évasion fiscale, un taux de 15 % pourrait faire rentrer 10,5 milliards d’euros dans les caisses publiques belges.
Ces estimations font grincer des dents du côté de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). "Les États membres de l’UE ont refusé de communiquer à la Commission européenne et à l’OCDE les données permettant d’évaluer les répercussions budgétaires de la réforme en discussion, nous explique Jean Baeten, directeur du département fiscal à la FEB. Les grands États voulaient probablement éviter qu’on ne se rende compte qu’ils sont les grands bénéficiaires de la réforme. Mais, sans ces données, comment le Tax Justice Network et l’Observatoire européen de la fiscalité peuvent-ils conclure que la Belgique gagnera plusieurs milliards d’euros ?"
Cent fois moins ?
Jean Baeten rappelle que le seul chiffre officiel communiqué à ce jour est celui de Luc Batselier, un haut fonctionnaire du SPF Finances qui représente la Belgique auprès de l’OCDE. Lors d’une audition à la Chambre, en juin 2020, ce dernier a révélé que la réforme en cours de discussion pourrait rapporter entre 75 et 102 millions d’euros à la Belgique (en tenant compte du changement de comportement des multinationales et des États). Des recettes fiscales cent fois moins élevées que l’estimation de l’Observatoire européen de la fiscalité…
Qui croire ? Les chiffres du SPF Finances ou ceux des ONG ? "Étant donné la réputation dont jouit Luc Batselier, j’ai plutôt tendance à croire que ses chiffres sont réalistes", répond Jean Baeten.
L’expert fiscal de la FEB demande néanmoins au ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), de faire toute la transparence sur les effets budgétaires que pourrait avoir la réforme négociée au plus haut niveau. "Hormis les quelques chiffres communiqués l’année dernière, on ne sait rien sur l’étude du SPF Finances , c’est une véritable boîte noire, explique-t-il. Le ministre Van Peteghem, qui se veut le champion de la transparence, doit être transparent dans ce dossier. Il n’est pas normal qu’on ne communique aucune info sur les répercussions budgétaires pour la Belgique".
L’impôt minimum est le plus gros morceau
Pour rappel, le gros des recettes fiscales estimées par les ONG provient de l’impôt minimum, soit le pilier 2 de la réforme. En Belgique, il y aurait une soixantaine de multinationales concernées par ce volet. Il s’agit de groupes dont le siège social est enregistré en Belgique et qui affichent un chiffre d’affaires mondial de minimum 750 millions d’euros. La réforme prévoit que la Belgique pourra taxer les filiales étrangères de ces groupes belges si elles sont taxées en dessous du taux minimum à l’étranger. En 2016, les filiales étrangères de ces soixante groupes belges cumulaient 72 milliards d’euros de bénéfices avant impôts (en dehors des frontières de l’Union européenne). Or ces bénéfices extra-européens n’ont été taxés qu’à environ 11 %. En taxant à 15 % ou à 21 %, la Belgique pourrait récolter plusieurs milliards d’euros, estime l’ONG Tax Justice Network.
Une analyse que ne partage par Jean Baeten. "Il y a des holdings, en Belgique, dont la fonction est de recevoir des dividendes de la part de filiales étrangères, explique-t-il. Or ces dividendes intragroupes seront exonérés d’impôts. En outre, l’étude de l’Observatoire européen de la fiscalité se base sur des chiffres de 2016, avant que le plan BEPS de lutte contre l’évasion fiscale n’entre en vigueur. La situation est différente maintenant. Ces chiffres alimentent les rumeurs les plus folles sur les recettes fiscales espérées. C’est pour cela que le ministre des Finances doit faire la clarté dans ce dossier".