"J'ai demandé à l'armée de patrouiller", "J'entends des récits inimaginables" : Des bourgmestres des communes touchées par les inondations se confient
Les bourgmestres sont naturellement en première ligne après la catastrophe historique vécue la semaine dernière, qui a vu les eaux ravager de très nombreuses communes. Si les aides se mettent doucement en place, certains, très fatigués, se sentent parfois démunis. La Libre a contacté quelques bourgmestres pour cerner la manière dont la gestion de crise se déroulait.
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/LODB62USWBGPVKZFFIEJ7RDRHI.jpg)
Publié le 20-07-2021 à 18h12 - Mis à jour le 20-07-2021 à 19h10
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/BIYZXRC4KFDSHMTJLEGMOUQDN4.jpg)
"Aucune journée ne se ressemble, c'est une gestion des problèmes minute par minute", explique la bourgmestre d'Esneux, Laura Iker (MR). Relogement des personnes évacuées, gestion des déchets, nourriture, indemnisation... la liste des problèmes auxquelles les communes touchées par les inondations doivent faire face est longue. "Chaque problème doit se régler d'une façon différente." Les besoins vitaux en priorité
Même son de cloche du côté de Rochefort où Corinne Mullens (PS) répond aux questions alors qu'elle se rend au centre communal qui distribue la nourriture aux sinistrés. Aujourd'hui, c'est riz et vol-au-vent. Et il y a du monde, beaucoup de monde. Il faut dire que la commune est sans conteste la plus touchée de la province de Namur. Des colis alimentaires sont également préparés - "500 pour demain", précise-t-elle. La bourgmestre nous explique qu'elle vient de prendre un énième arrêté. "Ce sont les problèmes de stockage auxquels on doit faire face actuellement." Les interviews se font rarement dans de telles conditions - Corinne Mullens est sur la route - "mais pas le choix, il faut rentabiliser le temps au maximum".
Les journées sont longues pour les deux bourgmestres de ces communes touchées par les inondations. Quelques heures de sommeil seulement et un sentiment d'impuissance alors que le travail abattu est considérable. Tous les services communaux sont mobilisés. "Je n'en reviens pas de tout ce qu'on a pu mettre en place en si peu de temps pour tenter de venir en aide aux gens", déclare Corinne Mullens. "Même si évidemment il reste encore beaucoup à faire." C'est en camion de pompiers que la bourgmestre de Rochefort, appelé par le capitaine pendant la nuit - à deux heures du matin - constate l'ampleur des dégâts. "A ce moment-là je ne me rendais pas compte de tout le travail que ça allait demander."
Problèmes de sécurité
Du côté d'Esneux, c'est directement à la maison que la bourgmestre a pu constater les inondations, avec 60 centimètres d'eau chez elle "mais ça n'est rien du tout quand on voit les autres habitations", précise Laura Iker. Sa maison d'ailleurs elle n'a pas le temps de s'en soucier vu l'ampleur du travail communal. "Ce sont mes enfants qui s'en occupent."
Les ouvriers déblaient les routes, aidés par des bénévoles. Le CPAS cherchent des solutions durables pour les personnes qui ont perdu leur maison. Une cellule d'aide psychologique a été mise en place et des numéros d'urgence sont disponibles pour répondre à toutes les questions des habitants touchés par les inondations. Des séances d'informations sont également organisées afin de renseigner au mieux la population. Relogement et indemnisation sont en tête des questions les plus posées par les administrés. "Les médicaments et les soins pour les personnes blessées et coincés dans leurs maisons reviennent souvent également", ajoute la bourgmestre d'Esneux.
Autre problème à Esneux, certains endroits n'ont toujours pas d'électricité. "On essaie de régler le problème avec des groupes électrogènes", précise Laura Iker. D'autres endroit n'ont pas d'eau puisque les compteurs ont explosés. La bourgmestre relève aussi un problème de sécurité surtout la nuit. "Certains profitent de l'absence d'électricité pour piller", se désole la bourgmestre. "Je l'ai vécu personnellement, mon chien a aboyé toute la nuit parce qu'il sentait la présence d'individus à proximité de la maison." Pour pallier ce problème de sécurité, Laura Iker a demandé "à l'armée de dégager des moyens pour patrouiller". Pas question d'instaurer un couvre-feu comme les communes voisines; "la police ne saurait de toute façon pas le contrôler."
L'émotion à peine contenue...
L'émotion est forte, ça s'entend à la voix de Corinne Mullens, qui chevrote, et s'en excuse. Ces gens touchés par les inondations, ce sont ses amis, ses collègues ou ses employés. "Je les connais depuis toujours, j'entends des récits inimaginables", assure-t-elle avant de se reprendre. "C'est pour ça qu'on est sur le terrain très tôt le matin jusque tard le soir."
ASBL, entreprises privées, entités publiques, bénévoles... la solidarité est grande dans les communes. Certains travaillent dans l'ombre, "impossible de tous les citer." La province aussi a joué un rôle important sur le plan logistique. La région et le fédéral ? "Ce n'est pas encore le moment, on n'en parlera plus tard", conclut la bourgmestre de Esneux.