Bientôt, plus personne ne voudra organiser les Jeux olympiques
Eco$tory | L'organisation des Jeux olympiques coûte de plus en plus cher. Au fil des années, de nombreuses villes se sont endettées jusqu'au cou pour accueillir les JO, au point de dissuader les autres mégapoles de tenter l'expérience. Avec un risque grandissant de ne plus trouver preneur pour la tenue des prochaines éditions...
Publié le 09-08-2021 à 14h21 - Mis à jour le 09-08-2021 à 14h39
/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/RHX3TJRFQFHT5P34OSC24JD73I.jpg)
Tant attendus par les athlètes et les amateurs de sport, les Jeux olympiques ont battu leur plein à Tokyo pendant trois semaines. Mais une fois la grande fête terminée, la gueule de bois financière risque de se prolonger pendant des dizaines d'années au Japon. Minée par le coronavirus (report puis huis-clos), cette édition risque en effet de coûter plus de 20 milliards de dollars aux contribuables japonais.
Mais n’allez pas croire qu’il s’agit là d’un phénomène isolé : voilà plusieurs décennies que les Jeux olympiques laissent derrière eux des stades abandonnés, des routes inutilisées, et des factures de plusieurs milliards que les villes organisatrices peinent à rembourser.
Montréal : 30 ans pour payer les JO
A partir des années 1960, les Jeux olympiques (surtout d’été, mais également d’hiver) ont pris une autre dimension. Le nombre de compétitions, d’athlètes, mais aussi des visiteurs augmentant rapidement, les coûts liés à l’accueil de la compétition ont rapidement flambé. En 1972, Denver est ainsi la première (et dernière) ville choisie par le Comité International Olympique (CIO) à… décliner l’offre. Dans le cadre d’un référendum, la population s’était en effet opposée à des dépenses supplémentaires dans le cadre de l’organisation des JO.

En 1976, c’est Montréal qui va se rendre compte du revers de la médaille olympique. Sous-estimés, les coûts liés à la tenue des JO vont exploser. La Ville s’est donc retrouvée avec une facture d’1,5 milliard de dollars qu’elle a remboursée jusqu’en… 2006 !

Plus récemment, c’est Rio de Janeiro qui s’est enlisée dans les sables mouvants olympiques. Outre la facture de 13 milliards de dollars liée à l'organisation des JO, la mégapole brésilienne doit jongler avec divers problèmes. Plusieurs sites olympiques, notamment le centre aquatique et le célèbre stade du Maracana, sont tout simplement à l'abandon. Le courant a même été coupé dans cet antre mythique du football. En cause : un désaccord entre la Ville et le CIO sur une facture de 930 000 dollars qui doit encore être payée...

La ligne de métro construite pour relier le site olympique avec la ville, peu utilisée, a également été construite alors que le budget prévu était déjà atteint. Aujourd'hui, la Ville peine à payer tous ses employés : personnel hospitalier, enseignants, membres de l'administration, etc. Pour couronner le tout, le taux de criminalité a connu un net rebond, notamment à cause d'une hausse de la précarité pour toute une couche de la population locale. Une réalité bien loin du bilan des plus optimistes vanté par le CIO sur son site internet...
Le CIO se régale, les villes trinquent
Les causes de ces échecs financiers sont multiples. Tout d’abord, le CIO a une fâcheuse tendance à privilégier les projets qui en jettent le plus, tout en imposant des conditions très strictes. Ainsi, une ville hôte doit posséder au minimum 40 000 chambres d’hôtel, ce qui oblige généralement les villes à construire de nouveaux complexes hôteliers, en plus des stades et autres infrastructures sportives nécessaires. Qui plus est, le CIO empoche 50 % des revenus liés à la diffusion télévisée des Jeux, de loin la plus grande manne financière…
Ensuite, les villes espèrent généralement un retour sur investissement qui tient davantage du mythe que de la réalité. Si elles connaissent généralement un pic d’activité à l’approche et à l’issue de l’événement, les effets sur l’emploi, la consommation, le tourisme et autres s'essoufflent rapidement. De Sydney à Rio en passant par Salt Lake City, Athènes ou Sotchi, les chancres ne se comptent plus. Les stades, complexes de golf, de natation et autres pistes cyclistes tombent à l’abandon, forçant les villes à sortir plusieurs millions de dollars supplémentaires chaque année pour leur entretien.
En 2002, une étude menée lors des JO de Salt Lake City a montré un effet bénéfique sur l'économie non seulement limité à un court terme, mais aussi moins important qu'annoncé : ce sont ainsi 7 000 emplois qui ont été créés, contre 70 000 annoncés. Des économistes pointent également un effet relatif sur le tourisme car "la sécurité, la foule, et la hausse des prix durant les JO dissuadent de nombreux visiteurs".

Los Angeles a toutefois été une exception à la règle. Tout d’abord, étant la seule ville en course pour les JO de 1984, elle a pu négocier des conditions plus avantageuses. Deuxièmement, elle a pu réduire drastiquement les coûts de construction en comptant sur une solide infrastructure sportive et extra sportive préexistante.
Il convient également d’ajouter que pour certaines villes comme Sotchi, les habitants pointent une amélioration des infrastructures routières et sanitaires qui n’aurait pas pu avoir lieu sans la tenue des JO. Il serait donc erroné de prétendre qu'aucune avancée ou amélioration structurelle n'intervient à l'issue de l'accueil des JO.
Qui voudra encore des JO ?
Quoi qu'il en soit, ces gouffres financiers à répétition finissent tout de même par ouvrir les yeux des villes. Le nombre de candidatures pour les prochaines éditions dégringole, avec plusieurs villes comme Stockholm, Oslo, Budapest, Hamburg ou Rome qui se sont retirées de la course. Pour 2024 (Paris) et 2028 (Los Angeles)... une seule ville était à chaque fois en lice. Le nouvel échec de l’édition 2020/2021 de Tokyo risque de refroidir un peu plus les candidats qui existaient encore. Alors qui sait : peut-être que d’ici 2032, plus personne ne voudra organiser les Jeux olympiques...