"La Belgique pourrait être le premier pays européen à brûler de l’hydrogène dans une centrale"
Le conglomérat japonais Mitsubishi est actif dans la production de turbines à gaz. D’ici 2030 ou même avant, le groupe s’engage à ce que toutes ses turbines soient capables de fonctionner avec 100 % d’hydrogène, sans production de CO2.
Publié le 09-08-2021 à 17h30 - Mis à jour le 10-08-2021 à 08h34
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Le conglomérat japonais Mitsubishi est actif dans la production de turbines à gaz. José Aguas est vice-président des ventes de turbines à cycle combiné pour la région Europe, Moyen-Orient, Afrique. Sur le marché belge, il est en contact avec Eneco et Luminus, en vue de leur fournir les turbines des centrales au gaz qui seront en compétition lors des enchères du CRM (mécanisme de rémunération de la capacité), en octobre prochain. Des centrales au gaz contestées par certains en raison des émissions de CO2 associées à cette énergie fossile.
La construction de nouvelles centrales au gaz est très critiquée. Quelles sont les perspectives d’amélioration des performances environnementales de ces unités au gaz ?
Une possibilité est de séparer le CO2 du reste des émissions de la centrale. Il est ensuite possible de stocker ce carbone sous la mer, à une certaine profondeur. Mais si la centrale est trop éloignée de la côte, cette solution n'est pas économiquement viable. Dans ce cas, il doit y avoir un réseau de transport de CO2 à disposition de la centrale (NdlR : ce qui n'est pas le cas en Belgique).
Combien coûte une turbine équipée d’un système de captation de CO2 ?
Une nouvelle centrale au gaz à cycle combiné, sans système de capture du CO2, coûte environ 300 000 à 400 000 euros par MW. En ajoutant le système de capture de CO2, on passe à 500 000-600 000 euros par MW, soit 50 % plus cher. Mais si on veut aller vers la neutralité carbone, il y a un prix à payer. Sans tenir compte du prix du carbone, l'électricité renouvelable est d'ailleurs deux fois plus chère que celle produite par une centrale existante, nucléaire ou au charbon. Mais le prix des éoliennes a été divisé par deux et cela va continuer. C'est la même chose pour les systèmes de capture de CO2, leur prix va baisser.
C’est le meilleur système pour décarboner la production d’électricité sans dépendre du vent et du soleil ?
Non. Selon moi, la meilleure solution est de brûler de l'hydrogène à la place du gaz dans les centrales. L'hydrogène est plus compétitif, plus simple, plus propre que la capture de CO2. En effet, la combustion de l'hydrogène n'émettant pas de CO2, le problème est traité à la racine. La capture de CO2, elle, corrige un problème. Chez Mitsubishi, nous croyons fermement que l'hydrogène sera le choix préféré, même si ça prendra du temps.
Les turbines à gaz de Mitsubishi sont-elles déjà compatibles à l’hydrogène ?
Nos turbines sortent d'usine en étant capables de brûler un mélange composé de 30 % d'hydrogène et de 70 % de gaz, ce qui aboutit à une diminution des émissions de CO2 de 10 %.
Mais ce n’est pas suffisant pour atteindre la neutralité carbone…
D’ici 2030 ou même avant, nous nous engageons à ce que toutes nos turbines soient capables de fonctionner avec 100 % d’hydrogène. Il est aussi possible d’adapter les centrales existantes afin qu’elles puissent fonctionner avec 100 % d’hydrogène.
Quelle est l’implication du groupe Mitsubishi dans le cadre du CRM belge ?
Nous sommes en compétition en vue de fournir les turbines d’Eneco à Manage et de Luminus à Seraing.
Engie n’a pas fait appel à vous ?
Non, nous avons manqué cette opportunité.
Il n’y a pas de réseau d’hydrogène en Belgique. Quand est-ce qu’Eneco et Luminus pourront réellement alimenter leurs centrales au gaz avec de l’hydrogène ?
Le calendrier du CRM prévoit une mise en service des nouvelles centrales en 2025. Je pense que l’hydrogène pourrait être utilisé comme combustible d’ici 2027 ou 2028. Si un réseau n’est pas disponible, il est toujours possible de produire de l’hydrogène localement (NdlR : il faudrait une importante capacité en électrolyseurs). Cela permet de tirer profit de la production des éoliennes la nuit, quand l’électricité est bon marché, pour produire de l’hydrogène près de la centrale. Ceci dit, je suis persuadé que la meilleure solution est de construire un réseau d’hydrogène.
Où en est-on au niveau du marché mondial des centrales à hydrogène ?
D’ici quelques années, la Belgique ou le Royaume-Uni sera probablement l’un des premiers pays d’Europe à utiliser de l’hydrogène pour faire fonctionner une centrale. Au départ, ce sera 30 % d’hydrogène. Ensuite, le pourcentage va augmenter progressivement. Aux États-Unis, il existe un projet prévoyant de fonctionner entièrement à l’hydrogène, au plus tard en 2045. Et une fois que le réseau d’hydrogène sera opérationnel, toutes les centrales électriques au gaz pourront rapidement être converties à l’hydrogène.