Tarifs énergétiques : "Un chèque ciblé serait plus juste qu’une baisse de la TVA sur l’électricité"
Philippe Defeyt est économiste à l’Institut pour un développement durable (IDD). Il plaide en faveur de l’octroi de chèques énergie pour la moitié des ménages. Une mesure moins onéreuse pour l’État.
Publié le 20-09-2021 à 08h14 - Mis à jour le 20-09-2021 à 08h18
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L’envolée du coût de la facture énergétique menace de réduire notre pouvoir d’achat, particulièrement celui des familles les plus précarisées. Face à ce constat, la proposition d’abaisser la TVA sur l’électricité est revenue au-devant de la scène.
Rappelons que cette proposition n’est pas neuve. Il y a quelques années, le gouvernement Di Rupo avait déjà abaissé la TVA sur l’électricité à 6 %, au bénéfice des particuliers. Mais, en 2015, la TVA était repassée à 21 %, suite à une décision du gouvernement Michel.
Aujourd’hui, de nombreuses voix s’élèvent en faveur de ce retour à 6 %. Le PTB réclame cette mesure depuis très longtemps, tout comme le syndicat FGTB, ou encore l’économiste Bruno Colmant. Selon l’agence Belga, le président de Défi, François De Smet, réclame également une diminution temporaire de la TVA sur une partie de la facture d’électricité.
D’autres experts, comme l’économiste Étienne de Callataÿ, sont vigoureusement opposés à cette réduction de la TVA sur l’électricité. Il faut dire que cette mesure aurait comme effet collatéral de retarder l’indexation automatique des salaires, pensions et allocations sociales. En effet, l’électricité est une composante de l’indice santé, qui sert de base au calcul de l’indexation. Une baisse du coût de la facture d’électricité retarderait donc cette indexation, au bénéfice des employeurs.

Un chèque énergie ciblé
Philippe Defeyt, économiste à l’Institut pour un développement durable (IDD) et ancien mandataire Écolo, est également opposé à une baisse généralisée de la TVA sur l’électricité. À la place, il propose une mesure plus ciblée : l’octroi de chèques énergie aux ménages qui ont les ressources financières les moins élevées.
Ainsi, la totalité des ménages de Belgique seraient divisés en quatre quartiles, en fonction de leurs revenus. Le premier quartile, soit 25 % des ménages, recevrait un chèque de 200 euros. Le deuxième quartile recevrait un chèque de 100 euros. Les autres ne recevraient rien du tout. Ainsi, la moitié des familles seraient concernées par la mesure.
Selon les calculs de Philippe Defeyt, cette mesure ciblée coûterait nettement moins cher au budget de l’État qu’une baisse généralisée de la TVA. En ce qui concerne l’électricité, le coût serait de 579 millions pour la baisse de la TVA, contre 376 millions d’euros pour la mesure ciblée.
"La baisse de la TVA est une mesure très simple à mettre en œuvre d'un point de vue technique, explique Philippe Defeyt. Il suffit de publier un texte au Moniteur et le changement entre immédiatement en application. La baisse de la TVA est aussi tentante pour les hommes et femmes politiques. La facture augmente, donc on réagit par une baisse visible et symbolique de la TVA. Je me demande néanmoins s'il ne vaudrait pas la peine d'attendre et de mieux cibler les personnes qui en ont réellement besoin."
Pourquoi ce ciblage nécessite-t-il du temps ? Octroyer un chèque énergie en fonction des revenus implique de consulter le dernier avertissement-extrait de rôle des ménages, ce qui peut prendre du temps. "C'est là que se situe le nœud du problème, estime Philippe Defeyt. La crise sanitaire a mis en lumière le fait que la Belgique n'était pas bien outillée quand il s'agit d'intervenir rapidement et de façon ciblée. La France, en revanche, est parvenue à cibler très efficacement ses mesures d'aide."
Si le ciblage des revenus devait prendre trop de temps, l'économiste propose plusieurs alternatives. L'octroi de chèques énergie aux 20 % des ménages belges bénéficiant déjà du statut BIM (bénéficiaires de l'intervention majorée), ou aux 17 % des ménages bénéficiant déjà du tarif social de l'énergie. "Peu importe la manière, il serait plus juste socialement d'octroyer un chèque ciblé qu'une baisse généralisée de la TVA", ajoute Philippe Defeyt.
Par ailleurs, l'économiste alerte sur les conséquences collatérales d'une réduction de la TVA sur l'électricité. "Une dimension trop souvent négligée de la baisse de la TVA sur l'électricité ou le gaz est qu'elle retarderait l'indexation automatique des salaires, pensions, allocations, ajoute Philippe Defeyt. Le chèque, quant à lui, n'aurait pas d'impact sur l'indexation car la facture énergétique, en tant que telle, resterait inchangée…"
Van Peteghem écarte la mesure
Quoi qu'il en soit, il se pourrait que la proposition de baisser la TVA sur l'électricité soit déjà écartée. Ce samedi, le ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V), a déclaré dans L'Écho que le gouvernement fédéral n'entendait pas réduire la TVA sur l'électricité. Il reste à voir si d'autres mesures de soutien pourraient voir le jour.